«Le lac était comme une immense plaque de marbre blanc sur laquelle étaient posées des centaines et des centaines de têtes de chevaux. Les têtes semblaient coupées net au couperet. Seules, elles émergeaient de la croûte de glace. Toutes les têtes étaient tournées vers le rivage. Dans les yeux dilatés on voyait encore briller la terreur comme une flamme blanche. Près du rivage, un enchevêtrement de chevaux férocement cabrés émergeait de la prison de glace... Les soldats du colonel Merikallio descendaient au lac, et s'asseyaient sur les têtes des chevaux. On eût dit les chevaux de bois d'un carrousel.»
«Tu aimerais, dis, une petite fille à trois dollars, disais-je à Jack.- Shut up, Malaparte.- Ce n'est pas cher après tout, une petite fille pour trois dollars. Un kilo de viande d'agneau coûte bien plus cher. Je suis sûr qu'à Londres ou à New York une petite fille coûte plus cher qu'ici, n'est-ce pas, Jack?- Tu me dégoûtes, disait Jack.- Trois dollars font à peine trois cents lires. Combien peut peser une fillette de huit à dix ans? Vingt-cinq kilos? Pense qu'un seul kilo d'agneau, au marché noir, coûte cinq cents lires, c'est-à-dire cinq dollars!»
Comment s'emparer d'un Etat à l'ère de la modernité, et comment le défendre ? Voilà la question à laquelle Malaparte répond dans cet essai publié pour la première fois en 1931. La première édition a été française, chez Grasset, et le livre a été interdit dans toutes les dictatures du moment, pour n'être traduit en Italie qu'en 1948. Selon Malaparte, le temps des révolutions populaires est terminé. Nul besoin désormais de mobiliser un peuple afin de conquérir le pouvoir. Pour renverser un régime, il suffit d'une organisation technique et tactique, d'un nombre restreint d'individus capables de paralyser, pendant quelques heures, les administrations. Il illustre cette thèse en analysant le coup d'Etat bolchevique de 1917, la victoire du Polonais Pilsudski contre les Soviétiques en 1920, le putsch manqué de Kapp la même année à Berlin, et consacre un chapitre au 18 Brumaire de Bonaparte.
Loin d'être un traité sec et analytique, ce livre donne l'occasion à Malaparte de déployer son génie du portrait. Et voici un homme politique allemand qui n'exerce pas encore le pouvoir au moment où est publié le livre : hystérique, jaloux, peureux, tous traits de caractère qui ne pourront le mener qu'à une férocité impitoyable et sans limite. Ce politicien, c'est Hitler, et la description est prophétique.
Théorie impeccable, art du portrait et pénétration psychologique font de ce livre un classique. Et ce n'est pas parce que les réseaux sociaux sont arriver qu'il s'agit moins, à un moment donné, de prendre d'assaut un bâtiment symbolique du pouvoir... Tous ceux qui se rappellent le 6 janvier 2021 à Washington le savent.
1947. Curzio Malaparte revient à Paris après quatorze ans d'absence. Le plus francophile des écrivains italiens croque pendant une année les différents visages d'une ville qu'il redécouvre avec bonheur. Dans ce journal hybride, émaillé de dialogues vivants et d'analyses profondes, il s'intéresse autant à une infirmière du quai de l'Oise qu'à Jean Cocteau.
Entre la plaine Monceau et Saint-Germain-des-Prés, au mi- lieu d'un maelström de personnages et d'anecdotes flûtées, passent et repassent les figures de Malraux et Camus, de la belle Véra Korène, d'Orson Welles ou encore de Maurice Schumann.
En 1939, désavoué par le régime fasciste, Curzio Malaparte s'embarque pour l'Éthiopie afin de regagner estime et considération en témoignant de la colonisation italienne. Mais, séduit par la « terre des hommes rouges », il renonce à l'entreprise de glorification pour mener une exploration plus intime. Et son voyage devient littérature.
À dos de mulet, seul ou accompagné de bataillons de l'armée coloniale, Malaparte sillonne une Éthiopie fascinante, qu'il confond parfois avec la campagne italienne et qui, parfois, s'apparente au sublime. Un sublime halluciné, traversé de brigands et de lépreux, de gazelles et de faucons, un paysage minéral, « d'une pauvreté âpre mais très belle », où chaque vision suggère un monde unique : celui d'un auteur magistral.
