Esther Tellermann
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Cette collection de Choix de poèmes donne à lire au format poche une traversée personnelle de l'oeuvre d'une voix poétique importante d'aujourd'hui. Fidèle à notre histoire et à notre désir de découvrir des poésies françaises comme étrangères, la collection accueille, au rythme de deux titres par an, aussi bien des textes francophones que des oeuvres traduites en édition bilingue. Dans les traces de ce qu'avait réalisé Henri Michaux en 1976, il s'agit de proposer à un ou une poète de composer en toute liberté sa propre anthologie. Les textes sont présentés chronologiquement, et composent un ensemble en forme d'autoportrait qui permet au lecteur d'entrer pleinement dans la richesse, la continuité et les bifurcations d'une oeuvre.
Si le format poche implique un prix accessible, nous avons toujours eu à coeur aux Editions Unes de faire coïncider la beauté du texte à celle de l'ouvrage, c'est pourquoi vous retrouverez dans ce livre le même soin d'édition et de fabrication que nous apportons à nos ouvrages habituels, aussi bien dans la qualité des papiers que dans le choix de proposer un livre cousu. Attachés aux liens et croisements entre poésie et peinture, nous avons demandé au peintre et poète Pierre Mabille, dont l'oeuvre est marquée par la couleur, de dessiner les couvertures de cette nouvelle collection, et nous espérons que vous prendrez autant de plaisir à lire ce livre que nous en avons eu à l'éditer. -
Selon les sources poursuit bien sûr ce long
dialogue entre le visible et l'invisible, la parole
et le silence, le royaume des ombres et
celui des vivants. Une lumière perce pourtant,
plus tangible ces dernières années - ou un
apaisement, malgré la violence renouvelée du
monde - et c'est cette dimension fragile, ces
paysages limpides dans le repli de leur secret,
que le poème cherche d'abord à capter, moins
pour nous réconcilier avec le présent que pour
nous laisser entrevoir une autre mesure du
temps : « Qui sait encore / ce que le vent /
soulève ? / Qui sait les abris / creusés dans /
le souvenir ? / Reste / avec le peuplier / la
ciselure / de / ce qui n'est pas dit. » -
Toujours l'artiste nous précède : Lacan, l'Art, la Littérature
Esther Tellermann
- Campagne Première
- 25 Avril 2025
- 9782372060905
À travers son commentaire singulier des élaborations complexes de Jacques Lacan, Esther Tellermann, poète et psychanalyste, veut réaffirmer la nécessité conjointe de la psychanalyse et de l'Art.
Ce sont bien la spécificité et l'efficience de la psychanalyse et de l'Art qui sont mises à mal aujourd'hui dans l'espace public, au profit des sciences cognitives, du marché des thérapies, et de la prolifération des produits « culturels », sans pour autant qu'il soit apporté quelque tempérance aux malaises contemporains et aux rapports entre les sexes. Or la psychanalyse, qui ne se résout pas à l'adaptation du sujet humain aux idéaux dominants dont chaque jour dévoile les impasses, doit considérer avec sérieux, selon Lacan, ce qu'ont révélé et révèlent, du désir humain et de ses apories, les plus grands créateurs.
Des oeuvres comme celles de Sade, par exemple, qui éclaire notre rapport à la jouissance et à la loi qui la limite, ne prennent-elles pas, encore plus qu'hier, tout leur relief ?
Ce n'est en effet, ni le savoir absolu prôné par la science, ni l'abondance des artefacts proposés par les progrès de la technique, ni même la contractualisation et la judiciarisation accrues de la sexualité qui semblent soulager l'humain de l'irrationalité de son destin, de sa douleur d'exister, comme de l'énigme de son désir.
