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GALLIMARD
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Gabrielle a deux autres prénoms sur les registres de l'état civil : Sarah et Julie. En tenant son journal intime, la jeune femme y trouve la source et le flux de trois courants à la fois parallèles et mêlés, ses trois visages les plus secrets. Elle témoignera donc tour à tour pour Sarah la femme-mère élevant passionnément le petit Mathieu jusqu'au jour où la rigueur sociale l'en séparera avec brutalité, et pour Julie la vagabonde révoltée, amoureuse à en mourir du tout jeune Amiel. Mais avec plus de sauvagerie encore elle sera absolument Gabrielle, celle qui assume non seulement sa propre mémoire, c'est-à-dire son enfance, ses inquiétudes et ses élans, mais aussi le destin des deux autres faces d'elle-même dont il lui faudra projeter jusqu'au bout les mésaventures romanesques. Ainsi dressera-t-elle avec une étonnante précision poétique un inventaire dont chaque terme révèle au lecteur une joie, un espoir, une douleur, un sacrifice, et la puissance de sa liberté intérieure.
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Oui, elle est aimée des dieux, Hélène Blanchard, à partir du jour où, disposant d'un cahier neuf, elle prend la décision de se raconter par écrit. À quarante ans - premier âge des bilans intérieurs - elle habite auprès de son mari et de ses deux fils une ferme au coeur de la Provence. Des heures de solitude et de silence, l'éclat de la lumière sur les brûlants paysages environnants vont lui permettre de réveiller sa mémoire aux mille trésors. Ainsi va-t-elle revivre le foisonnement du passé en essayant d'y découvrir le fil des événements qui l'ont conduite à son présent. Surgissent à mesure les parents, les amies, les amoureux, en contrepoint d'un «aujourd'hui» à la fois comblé et mélancolique : les jeux du temps sont faits, il n'y aura plus de retouches au tableau. La liberté narrative de l'auteur nous fait circuler d'un plan à l'autre avec acuité mais sans la moindre amertume. N'obéissant pas à la chronologie des souvenirs, la petite fille d'autrefois, poussée par son ardeur à vivre, rejoint la femme de maintenant, enfin prête à se retourner. À travers ces deux figures d'elle-même, Hélène Blanchard observe, souffre, aime, et finalement réussit à créer un double univers secret qui ravit le lecteur par sa précision, sa souplesse, sa modestie et la profondeur de ses émotions.
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«Ah, mon Dieu», dit la mère. Et elle murmure : «J 'ai la fièvre !» Des larmes coulent de ses paupières. «J'ai la fève, dit Lili. Elle a la forme d'un coeur de porcelaine.» Jiji et Boubou viennent voir. Ils crient tous deux de concert : «Un petit coeur de porcelaine !» Et bientôt ils dansent en scandant : Ma Mère l'Oye a de la veine Elle tricote toute la semaine Elle a trouvé dans sa laine Un p'tit coeur de porcelaine Quand elle cassera sa laine On mettra sur sa bedaine Le p'tit coeur de porcelaine Héloïse a perdu la mémoire de son nom et de ses origines. Il lui reste à tout réinventer autour d'un surnom du coeur : Lili, que lui donnent, dans son âge mûr, Jules, Félix, Léon, Gaspard, Jiji, Boubou et les autres, qui sont venus ou qui viendront. Il lui reste l'image exemplaire de la généreuse et tyrannique Mère l'Oye emplissant sa maison de garçons turbulents qui l'adorent. Cette maison, elle l'a trouvée, au soleil de la Méditerranée, sur une terre de vieille civilisation dont elle essaie, par les gestes attentifs du labeur banal, d'assimiler peu à peu les témoignages et les habitudes. Mais une visite imprévue va déranger cet ordre intime patiemment construit : les appels de l'extérieur soumettront Lili à l'épreuve des autres (leurs drogues, leurs chagrins, leurs morts), à l'épreuve d'elle-même et du temps. Il lui faudra du courage - et peut-être un certain goût de l'aventure - pour accepter le parcours des événements qui l'emportent comme sur un jeu de l'Oye, au hasard des rencontres, des pièges de la vie, des vérités secrètes, et même plus loin que le but qu'elle tentait d'atteindre. N'est-ce pas à ce prix - celui de l'expérience - celui, aussi, de la compassion - que se confirme pourtant la pérennité du bonheur et que se fêtent les anniversaires ? Le navire sur la colline est l'odyssée souvent joyeuse, parfois un rien mélancolique, d'une Terrestre inspirée, aussi charnelle que mythique - telle qu'un Zeus eût pu la tirer d'une côte du vaillant Ulysse !