"Le lieutenant tombe à son tour.
"Si je meurs, ne me laisse pas ici", murmure l'officier à son ordonnance, le chasseur alpin Calusia. C'est un Bergamasque puissant, au visage innocent et bon, qui balbutie en dialecte quand il est ému, et rougit. "Ne me laisse pas ici, Calusia, ramène-moi chez moi, à Naples. Chez ma mère. Palazzo Pignatelli, Monte di Dio, Naples..."" 1943, Calabre, Italie. Après le renversement de Mussolini et la signature de l'armistice, l'ordonnance Calusia promet à son lieutenant de le ramener chez lui, quoi qu'il en coûte.
Commence un long voyage qui le mènera sur les chemins de la désolation et du chaos. Sans perdre espoir, Calusia poursuivra sa route et découvrira ce que l'humanité a de plus vil, mais aussi de plus noble.
Parmi les Alpes vertes, bleues, cauchemar cotonneux ou brillant, des officiers paternels donnent des ordres à des Alpins ingénus qui courent sous les obus après des marmottes affolées. L'un de ces officiers, un capitaine, se prend d'affection et de pitié (d'amour ?) pour une estafette garçon vacher, portant une cloche de vache autour du cou. Ce soldat-mulet se fera tuer, comme des centaines d'autres bêtes de somme, humaines et animales, entêtées et joyeuses, sur les neiges du Mont-Blanc. Et le capitaine, se sentant responsable de sa mort, deviendra fou.
Le Journal secret est tenu par Malaparte de 1941 à 1944, alors qu'il est accrédité comme correspondant de guerre auprès des troupes allemandes pour le compte du Corriere della Sera, sur les fronts de l'est et du nord de l'Europe.
La première partie suit Malaparte dans ses déplacements de Sofia à Berlin en octobre 1941, jusqu'à la Finlande et la Laponie en 1942. L'auteur y note les descriptions, dialogues et anecdotes, notamment issus du milieu militaire allemand et finlandais qu'il fréquente, susceptibles de devenir matériau d'écriture. De larges parties sont consacrées à la découverte des paysages et du peuple lapons.
La seconde partie se déroule à Capri en 1943, dans la maison dessinée par Malaparte sur l'éperon rocheux de Capo Masullo, au moment où il entreprend l'écriture de Kaputt. Ce sont alors de courtes notes relatant entre autres les vicissitudes de la rela- tion compliquée de l'écrivain avec Loula, la jeune épouse fran- co-guatémaltèque du directeur d'un hôtel de Capri. On assiste au jour le jour à la maturation puis l'écriture de Kaputt. Le roman naît durant le séjour en Finlande et en Laponie : le titre surgit au détour d'une marge. De nombreuses scènes, telle que la célèbre scène du sauna, directement vécues par le reporter de guerre, sont racontées et seront retravaillées pour le roman que le lecteur voit se contruire sous ses yeux, depuis la nuit métallique et froide des terres arctiques jusqu'à l'île méditerranéenne incandescente.
Poétique et intime, le journal est souvent bouleversant pour le lec- teur peu habitué à côtoyer Malaparte dans sa solitude d'homme, de romancier et de reporter de guerre.
Les trois cahiers manuscrits qui le composent sont conservés au sein d'une fondation privée, Biblioteca di Via Senato, à Milan, avec l'ensemble du fonds Malaparte. L'ouvrage sera complété par de nombreuses lettres et des pages autobiographiques, retrouvées dans les archives.
Le Journal secret n'a jamais fait l'objet d'une publication en Italie, et la plupart des épisodes qui y sont racontés sont donc inconnus du public.
« L'imaginaire », aujourd'hui dirigée par Yvon Girard, est une collection de réimpressions de documents et de textes littéraires, tantôt oeuvres oubliées, marginales ou expérimentales d'auteurs reconnus, tantôt oeuvres estimées par le passé mais que le goût du jour a quelque peu éclipsées.
