« Pentalogie, la Haute Mer que vous tenez entre vos mains est composée de cinq livres. Le premier interroge la musique, à travers des Conversations avec le maître. C'est un livre d'une incroyable douceur. Le deuxième, L'Île aux musées, questionne la statuaire, les hommes de bronze, la foule, un arbre de langage, monument aux arbres morts des tempêtes passées et à venir. Le troisième, Sentinelles, est l'enregistrement des conversations comiques, sombres, inquiètes, qui ont lieu durant un vernissage à Beaubourg. La vidéo est l'art de l'instant. Le vidéaste est célèbre et talentueux, les invités sont mondains et cultivés, ou l'inverse, et tout tombe en panne à 21h12. Le quatrième, Totale éclipse, est composé de quinze chansons, de Woody Guthrie à Léonard Cohen, en passant par Johnny Cash et Marianne Faithful. Des chansons qui déchirent le coeur. Killing me softly. Les chansons, on le sait, sont des bulles de temps. Total eclipse of the heart. C'est un livre où l'on croise souvent Ulysse. Et c'est un roman d'amour. Le cinquième, j'ai l'impression de dire une charade, s'intitule Destruction. Je n'en dirai pas plus. Sinon que de l'échec naît la renaissance. » Geneviève Brisac, préface à Haute mer, 2022 Haute Mer réunit en effet les cinq romans que Cécile Wajsbrot avait dès l'origine conçus comme un cycle, publié chez divers éditeurs de 2007 à 2019. Après Mémorial, paru en poche en 2019, Le Bruit du temps poursuit ainsi son travail de réédition des livres de la romancière devenus indisponible en librairie. Le thème commun est celui de la création artistique et de sa réception. Ce ne sont pas des essais sur l'art, mais bel et bien cinq romans dont la forme et les personnages ne sont jamais les mêmes. Mais où « quelques paysages communs, visibles ou sous-marins se dessinent et reviennent sous des aspects différents », contribuant à l'unité du cycle : « Les voix, bien sûr, mais aussi les intempéries climatiques et catastrophes naturelles - tsunami, dust bowl, éruptions volcaniques -, la dictature, la foule, les gens sans domicile et ceux qui sont obligés de quitter leur pays. Certains lieux aussi, Berlin, Tchernobyl, Paris. Le téléphone portable joue parfois un rôle. Et puis la solitude, les liens qui nous unissent. Et bien sûr la question de l'art - ce que serait un monde sans art, sans la complexité et la diversité de toute création mais aussi la façon dont une oeuvre est perçue. Chacun de ces romans est comme l'île d'un archipel en haute mer ... »
La narratrice de ce nouveau roman de Cécile Wajsbrot, une femme, traductrice, s'isole à Dresde pour traduire « Le temps passe », partie centrale de La Promenade au phare, de Virginia Woolf, dans laquelle la romancière anglaise tentait d'écrire le temps pur en évoquant ses ?????????? : la dévastation progressive d'une maison devenue inhabitée.
Tandis que nous la voyons habiter peu à peu le texte et les lieux, et s'immerger dans les arcanes de la traduction, les fantômes qui peuplent la ville étrangère et ses propres fantômes intérieurs ne tardent pas à resurgir et à se mêler à son travail. Ainsi le thème de la disparition récente d'une amie écrivain dont le souvenir la hante s'entretisse au journal dans lequel elle note au jour le jour - comme on ne l'avait ??????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????????
Naissent des tâtonnements, des doutes suscités par la progression de son travail et par la tentative de s'approcher au plus près de la création d'un écrivain d'une autre époque, dans une langue autre. La lecture-commentaire de ce texte sur la dévastation du temps et la vie de la traductrice dans une ville jadis dévastée de la guerre ne font qu'un, sont intimement liés, retentissent sans cesse l'un sur l'autre.