Tel est l'enjeu de ce parcours, qui cherche dans les avancées de Lacan sur la relation de la psychanalyse à l'Art et notamment à la littérature, sinon un viatique, du moins un espoir... -
Entre suspension et recueillement, Ciel sans prise s'ouvre sur le repli d'une humanité réduite à ses chambres, persiennes et portes fermées, rues vides. Une humanité qui a « trop vu et trop ri à la face des dieux », et surtout, « trop haï ». Du fond de cette solitude, de cette geôle de silence, surgit l'absence de l'autre, et l'immense mélancolie d'une histoire personnelle et collective qui serait arrivée à son terme. Face à ce pressentiment hanté, face à cette parole tue et à ce monde arrêté, Esther Tellermann plonge l'absence dans une forme d'attente, dans un bain de souvenirs, parlant dit-elle, « depuis le seuil d'où je te veille », et d'ajouter que nous n'avons que deux langues, « l'une apprise, l'autre nocturne » - alors ce sera la nocturne. Une longue prière, un accompagnement dans l'adieu. Livre écrit d'une voix « d'où parvient la terre », livre de veillée, livre de mémoire et de rêves interrompus, plongé dans la solitude de la chambre où l'on réinvente l'autre, sa lumière, en forme « d'île lointaine » dans la nuit. Réinventer l'autre et le monde quand il se fige, Esther Tellermann convoque contre l'effacement ses « contes de papier », le grand jardin familier de ses poèmes : plein de jasmins, de safran, de sauge, d'amandiers et d'églantiers, souhaitant par là-même retrouver un espace ouvert et intime. Jardin doublé d'un verger de souvenirs, lieu de l'ami disparu, des rencontres, et d'un temps où l'on pouvait se toucher, se parler, être en vie. Avec paumes, tempes et paupières former des gestes contre la disparition. Ciel sans prise est un « long ensevelissement à travers les saisons du souvenir », Esther Tellermann traverse les ombres dans un dernier accompagnement, ouvre un tombeau qu'elle peuple de paroles contre l'aphonie humaine, qu'elle plante de bouquets d'arbres et de parfums, pour déposer le compagnon dans ce lieu de la mémoire, refusant de perdre l'infini du coeur du monde dans les « fracas du souvenir ».
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Claude Garache
Marie Du Bouchet, Jean-Yves Masson, Anne Mcclung, Amaury Nauroy, Esther Tellermann
- Dogana
- 14 Juin 2024
- 9782970152866
Ce catalogue accompagne l'exposition « Claude Garache » présentée au Château de Ratilly du 23 juin au 29 septembre 2024 - premier hommage au peintre depuis sa mort en août dernier. À cette occasion ont été réunies plusieurs contributions qui soulignent le lien fort de cet artiste avec la poésie. L'écrivain Amaury Nauroy évoque d'abord le lecteur que fut Garache, et rappelle que ce grand peintre de nus féminins n'aura cessé de vouloir rencontrer les écrivains de son temps, des plus inattendus comme Céline à qui il rendit visite à Meudon, juste après-guerre, aux « alliés substantiels » que furent ensuite pour lui Jean Starobinski, Yves Bonnefoy, Philippe Jaccottet et leurs cercles. La poétesse Esther Tellermann donne à lire les notes prises à l'atelier sous la dictée de Garache. De son côté, le modèle Anne MacClung confie à Marie du Bouchet le déroulé des séances de pose auxquelles elle participa pendant plus de vingt ans. Quant au poète Jean-Yves Masson, qui a toujours admiré Garache sans jamais l'avoir rencontré, il témoigne ici de son émerveillement devant la présence des figures peintes, et l'aura qui est la visibilité de cette présence : « Ce que j'ajoute à tant de choses profondes écrites sur Garache, et que je ne saurais contredire, peut-être pourrait-on aussi l'exprimer en disant que la peinture est la manifestation d'une foi en la splendeur de l'humain qui le place aux côtés des plus grands peintres. » Des reproductions accompagnent le volume.
