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Lettre Volee
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Longue suite composée de 91 poèmes, ce livre de poésie se présente sous la forme d'une adresse au poète et écrivain Claude Esteban, d'un dialogue avec l'auteur disparu. Il y a dans cette suite quelque chose d'une complicité magnifique entre l'auteure et celui auquel elle s'adresse, ce dont témoigne la plupart des poèmes, discrètement mais sûrement, dont celui-ci : « Tu te souviens / elle n'était pas / morte / tout à fait / ni / sa main / ni / le pourpre des / peintures ni / la langue où / je la veille». On y trouve une parole poétique d'une très grande maîtrise, et qui, dans l'adresse à l'autre, cherche à formuler ce que nous sommes, sans jamais préjuger de ce que nous serons. Les lieux sont rarement déterminés et pourtant témoignent des itinéraires, qui sont ceux de la vie. Comme souvent chez cette auteure, le moment réflexif, l'ordre de la pensée jamais refermée sur elle-même accompagne ces moments de surgissement de la parole poétique en cette distance par rapport à la banalité de la traversée des jours.
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Par rapport à ses autres livres, cette suite poétique d'esther tellermann fera date. elle se compose d'un ensemble de textes en relation directe avec la lecture qu'elle aura réalisé des Carnets du poète andré du Bouchet.
Faite de rigueur et de liberté, son écriture va bien au-delà d'une simple lecture, car il s'agit d'inviter le lecteur à la suivre sur les terres de l'un des poètes les plus exigeants, et sans aucun doute, des plus importants, de la seconde moitié du xxe siècle. chez esther tellermann, l'expérience de lecture est simultanément expérience du monde, proposant ainsi une approche poétique selon une double perspective : de ce qui aura été éprouvé dans le geste, dans l'instant de lecture et donc de la réception proprement dite ; puis dans le travail de création, lequel aura permis non seulement d'ouvrir selon de nouvelle voies expressives les textes lus, mais aussi de conduire à partir de ceux-ci une parole poétique au-delà du cadre sensible qui aura présidé à leur constitution. il ne s'agit pas pour elle de limiter le traitement de la parole, comme s'il s'agissait d'un motif différé, d'un prétexte de facilité, mais bien de poser une vue sur les textes de du Bouchet à l'origine de l'écriture de ces poésies.
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Au coeur de ce travail de lecture revient le motif qui hante tellermann : nous cherchons tous un impossible. Dans une langue tendue par la réflexion et la méditation, esther tellermann nous invite à reprendre les questions essentielles sur la création littéraire et poétique dès son ouverture sur une étude consacrée à Dante. Pour elle, « le poème rejoint le mythe : c'est une manière de rejoindre, dans l'événement, le geste de tous ceux qui ont fait de l'imperfection, de l'irréconciliable, une oeuvre. c'est une manière de dialoguer à travers le temps, d'avoir plusieurs filiations, plusieurs noms qu'on peut à chaque fois perdre, retrouver, mais constitutifs de son nom propre.
Cependant, la loi du langage est une loi qui nous dépasse, qui plie le rêve cosmique, le limite à des sons, des rythmes, fait du poème la grille où l'infini de la matière du monde se fait parole subjective. «L'épique», la sublimation, c'est cela aussi : ce qui noue l'histoire d'une singularité au tragique de l'histoire collective. habiter le poème, sa terre mentale, oblige à accueillir l'histoire, à sortir de l'autobiographie comme de l'anonymat, à construire un sujet contre la puissance du mythe, à bâtir un nom. Je pense à Paul celan, à ossip Mandelstam, à trakl ; à ceux qui ont transformé la nuit, l'étoile, la boue et les soleils. » (esther tellermann)