«Maman nous a faussé compagnie. Elle avait quatre fils. Nous l'appelions Gina... Il faisait beau. C'était impardonnable, et nous réprouvions le contraste entre les états d'âme et la météo. Ma mère ne voulait déranger personne. Peut-être considérait-elle comme une indiscrétion de souffrir et de mourir sous le regard des autres. Elle a tout laissé en ordre avant de partir, sauf nos sentiments.»
Elle s'appelait Julie Jeanne Éléonore de Lespinasse. Julie pour le charme, Jeanne pour la sagacité, Éléonore pour la fantaisie. Julie c'est flamboyant, Jeanne c'est raisonnable, Éléonore c'est fantasque. Allez concilier tout cela ! Pourtant, elle y parvenait très bien. Elle avait à la fois la vocation des naufrages et le goût du bonheur.L'autre jour, sur le boulevard du XVIII? siècle, pas très loin de la rue Saint-Dominique, cet homme regardait sa montre. Il était pressé. «J'ai rendez-vous avec Julie», se disait-il. C'était moi, sans doute.
Ce courrier clandestin adress aux fantmes de la Religieuse portugaise, de Cocteau ou Georges Orwell, a t crit par gratitude et courtoisie envers des auteurs qui ont aid F. Bott se trouver.
«Les Parisiens allaient voir Citizen Kane, le film d'Orson Welles. Yvon Petra gagnait le tournoi de Wimbledon, et Marcel Bernard celui de Roland-Garros. Sans doute avons-nous passé les vacances de 1946 à Vorges. Car nous ne pouvions retourner à Deauville. Les plages de Normandie n'étaient pas encore déminées, et les stations balnéaires n'avaient retrouvé ni leur visage ni leur vocation.Je dévorais des romans en croquant une pomme, les soirs d'été, dans la salle à manger de ma grand-mère ou dans ma chambre. Quel délice, la lecture, quand on a onze ans ! La réalité s'éloigne et se retrouve à des années-lumière. On oublie le monde entier. Et les heures passent et deviennent tardives sans nous avertir. Il est déjà presque minuit. Alors, il faut éteindre à regret et s'endormir sans connaître la suite.»François Bott.
D'aujourd'hui et de naguère, les nouvelles de François Bott captent dans de brèves aventures l'air du temps, sa fuite surtout, sans parler de la mort, qui ne se laisse jamais oublier. Ses héros sont aussi bien un footballeur qu'un vieux militaire, un journaliste malheureux, deux amants reliés par le TGV, un receveur des Postes qui communique sa passion de l'astronomie à un chef de gare. Mais soudain nous reconnaissons deux dames qui bavardent dans un salon de thé : Marie de Rabutin-Chantal et Sidonie Gabrielle Colette. Et cet Émile qui, en pleine Révolution de 1848, alors qu'il est tard et que sa femme lui demande en vain d'aller se coucher, va passer la nuit à rédiger un dictionnaire...C'est toujours le goût des mots, ou celui de prendre les êtres au mot. La dernière nouvelle, «Jerome David et Boris», est à la fois étrange et émouvante. En 1944, un jeune homme de Ville-d'Avray attend l'arrivée des Américains en jouant de la trompette. Dans la première jeep qui survient se trouve Jerome David Salinger. Le jeune homme français, c'est Boris Vian. L'un écrira L'attrape-coeurs, et l'autre L'arrache-coeur.
« Elles sont à l'opposé des femmes extrêmes. Le contraire des femmes fatales. Ce sont les gourmandes, les femmes de plaisirs, les dames de coeur. Épicuriennes par nature et par inclination, par vocation, Mme de Sévigné, Mme de Tencin, Juliette Récamier, Colette, Arletty, Louise de Vilmorin, Françoise Sagan se ressemblaient, malgré les différences d'époque, de style et de mode. Elles avaient un air de famille. C'étaient des héroïnes de la vie, des charmeuses de l'existence, et celle-ci leur rendait la politesse. Elles croyaient à la légitimité du bonheur et mettaient le malheur en résidence surveillée », écrit Françoit Bott. Il évoque aussi Virginia Woolf et Katherine Mansfield, qui auraient pu se rencontrer un après-midi de septembre 1917 à Londres.
François Bott a l'art, en quelques pages délicates et légères, de restituer une allure, une silhouette, une insolence à vivre.
Un bonheur de lecture pour les amateurs de femmes.
Entouré de jeunes et jolies infirmières, Van Dongen vit ses derniers jours à Monaco en mai 1968. Atteint, entre autres, de la maladie de Parkinson, il n'aura pas le loisir de les déshabiller, de les peindre et de les aimer. Alors il se souvient et reviennent sur ses lèvres ses conquêtes féminines, ses amis Picasso, Max Jacob, Arthur Cravan.
Cette confession imaginaire est un enchantement perpétuel. Une valse folle dont on voudrait ralentir le rythme pour ne pas arriver à la dernière page.
C'est aussi un hymne à la vie, à l'amour, aux femmes et à leur corps.
Au Vésinet, dans les jardins où elle déjeune chaque jour en solitaire, une jeune bibliothécaire fait la rencontre d'un vieil homme. Après sa mort, elle apprend dans le journal qu'il s'appelait Émile-Auguste Chartier, dit Alain. À Argenteuil, un professeur de français instaure des parties de poker en classe pour mieux parler de Rimbaud. À Bois-Colombes, une postière s'écrit des lettres à elle-même et se raconte son propre chagrin d'amour. Dans chacun de ces dix-huit récits, François Bott redonne un peu de couleur au gris de l'hiver, des années, de la mélancolie francilienne.