Ces chers Italiens est un livre d'amour, l'un des plus brillants qu'ait jamais écrit Malaparte. La moitié du livre se compose d'essais parus de son vivant dans le Corriere della Sera. La seconde partie traite aussi bien des Italiens à travers l'histoire, l'art, les moeurs, que des Piémontais, des Milanais, Vénitiens, Génois, etc. C'est un tour complet d'Italie qui nous est offert, entraînant le lecteur avec ce brio, cette audace, ces envolées qui ont fait la renommée de Malaparte. C'est là un livre imprévu, direct, vif et hardi, qui doit toucher non seulement les innombrables lecteurs de Malaparte mais aussi ceux qui s'intéressent à l'Italie.
Malaparte projetait d'écrire deux livres sur ses compatriotes. Il a eu le temps d'achever le premier: Ces maudits Toscans (Maledetti Toscani). La mort est venue le surprendre avant qu'il puisse mettre la dernière main à Ces chers Italiens (Benedetti Italiani).
Né Kurt Erich Suckert en Toscane en 1898, mort à Rome en 1957, celui qui se fit écrivain, journaliste, dramaturge et même cinéaste sous le nom de Curzio Malaparte écrivit deux chef d'oeuvre Kaputt inspiré par son expérience de correspondant de guerre et La peau sur la libération de Naples. Esprit plein de contradictions: « Je suis du côté des vaincus mais je n'en supporte pas la condition » a-t-il écrit, il fut décrié par plus d'un esprit sectaire mais admiré par Kundera. Il revient enfin aujourd'hui à la place qu'il n'aurait jamais dû perdre: l'une des premières parmi les plus grands auteurs italiens du XXe siècle.
"Dans toute la littérature italienne parue du temps de Mussolini, c'est-dire pendant un quart de siècle, tant en Italie qu'à l'étranger, il n'y a pas une satire plus hardie et plus cruelle que ce Monsieur Caméléon ; il n'y a pas un autre livre qui flétrisse les puissants de la terre d'une manière si perfide et si joyeuse. » C'est en ces termes que Malaparte présente sa fable baroque, qui a pour héros un caméléon. Le Duce se prend d'affection pour lui au point d'en faire son confident, puis son ministre. Chargé de réformer la Constitution, l'animal en fera voir de toutes les couleurs à la classe politique italienne, avant de connaître une fin extravagante et tragique.
Publié en feuilleton en 1928, Monsieur Caméléon a valu à Malaparte la prison et l'exil. À la fois conte philosophique et charge politique, il évoque tour à tour Zadig, de Voltaire, et Le Dictateur, de Charlie Chaplin. Monsieur Caméléon a paru à La Table Ronde pour la première fois en 1948.
Il s'agit d'une compilation des billets d'humeur, témoignages, souvenirs, réactions à chaud sur des sujets d'actualité politique et sociale, qui valurent à Malaparte une renommée immédiate en Italie mais qui révèlent une facette de ses écrits moins connue en France. Ses prises de positions contre les ambivalences et atermoiements du gouvernement italien d'après-guerre, la désinvolture qu'entretient la toute jeune démocratie face à un récent passé fasciste, ses provocations, son irrévérence, sa grande culture, ses souvenirs foisonnants, le ton fraternel et chaleureux avec lequel Malaparte s'adresse à ses lecteurs, confèrent à ce recueil non seulement l'atmosphère d'une époque mais aussi une magnifique fresque de l'aprèsguerre, avec ses meurtrissures, ses espoirs et ses contradictions. Pour avoir tutoyé et provoqué en duel le Pape Pie XI (que Malaparte avait connu avant son élection), dans sa première prise de bec, Malaparte faillit être licencié par le directeur du Tempo. Mais devant l'augmentation des ventes du journal, dès la parution des premiers Battibecchi, celui-ci dû très vite se raviser. Le succès ne faiblira pas.
Grâce à une plume acérée, provocatrice et engagée, le Curzio Malaparte des Battibecchi s'impose comme un intellectuel de premier plan, acteur et moteur du débat politique et culturel de son époque. Il ouvre la voie à un autre escarmoucheur de renom, son successeur à Tempo, Pier Paolo Pasolini...
La tête en fuite a été écrit pendant le temps passé par Malaparte dans la prison romaine de Regina Coeli et le confinement de Lipari, où il a été envoyé en répression de son attitude de provocation, non-alignée sur le régime fasciste, qu'il a attaqué violemment. À ces pages marquées par l'incarcération, Malaparte a voulu ajouter quelques textes écrits en France et en Angleterre peu de temps après. Il en sort un recueil de souvenirs, de réflexions et d'études culturelles sur la littérature où l'auteur semble se réfugier dans les lettres pour mieux s'échapper par l'esprit. Sodome et Gomorrhe est la première nouvelle écrite par Malaparte en 1931, dans laquelle il explore le mythe biblique pour raconter une réalité plus politique.