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Esther Tellermann, dans ce texte écrit suite à plusieurs visites de l'atelier du peintre Claude Garache, opère une remontée vers les origines, plonge les mains dans la première argile des hommes, pour faire surgir une matière des corps. Les poèmes remontent le temps comme une embarcation discrète, s'affranchissent du cadre, et reprennent l'histoire à sa source ; les époques tissées sous le sommeil des hommes, l'incarnation répétée, vers un visage individuel issu de la masse informe des visages. Vers une soeur : toutes les femmes. Esther Tellermann vient habiter le corps, lui rendre sa pesanteur, sa surface terrestre et son épaisseur. Elle invoque dans un même geste, solitaire et rouge, « le visible et l'absence ». Les symboles oui, les ors et les martres, les archipels et les églantiers, mais surtout les reins et cuisses, genoux, seins, nuques, paumes : comment le corps s'extrait des ombres, des silences, jusqu'à la brûlure et la blessure, celle de « la vie ouverte ».
Les rouges, les bleus, les gris et les verts sont ici des vapeurs antiques, des brumes entourant la question irrésolue de notre présence sur la terre, formes et âmes à demi transparentes, à peine esquissés déjà disparues, mortelles dans la lumière. Ce corps rassemblé s'écrit contre la solitude, notre inquiétude et notre évanescence. C'est une traversée, fragile, à travers les nuits et les âges, à travers les murmures et les peurs, les mers et les hivers, de « la respiration d'un seul monde ». Pour fixer la présence du corps, rassembler son poids dans une lente incantation, dans la répétition de formules égrenées comme des prières, comme pour préserver au creux de la paume la fragile incarnation de l'homme au milieu de l'univers, que menace aussi sa propre folie.
Esther Tellermann, après Yves Bonnefoy, Edmond Jabès ou Philippe Jaccottet, s'empare à son tour dans ce livre à la fois doux et tumultueux, de ce corps jamais figé, toujours à naître qui est au centre de l'oeuvre de Claude Garache, pour inventer une Ariane dont on suit le fil, guide inconscient suspendu entre la chair et le ciel, du premier mouvement jusqu'à l'incertitude de la limite.
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Longue suite composée de 91 poèmes, ce livre de poésie se présente sous la forme d'une adresse au poète et écrivain Claude Esteban, d'un dialogue avec l'auteur disparu. Il y a dans cette suite quelque chose d'une complicité magnifique entre l'auteure et celui auquel elle s'adresse, ce dont témoigne la plupart des poèmes, discrètement mais sûrement, dont celui-ci : « Tu te souviens / elle n'était pas / morte / tout à fait / ni / sa main / ni / le pourpre des / peintures ni / la langue où / je la veille». On y trouve une parole poétique d'une très grande maîtrise, et qui, dans l'adresse à l'autre, cherche à formuler ce que nous sommes, sans jamais préjuger de ce que nous serons. Les lieux sont rarement déterminés et pourtant témoignent des itinéraires, qui sont ceux de la vie. Comme souvent chez cette auteure, le moment réflexif, l'ordre de la pensée jamais refermée sur elle-même accompagne ces moments de surgissement de la parole poétique en cette distance par rapport à la banalité de la traversée des jours.
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C'est un récit tragique, une narration sans personnages qui embrasse l'humanité en silhouettes coulées dans les « digressions de l'existence », ces hommes prisonniers de leurs répétitions nostalgiques, de la paranoïa généralisée. Balancés entre le meurtre et l'oubli, le sexe et la fondation. On traverse les drames comme en rêve, mais rêve violent et désespéré, sans autre prise que la chair. On ne peut plus rien imaginer, dans ce monde photographié, que des bruits de mitraillettes. Le lyrisme est brisé, comment faire avec ces vieilles images des livres dans un monde explosé ? Que reste-t-il à raconter ? Quelle dernière fiction peut-on soulever pour toucher l'extrémité de notre disparition ?
