Premiers romans
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Pleurer au supermarché
Michelle Zauner
Coup de coeur- Christian Bourgois
- Littérature Étrangère
- 2 Mai 2024
- 9782267048919
Michelle Zauner vit à Philadelphie et jongle entre trois jobs alimentaires et un groupe de rock dont la carrière ne décolle pas quand elle apprend que sa mère est malade. Elle rentre alors dans l'Oregon pour l'accompagner dans son combat contre le cancer, et pour essayer de rattraper le temps perdu. Car Michelle a été une adolescente rebelle, ne se sentant jamais à la bonne place, et fuyant cette figure maternelle qui incarne l'exigence mais aussi la culture coréenne, si proche et si lointaine. Le souvenir des étés passés dans le pays natal de sa mère, et celui de la passion avec laquelle cette dernière cuisinait et mangeait, vont aider Michelle à surmonter son chagrin, à trouver un chemin vers l'apaisement.
Michelle Zauner évoque avec une grande simplicité le deuil qu'elle a traversé, et toutes les complexités de l'amour entre une mère et sa fille. Elle consacre surtout des pages inoubliables au plaisir gastronomique pour nous rappeler que nous sommes aussi ce que nous mangeons. Un livre qui ne ressemble à aucun autre. -
Rousse : Ou les beaux habitants de l'univers
Infante Denis
Coup de coeur- Tristram
- Litterature Francaise
- 4 Janvier 2024
- 9782367190990
Sur une terre que l'homme semble avoir désertée, où l'eau est devenue rarissime, tous les vivants -
" mobiles autant qu'immobiles " - souffrent de la soif. Les végétaux dépérissent. Les animaux aquatiques aussi, pris au piège de l'évaporation de leurs demeures. Au retour de leurs longs périples, les oiseaux migrateurs n'apportent pas de bonnes nouvelles : partout la sécheresse sévit.
" Quelques-uns pourtant avaient osé, s'étaient décidés pour une des quatre directions, par choix ou guidés par pur hasard, et s'étaient mis en marche, droit devant. Rousse était de ceux-là. "
Ainsi commence ce bref roman, porté par une langue au ras du réel, de la conscience et des sensations de Rousse, une jeune renarde. Son histoire possède la clarté d'une fable et la puissance d'une odyssée. Le chapitre où Rousse découvre une trace de l'existence passée des hommes - l'incompréhensible carlingue d'un avion de ligne écrasé au sol - est inoubliable. Tout comme sont inoubliables les scènes où elle chemine et dialogue avec un vieux corbeau très sage, du nom de Noirciel. Et quel meilleur
suspense que la recherche héroïque d'une eau vitale, mais peut-être impossible à trouver...
L'exergue, emprunté à Jean Giono, dit tout de l'ambition poétique et métaphysique de ce roman splendide :
" Dans tous les livres actuels on donne à mon avis une trop grande place aux êtres mesquins et l'on néglige de nous faire percevoir le halètement des beaux habitants de l'univers. " -
Elle serait presque une femme ordinaire. Mais, comment dire, il y a chez elle cette fâcheuse habitude d'évaluer de 1 à 10, sur une « échelle du connard », chaque homme qu'elle rencontre. Et de mettre à mort ceux qui dépassent les 8. Le mode opératoire ? Un peu de séduction, puis émasculation d'un coup de mâchoires, les détails de la mise à mort finale peuvent peu ou prou varier. Une psychopathe donc, une vraie, qui voit sa routine et son coeur jusque-là bien gardé assaillis de toutes parts. Outre les irruptions intempestives de son voisin schizophrène en pleine crise conjugale et la mauvaise foi crasse de Robert qui joue au patron pervers, un flic ténébreux est, évidemment, sur les traces de celle que des médias en manque d'imagination ont baptisé la Bitovore...