Un peu comme dans Mémorial, où, relatant un voyage en Pologne sur les traces de sa famille, elle parvenait à rendre une voix aux âmes des disparus, Cécile Wajsbrot réussit ici à rendre parfaitement justes, naturelles, les soudaines apparitions de l'amie qu'elle a perdue : on est troublé, ému, la grande réussite du roman est qu'à aucun moment cela ne paraisse forcé. Comme souvent, dans cette oeuvre, des thèmes secondaires viennent s'intercaler en contrepoint ou même au sein du récit principal et en accroître la résonance. Il en va ainsi des pages qui évoquent la High Line, à New York, pour évoquer un autre type de métamorphose engendrée par le passage du temps. Mais il faudrait citer aussi d'autres leitmotive : ainsi la catastrophe de Tchernobyl, qui est comme une accélération à plus grande échelle de la dévastation décrite dans « Le temps passe » ; ou, a contrario, un thème qui traverse tout le récit comme l'image même du rôle de l'écrivain, ou de sa traductrice : celui des cloches (et, plus généralement, de la musique) qui avertissent de l'imminence du désastre ou, après que celui-ci a eu lieu, subsistent comme les derniers vestiges d'une vie humaine dans les villes englouties.
La narratrice de ce très émouvant récit n'a cessé de vouloir échapper à ses origines, à sa famille : un frère et une soeur (son père et sa tante) indissolublement réunis pour avoir échappé à un passé trop lourd dont ils n'ont rien dit et qui ont fini par se murer dans une étrange maladie qui s'est attaquée à leur mémoire. Elle a essayé de répondre à leur attente en édifiant la vie qu'ils n'avaient pu avoir. Elle s'est éloignée mais, à la mort de sa grand-mère, a fini par revenir vers ce qu'elle avait fui. Et elle s'est résolue à entreprendre un nouveau voyage. Cette fois pour se rapprocher de l'événement douloureux qui est à l'origine de leur exil, de cette histoire qui est aussi la sienne. Ce détour, ou ce retour, lui étant soudain apparu comme une étape indispensable pour être enfin libre de s'en aller ailleurs.
Le livre est le simple récit de ce voyage en train - l'attente interminable sur les quais de la gare de départ, le voyage lui-même avec ses rencontres, les conversations de compartiment, le séjour dans une ville étrangère qui est pourtant aussi la sienne, celle d'où vient sa famille :
Kielce, en Pologne, où eut lieu, un an après la fin de la guerre, en 1946, un terrible pogrom. Mais les petits événements qui émaillent tout voyage dans un pays inconnu dont on ignore la langue sont sans cesse enrichis de toutes les pensées qui assaillent la narratrice, des voix intérieures qui la traversent. Progressant vers ce lieu d'origine, elle ne cesse, à partir des bribes que lui ont transmises ceux qui à force d'oublier pour pouvoir vivre ont fini par tout oublier, de reconstituer ce qu'elle a pu apprendre d'un autre voyage : celui de tous ceux qui tentaient de fuir ce même pays, à l'annonce d'un malheur encore indéfini.
Des fantômes surgissent, comme celui de cet oncle qui s'est noyé dans la rivière qui traverse la ville, celui qui aurait voulu être médecin. Dans le train, la rencontre d'une jeune femme qui vit à Oswiecim et n'a pu quitter la ville malgré le poids de l'histoire ne fait que la conforter dans l'idée que le souvenir est le pire poison. Arrivée dans la petite ville, les voix se font encore plus insistantes, comme si elle avait été irrésistiblement entraînée au pays des morts, elle y retrouve la rivière noire et ces eaux sombres, ce Styx au bord duquel un guide mystérieux lui rappelle que les leçons du passé n'ont servi à rien. Elle découvre au cimetière les quelques tombes juives qui ont échappé à la destruction.
Une dernière conversation avec l'oncle disparu (car c'était lui qui l'avait guidée) la laisse engourdie de stupeur et de froid, ayant compris que « l'au-revoir » qu'elle cherchait est en réalité impossible. Elle ne peut que repartir et, revenue auprès des siens, décider de se plonger comme eux dans le sommeil de l'oubli.
