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Bertrand Schefer
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Un roman inspire un fait divers, qui devient un roman. Ce livre, paru en 2018, retrace l'histoire du premier grand kidnapping français qui agita le pays en 1960 (l'enlèvement d'Éric Peugeot, 4 ans, petit-fils du grand patron de l'automobile française), avant de découvrir qu'il était calqué mot pour mot sur un roman américain de la Série noire !
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Alors, dès cet instant, l'adolescente entre dans la photographie comme la foudre, et ce qui suit s'appelle une légende. Comme si on avait tendu un violon à un novice et qu'une sonate était sortie d'un coup.
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Que voit-il, cet enfant, sur la photo accrochée au-dessus du lit ? Et pourquoi le conduit-on, à l'âge de huit ans, dans une chambre inconnue pour le mettre devant cette image sidérante ?
S'il veut aujourd'hui retrouver cette scène si longtemps occultée, doit-il la rejouer pas à pas, mot à mot, image par image ? Et pouvoir alors espérer en comprendre le sens, en mesurer la portée.
Il faut être tranchant, parfois brutal. Le narrateur constate que quelque chose ici ne peut pas être « écrit », mais plutôt « photographié ». Il avance par blocs dans l'obscurité de son passé : une image, du noir, une image, un battement de paupière : fixer les étapes de ce trajet sans retour avant d'oublier à nouveau. Il s'avance en ligne droite, progressant dans le couloir qui conduit à la chambre où se trouve la photo, au rythme d'un travelling qu'on appellerait hitchcockien, avec son vertige et ses accélérations qui préparent la violence du choc retrouvé.
Il revoit le décor et les personnages qui entourent cette apparition : la chambre d'enfant d'où sa mère le fait sortir pour traverser Paris en bus, le déjeuner chez son amant où elle l'emmène, le huis clos électrique entre eux trois devant la photographie accrochée au-dessus de son lit.
C'est toute son enfance qui ressurgit dans la vitesse de ce seul épisode. Non seulement son enfance, mais toute sa vie depuis qui se dessine en creux dans les replis de cette scène primitive.
De ce jour-là, il emportera une image où le plaisir est à jamais lié à la peur. Et beaucoup de questions sur la folie et la mort qui traversent nos vies. Mais s'il y revient aujourd'hui, c'est qu'il peut désormais voir autrement ce qui irriguait tous ces gestes. Et s'il devait mettre un nom dessus, il dirait : une histoire d'amour qui sans cesse recommence.
C'est un texte bref, dense, noir, qui nous fait plonger dans les intuitions sombres de l'enfance, et ses malentendus aussi bien. C'est aussi une tentative d'exorcisme, une entreprise d'élucidation et par là un texte qui finalement va vers la lumière.
Bertrand Schefer a publié Cérémonie en 2012.
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«J'essaie peut-être de dire une chose impossible : être où je ne suis pas, parler avec les morts, aimer une inconnue. J'essaie, penché sur l'image, de fixer le point où la fiction prend corps.
Des histoires liées à la photographie, au cinéma, à des images qui hantent la mémoire ; des récits en train de s'écrire, des enquêtes en train d'être menées, des scènes en train de se filmer ; des études de cas : Antonioni, Gus Van Sant, Chris Marker, Giacometti, Stendhal, Duras...
Au fond de toute image, de tout récit, il s'agit avant tout de saisir l'absence, d'écrire la disparition.».
Bertrand Schefer.
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Palais de glaces ; catalogue monographique de Valérie Mréjen
Thomas Clerc, Laurent Mauvignier, Bertrand Schefer
- Manuella Éditions
- 14 Mai 2021
- 9782490505180
« Ce qu'on commence à comprendre, c'est qu'ici tout communique. Les découpages, les romans, les vidéos, les photographies : ce sont toujours des portraits, et ces portraits, qu'ils soient ou non parlants, sont toujours des histoires contenues, du langage ramassé sur lui-même. Et derrière ces portraits, il y a une main qui décortique, ôte la graisse comme on dit, le surplus, l'inessentiel, qui rassemble, taille, coupe au bon moment, fait entendre tout ce qui est passé sous silence à la surface de quelques mots et, à la surface du silence, tout ce qui parle encore ».
Bertrand Schefer.
V. M. Tout cela nous ramène au palais des glaces, ce labyrinthe aussi attirant qu'angoissant.
L. M. Palais des glaces, oui, où les miroitements des fictions minuscules, des récits possibles sont comme des éclats de mica qui projettent des lumières - d'étoiles mortes ? trop lointaines ? Où est-ce que, les relayant, ces éclats réactivent les récits et les remettent au présent, sans se soucier de ce qui est vrai ou faux, luxe ou toc dans ce palais où la transparence des glaces ne s'oppose pas à l'opacité des signes ?