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Une chaîne de Markov est un processus mathématique dont se servent les météorologues, les physiciens pour prévoir des changements à partir de l'observation du présent. Ainsi Ezra, jeune enseignant en mathématiques, pense-t-il anticiper les aléas de sa vie amoureuse en appliquant ces calculs au couple qu'il forme avec Ève. Leur histoire est récente, encore pleine d'incertitudes, de maladresses, qui sont attisées par leur éducation dans des milieux culturels différents. Les parents d'Ezra sont des Juifs ashkénazes qui exercent la médecine à Montpellier. Ceux d'Ève appartiennent à la vieille noblesse de Besançon et ils sont très attachés à leur patrimoine familial. Lassé d'enseigner, Ezra décroche un emploi rémunérateur de consultant pour le gouvernement, tandis qu'Ève continue d'être professeure de français. Les écarts entre leurs modes de vie exacerbent les tensions, alors même qu'ils envisagent d'avoir un enfant. La théorie mathématique pourra-t-elle aider Ezra à surmonter les divergences avec Ève et éviter la dislocation de leur histoire d'amour ? Dans ce premier roman traversé par une ironie désopilante, l'auteur fait le portrait d'une génération confrontée à des injonctions contradictoires - épanouissement, générosité, cynisme, corruption - et qui cherche par tous les moyens à tenir en équilibre.
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Un roman saisissant sur une famille où l'obsession des apparences cache une réalité chaotique.
" Ma soeur aînée et moi avons poussé dans la vase avec peu de lumière autour. "
Messe le dimanche, robes à smocks, vacances sur la côte basque au milieu de gens distingués... Jean, Madeleine et leurs deux filles, Nine et Fleur, respectent toutes les apparences d'une famille bourgeoise à la vie rangée.
Pourtant, quand Fleur, âgée d'une quarantaine d'années, décide après la mort de son père de s'installer dans sa cave pour trier les montagnes de lettres, cartes de voeux, faire-part de décès, objets divers reçus en héritage, c'est une réalité bien différente qui surgit... Tandis que son histoire et celle de ses proches se reforment sous ses yeux, on découvre des êtres beaucoup moins lisses qu'il n'y paraît, au passé et aux secrets étouffants.
Avec une force rare, Des gens comme il faut nous entraîne au coeur d'une famille bouleversante, à la fois unique et toute proche des nôtres. -
Ceux qui appartiennent au jour
Emma Doude van Troostwijk
Coup de coeur- Éditions de Minuit
- 2 Janvier 2024
- 9782707349484
« Je voulais raconter ça, l'histoire d'une famille de pasteurs qui perd la mémoire. Traiter d'un drame, avec le plus de lumière possible. » E. D. v. T.
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« Les enfants, les bébés, ils les appellent les "petitous". Et c'est vrai qu'ils sont des petits touts. Qu'ils sont un peu de leur mère, un peu de leur père, un peu des grands-parents, un peu de ceux qui sont morts, il y a si longtemps. Tout ce qu'ils leur ont transmis, caché, inventé. Tout.
C'est pas toujours facile d'être un petit tout, d'avoir en soi autant d'histoires, autant de gens, de réussir à les faire taire pour inventer encore une petite chose à soi. »
Dans une ferme, l'histoire se reproduit de génération en génération : on s'occupe des bêtes, on vit avec, celles qui sont dans l'étable et celles qui ruminent dans les têtes. Peintes sur le vif, à petites touches, les vies se dupliquent en dégradé face aux bêtes qui ont tout un paysage à pâturer.
Marion Fayolle crée un monde saisissant dont la poésie brutale révèle ce qui s'imprime par les failles, par les blessures familiales, comme dans les creux des gravures en taille-douce. -
2010, Rio de Janeiro. Lorsqu'une tante lui offre un voile de dentelle, la jeune Alice ne sait qu'en faire. Pour cette militante féministe, la relique familiale incarne le pire de la domination patriarcale. Elle ignore que cette véritable oeuvre d'art raconte une histoire de violence et de lutte pour la liberté survenue cent ans plus tôt.
1918, dans le Nordeste. Eugênia, mariée contre son gré, invente un code - qu'elle dissimule dans les points de sa dentelle - pour communiquer avec sa meilleure amie. Et le message est clair : elle veut s'échapper...
Un siècle les sépare et, pourtant, les vies d'Alice et d'Eugênia sont unies par un fil invisible, une même volonté. Celle de choisir leur destin.