Une femme qui a consacré sa vie à lire ou à écrire se trouve soudain privée de tout ce qui était au coeur de son existence. Une dictature s'est installée dans le pays où elle réside, ici, à Paris. Le seul moyen d'expression qui lui est concédé est une sorte de blog sonore, que lui commande le représentant d'une mystérieuse organisation qui tente de s'opposer au nouveau régime. Le livre ne cesse de s'interroger sur ce changement inquiétant : quand s'est-il réellement produit, quels en étaient les signes avant-coureurs, comment a pu s'effectuer cette destruction progressive du monde d'avant ? Et surtout, la narratrice n'estelle pas elle-même coupable d'avoir laissé venir les choses, n'a-t-elle pas elle-même voulu s'affranchir du passé ? N'avons nous pas été tous coupables d'insouciance, de légéreté ? Et voilà que le nouveau pouvoir, peu à peu, de manière insidieuse bannit tout souvenir, cherchant à effacer toute trace de l'histoire, toute plaque commémorative, détruisant jusqu'aux cimetières. Tout se passe en réalité comme s'il n'avait fait que systématiser une vie de pur divertissement dans laquelle, comme toute une génération autour d'elle, elle s'était complue, refusant peu à peu toute pensée complexe, toute réflexion.
À sa manière prenante, allusive, ne cessant de mêler ses voix intérieures, ses angoisses à des souvenirs de lectures, de rencontres, d'observations, Cécile Wajsbrot parvient à merveille à nous faire ressentir ce que pourrait être notre présent si l'impensable (un retour de ce que nous croyions, depuis la guerre, impossible) s'était produit. La grande réussite du roman, c'est que, à force de notations concrètes et par la richesse de ses réflexions, l'auteur nous fait pénétrer dans cet « univers parallèle où se dessinent des contours, des silhouettes qui nous accompagnent, aussi réelles que la nôtre ». La narratrice acquiert une présence telle que le lecteur est lui-même gagné par l'inquiétude de ce qui, après tout, n'était peut-être qu'un cauchemar. Et le dénouement (qui fait penser à un mauvais rêve trop aisément dissipé), nous laisse dans le doute : est-il vraiment besoin d'une dictature pour que la destruction soit à l'oeuvre, en nous et autour de nous ?
À la lecture de cette fiction spéculative, dont la pertinence ne cesse de nous être rappelée par l'actualité, on ne peut qu'être frappé par la cohérence de l'oeuvre de l'auteur de Memorial, hantée depuis toujourspar la mémoire des crimes de l'Histoire et par la crainte qu'ils se reproduisent, faute d'avoir su en tirer les leçons.
Berliner Ensemble est une suite de 22 textes courts écrits entre 2007 et 2014. Ils forment le portrait d'une ville-musée qui est aussi une ville en devenir, et nous racontent l'histoire de la relation entre l'auteur et la ville, personnage à part entière d'une histoire d'amour qui est en train de s'épuiser.
Au-delà de ce portrait d'une ville, l'écriture infiniment précise de Cécile Wajsbrot parle avec beaucoup d'émotion et d'intensité de l'histoire de ses habitants - les fantômes comme les vivants.
Conversations un soir de vernissage à Beaubourg ; l'exposition est consacrée à un vidéaste. Les invités se croisent, s'évaluent, superficiels, ironiques. Il y a aussi l'artiste, une amie, un admirateur, et d'autres ? figures d'un théâtre d'ombres. Devant les écrans de contrôle, quelqu'un veille. Mais il suffit d'un incident technique pour faire déraper la soirée. Le monde réel vacille, s'efface, une autre réalité apparaît.
Un jour, dans un café parisien, un homme fait signe à la jeune femme, la narratrice. Il est compositeur, la cinquantaine. Elle, vingt ans de moins, travaille dans une agence immobilière. Il l'invite à se rendre chez lui pour converser. Chaque après-midi, elle vient donc prendre le thé avec cet homme sans nom qu'elle appelle intérieurement le maître. Ils parlent de la musique, de la solitude et de l'hostilité du monde qui les entoure. Leurs rencontres cesseront brutalement, chacun des interlocuteurs ayant été rejoint par son propre silence. La jeune femme ressent cette fin comme une rupture. Deux ans plus tard, un inconnu lui apprend la mort du musicien et lui demande de rassembler ses souvenirs pour témoigner de ces réunions quotidiennes. La jeune femme accepte. Chaque soir, elle retranscrit ses conversations. Tandis que sur son ordinateur déferlent les images du tsunami, interminable flux de visages disparus, d'existences emportées, de noms effacés. L'écran capte également les forums, débats et discussions retraçant les préoccupations de l'époque...