Sur un mur à côté de l'étrange mausolée qui domine le val de Bisenzio, le promeneur ou le touriste en Toscane peut lire peut lire : « Je voudrais avoir ma tombe là-haut, au sommet du Spazzavento » (le pointu et rageur) , pour lever de temps en temps la tête et cracher dans le courant froid de la tramontane. » C ette phrase, dont Malaparte avait demandé qu'elle soit gravée en guise d'épitaphe, témoigne de son attachement ambigu pour la Toscane qui lui a donné le jour et qui est le sujet de ce livre. Sacrés Toscans est l'un des livres les plus célèbres et des plus savoureux de Malaparte, écrit tardivement, en 1955.
C es qualités qui font des Toscans les meilleurs fils de l'Italie, Malaparte va les définir, traçant par contraste et comme en creux le portait des autres Italiens... Maniant avec verve l'érudition et l'ironie, nous menant de Pérouse chez ces fous de Florentins en passant par Prato, sa ville natale, écorchant les pisans, moquant les siennois, vantant les belles Livournaises, nous initiant au vol des poulets à C ampi, C urzio Malaparte nous donne une chronique étourdissante de gaieté.
« C'est vraiment joli la Sicile, dit la mère. Ce doit être un rêve que de vivre dans un si beau pays. » Elle le regarde dans les yeux et Boz sent qu'une timide angoisse l'étreint. Peut-être a-t-elle peur de la mer et pense-t-elle déjà avec anxiété à la traversée de Milazzo à Lipari. À moins qu'elle elle ne veuille exprimer ainsi sa reconnaissance, sa joie de voir son fils hors de prison, hors de sa cellule sans air, sans lumière (alors qu'ici il y a toute cette mer, tout ce ciel) ou lui faire comprendre qu'au fond rien n'est plus agréable que de vivre dans un beau pays, que d'être obligé de vivre dans un si beau pays.
Le 19 juillet 1959 mourait Curzio Malaparte et ce livre, posthume, nous révèle du grand écrivain qu'il fut un visage inattendu ou, tout au moins, que laissent rarement deviner ses autres oeuvres. Publié tel qu'il a été retrouvé parmi les papiers de l'auteur qui y travailla aussi longtemps que la maladie le lui permit, c'est un livre à la fois inachevé et achevé ; inachevé matériellement car, pour une bonne partie, il est composé de simples notes, mais moralement achevé car, encore qu'on y retrouve à chaque page le génial témoin de Kaputt et de La Peau, c'est un nouveau Malaparte, le vrai, qui y apparaît :
L'homme Malaparte et non plus seulement l'écrivain Malaparte.
L'expérience intensément vécue de cette nouvelle réalité humaine qu'il a trouvée en Chine n'est plus pour lui, comme elle l'aurait été jadis, un prétexte à se mettre en scène : elle est l'occasion d'un examen de conscience, d'une confrontation avec soi-même et les autres, où le « je » s'efface pour la première fois et définitivement. Et, ainsi, ce voyage En Russie et en Chine est plus que le très pittoresque récit d'une aventure asiatique, c'est aussi et surtout celui, profondément émouvant, d'un itinéraire spirituel.
C'est un texte inédit en France : Viva Caporetto ! est le tout premier ouvrage de Curzio Malaparte. En 1921, il a 23 ans ; il s'appelle encore Kurt Erich Suckert et revient d'une année à Varsovie en tant qu'attaché d'ambassade, après quatre années de guerre sur les fronts italien et français. Médaillé des plus grandes batailles de la Première Guerre mondiale sur les deux fronts (Bligny et Col di Lana, entre autres), ce n'est pourtant pas le récit de sa geste héroïque qu'il nous livre dans Viva Caporetto !, mais celui de la guerre des millions de soldats italiens, simples fantassins, paysans pour la plupart, envoyés dans les tranchées du Karst pour défendre des territoires dont ils avaient ignoré jusqu'alors l'existence.