L'homme a perdu la fable, pris dans ses tortures, ses vitrines, ses images disséminées, il est impuissant, en fuite, sourd aux chuchotements de l'histoire. L'homme a trop de moyens d'être en vie, il doit toucher pour croire, enfoncer des mains sales dans la glaise. Il frappe, teste la résistance des corps, la résistance de la vie. Jusqu'à faire céder l'amour. On s'abandonne toujours brièvement dans le corps de l'autre, en dernière consolation. On se souvient de l'odeur de la détresse. Car au fond, « c'est soi qu'on aime, c'est soi qu'on tue ».
Esther Tellermann, dans ce livre fulgurant, nous demande comment retrouver une première version du monde, dans la répétition du même, dans la poursuite notre « acharnement à disparaître ».
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Animal : hiver 2024
Esther Tellermann, Pascal Commère, Hervé Piekarski, Valérie Rouzeau, Marc Graciano
- Lettres Verticales
- 27 Novembre 2024
- 9782958102630
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Je voulais te porter;
Jusqu'à moi ;
Décupler ;
Les odeurs ;
Et les pôles ;
Voulais déployer ;
Ton murmure ;
à hauteur des cercles
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Livre posé au bord de la disparition, Éternité à coudre se déploie comme une parole rituelle, un exorcisme. Penché sur le néant, cherchant un abri dans les mots et les corps, quelque chose de l'ordre de la permanence du monde dans les cendres, dans les noms brûlés, les noms mâchés.
Poème hanté par la présence d'une folie individuelle, intime, qui se déporte sur le collectif, envahit la communauté de nos angoisses, de nos peurs. Debout sur la rive, dans un geste de coudre nos éternités et nos solitudes, que regardons-nous ainsi à la dérive ? Une tache du monde, un incendie. La mécanique folle des jours, le sang des jours, on emplit l'éternité dans des sacs, dans les sacs pleins de l'histoire. Trop lourds à porter.
Qui pèsent sur nous et nous essayons malgré tout d'arracher quelque chose du monde ou du langage.
Avec quels mots passer dans les ombres ? Quels mots pour nous rapprocher de la consolation de l'autre, au milieu des larmes. Esther Tellermann, dans une oscillation permanente entre nos intimités noires et nos accès de clarté, livre un poème en forme de mélopée, "moitié caillou, moitié prière".
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Dans les quatre parties de ce recueil qui oscille entre l'énigme du mythe et la violence du présent, l'auteure poursuit sont exploration vers la contrée des vivants et des morts et esquisse également un portrait plus intérieur.
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Dès l'origine, avant même que les mots viennent buter contre le blanc de la page, contre son silence, il y a chez Esther Tellermann comme le constat d'une aporie. Comment l'appréhender, comment le dire, ce manque qui préexiste à l'avancée de l'oeil et de la conscience, alors que le monde est là, déjà, depuis toujours, dans la distance ? Quelque chose peut-être s'est perdu en deçà de la perception - et ne reste que cet effort pour faire coïncider dans la syntaxe des signes l'absence du dedans et l'extériorité des spectacles. Demeure aussi la douleur. À la géométrie impeccable du monde, à la richesse trop évidente des couleurs, des senteurs, des sucs, répondre par quelques notations furtives, quelques itinéraires vers le «point central» qui se dérobe, dans la hâte et la lucidité de l'instant : je parle vite ou je ne parle pas.