Usant d'une subtile polyphonie de pulsions secrètes et d'images, Cécile Wajsbrot nous plonge dans l'intime enfer de la création musicale, seul art capable d'exprimer la symbolique des grandes catastrophes contemporaines...
Cécile Wajsbrot continue d'explorer l'oeuvre d'art et sa perception en traçant un sillon personnel. Après le métaphysique et bouleversant Conversations avec le maître elle nous invite à approcher l'univers de la peinture et de la sculpture dans deux huis-clos capitaux se déroulant, l'un à Berlin sur L'île des musées, l'autre au Jardin des Tuileries à Paris. Quatre personnages, simples silhouettes, se dessinent pour incarner deux couples vivant une période de conflit. Ils se séparent lors du week-end prolongé de Pâques pour fuir l'ennui, réfléchir et faire le point sur leurs vies. Durant cette période de transition, de suspens, parenthèse nécessaire pour panser leurs blessures intérieures, les voix énigmatiques des tableaux et des sculptures évoquent l'histoire des lieux chargés d'art et de tragédies. S'y mêlent alors ? dans un fondu enchaîné déroutant ? celles réelles des personnages, fragiles, en quête de sens, d'amour, de paix, d'avenir. Au milieu d'une foule indifférente et des traces de décombres, se tissent peu à peu des liens timides. Les noeuds se desserrent, le désir naît dans la confidence et les secrets. La vie se teinte lentement d'une lumière nouvelle qui conduira du silence à la parole, à la réconciliation.
Les pérégrinations sentimentales de ces héros anonymes suivent les dédales des musées, rythmées par les échos que provoquent en eux les oeuvres qu'ils fréquentent alors, comme dans un rêve. À cette trame sentimentale se sur-impriment les discours mystérieux, envoutants, de ces statues qui critiquent le monde qu'elles accompagnent et depuis longtemps, silencieusement, obstinément vigilantes. L'idée surprenante du livre est de conférer des voix à ces objets dont le statut demeure informe et particulier tant ils sont présents, familiers et parfois invisibles.
À Paris, dans le café où elle a l'habitude d'aller, la narratrice entend une chanson qui la plonge dans le souvenir d'une histoire, le souvenir de sentiments auxquels elle croyait avoir renoncé. Photographe, elle est aussi dans un moment de perte d'inspiration. Une rencontre imprévue la replonge dans les affres de l'amour, en même temps qu'elle lui ouvre de nouvelles pistes de réflexions artistiques. La création et la vie se mêlent, l'une servant l'autre. Mais l'équilibre ne risque-t-il pas de s'inverser en cours de route ?
Dans cette petite ville paisible du Loiret, des milliers de déportés ont été internés avant d'être envoyés dans les camps d'extermination. Parmi eux, le grand-père de l'auteur, qui a été détenu un an à Beaune-la-Rolande, et qui est mort deux mois après son arrivée à Auschwitz. Chaque année, une cérémonie a lieu, à laquelle se rendent les survivants, qui se font de plus en plus rares, et leurs familles. Chaque année, des discours, une commémoration, rappellent l'événement. Des dizaines d'années plus tard, la blessure demeure.
Ce texte bref, écrit à la première personne, est une tentative pour approcher la nécessité du souvenir et son impact sur les générations de l'après-guerre. Le récit de la convocation et de la déportation du grand-père est entrecoupé de notes de voyages, de rêves, de carnets autour de cette quête de mémoire.