V. M. Dans le palais des glaces, à cause de l'effet boule disco, on ne sait plus très bien s'il s'agit de reflets, ou de reflets de reflets. J'aime cette idée du toc juxtaposé à de la « vraie » poussière d'étoiles, sans qu'on puisse faire la différence. La beauté des êtres est dans cet alliage entre minerai véritable et pâle imitation.
Entretien avec Laurent Mauvignier.
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Bertrand Schefer, qui est aussi cinéaste, a longtemps travaillé sur le scénario d'un film dans lequel il voulait raconter l'histoire d'un cher ami d'enfance qui s'était peu à peu coupé du monde et vivait en marge de la société, errant sans domicile fixe et sans travail. Son destin hantait Bertrand Schefer et sa figure grandissait en lui avec les années, absorbant ses forces. Il vivait avec ce qui était devenu comme un double obscur, une part d'ombre qui le dévorait de remord et de culpabilité. Grâce au cinéma il espérait en finir avec ce fantôme et se libérer du passé.
Le film n'a pas pu se faire, mais de cet échec est sorti un texte, ce récit d'un homme hanté par un double dont la figure et les choix de vie radicaux ont fixé à jamais l'époque de la jeunesse. Entre le temps de l'éloignement et celui du retour, le narrateur retrace sous la forme d'un rapport factuel, comme pour donner de la réalité à sa mémoire trouée, l'histoire réelle et fantasmée d'une amitié fondatrice.
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Braguino ou la communauté impossible
Clement Cogitore, Bertrand Schefer, Lea Bismut
- Filigranes
- 30 Septembre 2017
- 9782350464312
Braguino est le nom d'un petit village en Sibérie, où vivent aujourd'hui en autarcie deux familles issues d'une communauté de vieux-croyants orthodoxes, qui refusent l'autorité de l'Etat et de l'Eglise. Clément Cogitore est parti à leur rencontre, à la recherche de cette "communauté impossible" et recluse.
Plongé dans une installation conçue comme une forêt photographique et filmique, le spectateur sera invité à "vivre une expérience de la sensation, une traversée d'un monde où le paysage, le végétal, l'humain et l'animal cohabitent dans un ensemble chaotique, brutal, libre et lumineux.
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Une femme disparaît.
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"Meubler le silence. Il n'y a plus personne, les voix se sont tues, restent le décor, les tables, les chaises, les canapés, les lits. Une visite muette dans des intérieurs viscontiens, antonioniens, hitchcockiens, tous reconstitués comme on ne les verra jamais, ni dans la réalité du décor détruit et oublié, ni dans le film lui-même où ils n'apparaissent jamais simultanément dépliés et rassemblés dans une seule image, comme ici, mais toujours fragmentés d'un plan à l'autre et habités, joués. Pour les restituer, il lui aura fallu les anamorphoser, les reconstruire, finalement les réinventer. Et, à l'arrivée, ce background, cette toile de fond, cette image panoramique unique qui en contient dix autres, est un décor vide ou plutôt évidé d'où le film s'est absenté.".
Bertrand Schefer
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Si le narrateur n'avait pas gommé toute référence à un monde factice, L'Age d'or se lirait comme la chronique d'un dandy contemporain. Il s'agit du récit des errances d'un jeune homme à la recherche de sa vocation. Au-delà d'une quête de soi, c'est également une quête des autres sans que le protagoniste parvienne toutefois à s'attacher. Le livre est conçu comme une remémoration des étapes qui l'ont conduit à entrer dans l'âge d'homme. L'éloignement progressif de son frère (écrivain velléitaire et double sombre de lui-même) dans un univers sans retour en constitue la clé de voûte.
L'âge d'or serait celui auquel on rêve d'arriver sans pouvoir jamais l'atteindre. Y accèderait-on si l'on parvenait à sublimer la blessure originelle ? Les expériences cathartiques vécues par l'auteur, telles que celle de l'usage d'une arme à feu, résonnent comme autant de tentatives de guérison.
Les personnages s'incarnent au fil d'intrigues amoureuses, amicales, criminelle, de dérives physiques et métaphysiques. Puis, les univers se mélangent. La confusion s'installe irrésistiblement entre rêve et réalité.
Bertrand Schefer traque les signes de la matière à laquelle son personnage s'identifie : la poussière prise dans un halo de lumière, la poudre d'or dans une peinture... Un parcours initiatique se dessine qui n'aura peut-être d'autre secret à découvrir que celui du temps irréversible qui nous constitue.
Un peu à la manière de Robert Walser, Bertrand Schefer livre ici une observation sensible du monde.