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François Rouan, les Ficelles de la tresse : Avec un texte et des reproductions de tressages photographiques de François Rouan
Esther Tellermann
- Hermann
- 18 Mai 2020
- 9791037003683
Que pourraient apprendre les psychanalystes d'une rencontre avec François Rouan, de la confrontation à son oeuvre et à son dire ? Car c'est bien d'une rencontre qu'il s'agit ici, tout d'abord à l'Association lacanienne internationale, dans cette même rue de Lille où le peintre allait rendre visite à Jacques Lacan, puis dans l'atelier de Laversine lors d'un déjeuner. Mais aussi de la rencontre entre deux approches d'un même réel : pour les psychanalystes, celui dans la cure d'un sujet dont le désir sera à entendre dans le nouage d'une parole à sa vérité, pour le peintre, celui d'un « tableau qui tienne » dans sa fabrication par la découpe en bandes de deux tableaux entrelacés et formant un troisième. Un troisième qui fasse tresse, dissémine la figure représentée, déplace la visibilité ordinaire en voilant et dévoilant une absence, celle-là même de l'objet - ici le regard - qui relance le désir. C'est en effet dans l'épaisseur du plan, le mélange optique des couleurs, les superpositions, les entrelacs d'images fixes et en mouvement, mêlant histoire individuelle et collective, mémoire picturale et mémoire subjective en ce qu'il est convenu d'appeler « peinture », « photographie » ou « film », que François Rouan cherche cet objet qu'il rate mais dont il ne cesse de recomposer et d'interroger l'énigme pour en tisser les épiphanies.
Avec la participation de : Charles Melman, Marc Darmon, Esther Tellermann. -
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Une femme veut apposer au monde sa grille de lecture.
Mais le monologue qu'elle engage s'infléchit des paroles courantes, des voix des maîtres, des amants, des livres qui le tissent et dont il est l'écho. Il ne rencontre pourtant aucune réponse à son interrogation lancinante de nos idéaux, de nos peurs, de nos ratés, sinon la découverte des impasses de l'amour. Expérience de soi-même sur soi-même donc, que ce parcours ironique d'une candide dans la folie contemporaine, au terme de quoi rien n'est révélé que l'urgence du désir.
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Chaque recueil d'Esther Tellermann est une étape, un chapitre isolé d'un récit plus ample, énigmatique, embrasé et voilé tour à tour - puis rendu à ses propres cendres. Encre plus rouge prolonge bien sûr cette narration obstinée, inaugurée voici bientôt vingt ans. Mais au-delà d'une évidente continuité, ce nouveau volume marque une inflexion sensible dans son déroulement : on y percevra l'intonation sinon réconciliée, du moins plus apaisée d'une voix toujours attentive au chant des morts enfoui sous la parole des vivants. Dans la troisième partie, notamment, la méditation s'avère d'une limpidité tendue, souveraine, tournée vers quels dieux absents ? - ou fugacement présents dans la béance de ces pages, comme autant d'éclairs, de fractures, de visions... Poème inscrit sur une terre inconcrète et sans nom.
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Par rapport à ses autres livres, cette suite poétique d'esther tellermann fera date. elle se compose d'un ensemble de textes en relation directe avec la lecture qu'elle aura réalisé des Carnets du poète andré du Bouchet.
Faite de rigueur et de liberté, son écriture va bien au-delà d'une simple lecture, car il s'agit d'inviter le lecteur à la suivre sur les terres de l'un des poètes les plus exigeants, et sans aucun doute, des plus importants, de la seconde moitié du xxe siècle. chez esther tellermann, l'expérience de lecture est simultanément expérience du monde, proposant ainsi une approche poétique selon une double perspective : de ce qui aura été éprouvé dans le geste, dans l'instant de lecture et donc de la réception proprement dite ; puis dans le travail de création, lequel aura permis non seulement d'ouvrir selon de nouvelle voies expressives les textes lus, mais aussi de conduire à partir de ceux-ci une parole poétique au-delà du cadre sensible qui aura présidé à leur constitution. il ne s'agit pas pour elle de limiter le traitement de la parole, comme s'il s'agissait d'un motif différé, d'un prétexte de facilité, mais bien de poser une vue sur les textes de du Bouchet à l'origine de l'écriture de ces poésies.