Louis Mérian a soixante -dix ans. Il a été animateur de radio pendant une trentaine d'années. Ariane Desprats, qui est née après la guerre, écoutait Louis quand elle était jeune. Elle prépare une série d'émission sur l'histoire de la radio, et vient le voir pour l'interviewer. « Que faisiez-vous pendant la guerre ? » Ariane ne peut s'empêcher de poser la question, elle qui a vécu dans l'ombre de cette guerre qu'elle n'a pas connue. Mais de nombreux membres de sa famille ont disparu dans les camps. Pèse, surtout, le silence de tout un pays. Lui est agacé. Encore cette histoire de guerre, cinquante ans après ? Il n'a rien fait, rien fait de mal, ni de bien... Soudain une faille se creuse, un souvenir remonte, d'une incroyable force, le souvenir de Sarah. Deux personnages lancés dans des quêtes parallèles - faire le deuil d'un traumatisme colle ctif pour l'une, assumer sa culpabilité pour l'autre - se font écho. La trahison : est-ce la lâcheté, le déni, le secret ? Ne serait-ce pas également se trahir soi-même, l'incapacité de vivre au présent ? Ariane pourrait faire sien les mots de Cécile Wajsbrot dans l'émouvant Beaune-la-Rolande, son unique récit autobiographique qui évoque le spectre de la déportation: « J'ai l'impression de traîner un poids qui n'est pas le mien, une vie qui n'est pas la mienne mais dont l'ombre varie avec les heures. (...) Je suppose que cette catastrophe était trop énorme pour pouvoir la supporter d'un bloc et qu'il a fallu la morceler entre les générations. »
rescapée d'une discrète blessure amoureuse, une femme trompe la monotonie solitaire de son existence en rassemblant la nuit ses souvenirs d'un compositeur de musique autrefois aimé en silence ou en participant à des forums de discussion sur internet...
usant d'une subtile polyphonie de pulsions secrètes et d'images, cécile wajsbrot nous plonge (d'une écriture aux douces lignes de fuite) dans l'intime enfer de la création musicale, seul art capable d'exprimer la symbolique des grandes catastrophes contemporaines...
Nous sommes des sans famille errant sur l'océan, nous nous lançons dans des mouvements ou des actions, ou simplement dans notre vie, puis les chaînes invisibles se matérialisent, les liens que nous avions eu tant de mal à défaire se refont, tout à coup, notre bateau se trouve lesté et tandis que les vagues gonflent et menacent, nous hésitons entre affronter la tempête et jeter l'ancre, nous ne savons plus où nous sommes, où est le port. Comment vivre avec un père qui perd la mémoire ? Comment supporter la dilution d'un monde qui vous a servi d'origine ? Confrontée à la maladie d'Alzheimer de son père, la narratrice remonte vers les traumatismes familiaux plus anciens, rafle du Vél'd'Hiv, exil, perte de la langue natale... Alors que les tâches quotidiennes menacent de l'engloutir, elle fait l'expérience d'un très profond déracinement où elle puise une acuité salvatrice.
On a beaucoup parlé, et on parle encore, d'une crise de la littérature.
A cette crise, on donne toutes raisons - le système, la télévision, l'époque, la société. - toutes sauf une, rarement évoquée.
Cette crise de la littérature, ne faudrait-il pas, e effet, en chercher la cause du côté de ceux qui la font, du côté des écrivains.
Vidée de contenu, la littérature n'est trop souvent qu'une enveloppe vide, au point que même le mot a disparu de l'usage, pour laisser place à l'écriture, au fait d'écrire.
Pour sortir d'une telle impasse, il suffit d'en revenir à la littérature, et pour en revenir à la littérature, il suffit d'y croire. On pourrait penser que c'est bien le minimum qu'un écrivain puisse faire, mais à l'ère du soupçon et de la dérision, c'est encore un maximum.
Berlin, après la chute du mur.
Un écrivain inaugure une nouvelle rue qui portera le nom de Caspar David Friedrich. Au coeur de la ville en chantiers, il évoque avec passion l'oeuvre du peintre romantique, tisse des liens entre le passé et le présent. Emporté par le souvenir d'une femme aimée au temps de la division, son discours cède la place à la confession d'une vie bouleversée par les déchirements de l'histoire.
Un dimanche, une femme revient au bois de Boulogne, sur les lieux de son enfance. Elle est romancière mais depuis deux ou trois ans, n'arrive plus à écrire. En se promenant autour du lac, elle rencontre un jeune homme qui travaillait dans le café où elle avait l'habitude d'aller écrire chaque matin. Ils se parlent, puis prennent l'habitude de se retrouver, chaque dimanche.
Dans ce récit à la première personne, les pensées de la femme se mêlent aux dialogues avec le jeune homme. Les difficultés du jeune homme à faire face à la vie la renvoient à son métier d'écrire, à ses débuts, à l'aspect social, aux relations avec les autres, mais aussi à la difficulté de trouver sa place dans une société, dans un pays bloqué - le nôtre - et qui n'a pas grand-chose à proposer à la génération de ce jeune homme de vingt-cinq ans.
Précédé d'un entretien avec François Mitterrand