Ce que Viva Caporetto ! raconte de la guerre, c'est le sacrifice absurde de jeunes gens courageux, l'entêtement stupide d'un état-major incompétent et, surtout, le fossé entre l'horreur de la tuerie et les mensonges d'une rhétorique patriotique écoeurante.
Le jeune Suckert parle pour ces soldats analphabètes qui ont accepté en silence une mort inutile. Contre la propagande officielle, il choisit Caporetto, gigantesque retraite des troupes italiennes sous l'avancée des armées autrichiennes, qui marque en octobre 1917 la crise militaire la plus douloureuse que l'Italie ait connue, pour emblème de l'héroïsme du soldat des tranchées et espoir de revanche d'un peuple méprisé.
Trois fois saisi et censuré entre 1921 et 1923, Viva Caporetto ! était une charge explosive contre la jeune Italie fasciste qui s'édifiait sur la mémoire d'une Grande Guerre victorieuse. Il fallut attendre la fin du XXe siècle pour redécouvrir en Italie ce pamphlet unique et insolite, par lequel le futur Malaparte signe son entrée en littérature. Il est traduit et publié en France pour la première fois.Présenté et traduit par Stéphanie Laporte.
Dans Le Bonhomme Lénine, Malaparte tente de cerner la personnalité complexe du révolutionnaire russe. Pour lui, Lénine est un petit bourgeois calculateur, brillant mais sans conviction, qui n'a pour ambition que les jouissances matérielles, un mercenaire exploitant le prolétariat qu'il prétend défendre. La cause de Lénine ? Lénine. Joignant le style lyrique de Kaputt et la clairvoyance de Technique du coup d'Etat, le tempétueux Malaparte nous raconte un Tartuffe devenu roi.
Juin 1941 : Kurt-Erich Suckert, dit Curzio Malaparte, 43 ans, auteur de Technique du coup d'État, vétéran de la première guerre mondiale, part couvrir, en tant que correspondant du journal Corriere della Serra, l'avancée des troupes italiennes et allemandes sur le front de l'Est. Il pénètre en Ukraine dans une vieille Ford V5 8 puis assiste au siège de Leningrad aux côtés des troupes finlandaises.Si de cette expérience, le caméléon de la littérature italienne tirera l'un de ses chefs d'oeuvres, Kaputt, il rassemble aussi ses chroniques dans La Volga naît en Europe, peinture de maître de ce « fléau biblique » que fut la guerre à l'Est mais aussi ouvrage visionnaire sur l'expansion future du communisme en Europe.Préfacé en français par l'auteur, ce livre qui fut « la plaque tournante » de l'oeuvre de Malaparte, selon son biographe Maurizio Serra, n'avait pas été republié en France depuis 1948.
Malaparte a commencé à écrire Muss en 1931.
Ce devait être une biographie, Le Caporal Mussolini, qui serait confiée à Grasset. Il l'a retravaillé en 1943-1945, puis après-guerre, mais le projet est resté inachevé. Muss est une brillante analyse historique des conditions d'émergence du fascisme, de son inscription dans l'histoire italienne, une préfiguration aussi de ce que sera l'Allemagne d'Hitler à partir de ce qu'il voit de l'Italie de Mussolini.
L'ambiguïté de son rapport au Duce apparaît à plein quand il mêle des bribes de leurs conversations, les souvenirs de ses séjours en prison ou en " déportation ", quand il passe de la colère à la froide réflexion politique, de l'admiration à l'amertume. Dans Le Grand imbécile, Malaparte imagine une révolte de ses compatriotes contre Mussolini. À travers cette vengeance bouffonne du peuple contre le dictateur (loin de sa mort expédiée d'avril 1945), il célèbre le caractère profond des Italiens, le goût de l'ironie, de la dérision qui les sauve en toute occasion.
C'est un thème constant de son oeuvre, parfois décliné à l'envers quand il les critique sans pitié, mais il en donne ici une représentation digne de Bruegel puisqu'il appelle de ses voeux la résurgence d'une coutume de la Renaissance qui narguerait " Le Grand Imbécile " et le ridiculiserait définitivement, seule fin digne de celui qui a été une injure permanente au goût, au beau, à la raison. On rit beaucoup, d'autant plus que Malaparte a écrit Le Grand Imbécile en 1943, après la chute de Mussolini, à la lecture de ce texte exalté et d'une grande drôlerie,