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Au coeur de ce travail de lecture revient le motif qui hante tellermann : nous cherchons tous un impossible. Dans une langue tendue par la réflexion et la méditation, esther tellermann nous invite à reprendre les questions essentielles sur la création littéraire et poétique dès son ouverture sur une étude consacrée à Dante. Pour elle, « le poème rejoint le mythe : c'est une manière de rejoindre, dans l'événement, le geste de tous ceux qui ont fait de l'imperfection, de l'irréconciliable, une oeuvre. c'est une manière de dialoguer à travers le temps, d'avoir plusieurs filiations, plusieurs noms qu'on peut à chaque fois perdre, retrouver, mais constitutifs de son nom propre.
Cependant, la loi du langage est une loi qui nous dépasse, qui plie le rêve cosmique, le limite à des sons, des rythmes, fait du poème la grille où l'infini de la matière du monde se fait parole subjective. «L'épique», la sublimation, c'est cela aussi : ce qui noue l'histoire d'une singularité au tragique de l'histoire collective. habiter le poème, sa terre mentale, oblige à accueillir l'histoire, à sortir de l'autobiographie comme de l'anonymat, à construire un sujet contre la puissance du mythe, à bâtir un nom. Je pense à Paul celan, à ossip Mandelstam, à trakl ; à ceux qui ont transformé la nuit, l'étoile, la boue et les soleils. » (esther tellermann)
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Michel Deguy, exercices de contrariété
Esther Tellermann, Michel Deguy, Michel Canteloup, Collectif
- Hermann
- 15 Mai 2017
- 9782705693985
Avec un inédit de Michel Deguy et des dessins de Michel Canteloup Que Lacan invite les psychanalystes à se mettre à l'épreuve du poème pourrait s'éclairer de la rencontre avec Michel Deguy. Car c'est à l'intellectuel engagé, au penseur de notre modernité, au philosophe, au poéticien que s 'adressent ici les psychanalystes. S'obstinant en effet à contrer la « déterrestration » qu'induit la domination du discours scientifique et du discours capitaliste, dans une « poétique continuée par tous les moyens », l'oeuvre de Michel Deguy oppose une « suspension volontaire de croyance », une « sortie du religieux » , comme possible à-venir du sujet contemporain. Elle s'obstine à opposer le poétique aux divers pharmakons , prothèses, proposés aujourd'hui par les techno-sciences à la division subjective de l'être parlant. Ainsi est-elle incessante mise en examen du culturel, du politique , interrogeant leur défiguration, pour laisser place à l'expérience déconcertante du langage comme « allégresse pensive ». Pour laisser place au poème, rejouant en son éthique, notre être-au-monde.
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L'oeuvre d'Esther Tellermann est la relation d'une quête indéfiniment reprise - puisque sans terme, sans origine - vers une incertaine mais essentielle unité. Chacun de ses recueils n'est au fond qu'une étape, un chapitre isolé de ce récit énigmatique tour à tour esquissé, effacé, assuré de sa source et rendu à ses propres cendres, après l'embrasement des lieux et des formules. Pangéia s'inscrit bien sûr dans la continuité de cette démarche : on a donc moins affaire ici à des poèmes isolés qu'à des « fragments », organisés en suites (ou séquences), dont le matériau est sans cesse émondé, retravaillé, afin de faire jouer l'ombre et la lumière conjointes des signes, sur la page intérieure où se profile, fugacement, un seul texte invisible - dans la perpétuelle nuit du monde, le jour fragile de la parole inscrite. Faut-il ou non une piscine ? Doit-on échanger cacahuètes et apéritif avec des voisins ? À quoi sert-il de hanter les « vide-greniers » ? Plus proche de Laurel et Hardy que de Le Corbusier, le couple se pose, entre autres, ces questions existentielles. Son histoire, confondue avec celle d'une maison improbable, rejoint le « fantasme manoir » de tout le monde. Elle est triste à pleurer de rire.
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Des "fragments" de poésie qui font jouer l'ombre et la lumière des mots.