" Pourquoi cet éloge du contraire et l'apologie du paradoxe ? Parce que le paradoxe est une façon particulière de ressentir les choses et de regarder le monde.
Presque une philosophie de la vie, une manière de (mieux) respirer ".
"Les femmes mythologiques, les femmes quotidiennes, les femmes fatales, les femmes miséricordieuses, les femmes charmantes, les femmes charmeuses, les femmes de pouvoir et les dames de coeur.. C'est le sujet favori des conversations entre les hommes, particulièrement les Français. Déjà Stendhal et son ami Prosper, je veux dire Mérimée, dissertaient pendant des heures sur ce thème, car les femmes resteront toujours un mystère pour l'espèce masculine, y compris le commissaire Maigret et Philip Marlowe lorsqu'ils entreprennent d'élucider les affaires sentimentales."
Du "France-Soir" de Pierre Lazareff au "Monde", dont il dirigea le supplément littéraire, en passant par "L'Express" et "Le Magazine littéraire", François Bott a promené son exigence et son impatience dans une République des Lettres dont il a très vite saisi les postures et impostures. C'est donc avec un bonheur rare qu'il étrille Marguerite Duras, Alain Robbe-Grillet, Françoise Giroud, Claude Sarraute, Jean-Edern Hallier, etc. Mais l'essentiel de cette magnifique "Traversée des jours", ce sont des portraits écrits au fil de l'amitié ou de l'admiration. On croise ici Roger Vailland, Alphonse Boudard, Simone Signoret, Barbara, Tahar Ben Jelloun, E. M. Cioran, Louis Nucéra, Ernst Jünger, Jacques Laurent, Françoise Sagan et tant d'autres dont on entend les voix, à lire François Bott. Un festin jouissif pour tous les amoureux des livres et de la vie.
Connaissez-vous l'adresse du paradis ? Pour Raymond et Simon, deux écoliers devenus des amis inséparables, le paradis - le jardin des rêves, la cathédrale des chimères, le palace de l'enfance -, c'était le Vel'd'Hiv", le vélodrome d'Hiver, à l'angle du boulevard de Grenelle et de la rue Nélaton, dans le quinzième arrondissement. Simon, fils d'un médecin juif, et Raymond, fils du concierge du Vélodrome, en connaissaient tous les recoins, tous les secrets et toutes les légendes, toutes les mythologies. Car, dans les insouciantes années 1930, le Vel'd'Hiv était le temple du cyclisme sur piste et de la boxe. Les Six-Jours et de grandes rencontres pugilistiques s'y déroulaient, sans oublier les meetings du Front populaire. À l'extérieur de la piste en bois, il y avait les gradins populaires et, à l'intérieur, le restaurant à la mode, où se retrouvaient les people, comme on dit à présent. D'un côté, le Tout-Paname et, de l'autre, le Tout-Paris, dans lequel des demi-mondaines jetaient aux coureurs des bouquets de violettes. Le Vel'd'Hiv" prouvait que Paris était une fête. " Que fais-tu ce soir ?" demandait-on. Réponse : " Je vais à Grenelle. " Puis, les 16 et 17 juillet 1942, ce fut la grande rafle. Complice des nazis, la police française arrêta des milliers de Juifs, qui furent rassemblés au Vélodrome d'Hiver. Le rendez-vous de toutes les festivités devint le lieu de la tragédie. L'enfer après le paradis. Raymond aperçut une dernière fois Simon et son père, avant qu'ils ne disparaissent dans la foule, pour être emmenés vers le Grand Nulle Part.
Vel'd'Hiv raconte le destin de deux enfants, deux amis, emportés dans la tourmente de l'Histoire et séparés l'un de l'autre, alors qu'ils se croyaient inséparables. Un roman servi par une écriture d'une impitoyable légèreté.
Notre époque proscrit les " états d'âme ".
Elle nous conseille de les réprimer ou de les dissimuler soigneusement. Défense de flâner, de rêver, de s'émouvoir ! Par bonheur, il reste la littérature. C'est la " réserve " ou le dernier refuge de la délicatesse et de l'affectivité. C'est " le coeur d'un monde sans coeur "...
On trouvera dans ce livre cinquante-cinq portraits d'écrivains contemporains qui se promènent sur la planète des sentiments D'Emmanuel Berle à Stefan Zweig, en passant par Tristan Bernard, Antoine Blondin, Henri Caleté, Cioran, Jean Cocteau, Colette, Léon Paul Fargue, Elie Faure, Francis Scott Fitzgerald, Jean Giraudoux André Hardiesse, Valéry Larbaud, Jacques Laurent, Paul Morand, Jean Paulhan, Henri-Pierre Roché, Roger Vailland, Paul Valéry, Léon Worth et Marguerite Yourcenar.
Ces Gens nous démontrent que la littérature est seulement soucieuse de la couleur des journées, des climats qui s'annoncent, des amours qui passent et des silhouettes qui s'éloignent. Afin que " Toutes les choses et d'ici-bas soient murmurées une fois dans l'ombre, une fois encore sur des lèvres tièdes ".
Quelques-unes d'entre elles : Zelda Fitzgerald, symbole de toutes les générations perdues ; Ava Gardner, la sublime comtesse aux pieds nus ; Helen Hessel, l'héroïne de Jules et Jim ; Billie Holiday, la plus grande chanteuse de blues ; Milena Jesenska, la passion de Franz Kafka ; Julie de Lespinasse, l'amoureuse mystique du siècle des lumières ; Carson McCullers, la fiancée de l'Amérique ; Louise Michel, l'héroïne de la Commune de Paris ; Edith Piaf, dont les brèves amours avec Marcel Cerdan firent pleurer la France ; Sylvia Plath, météore des lettres américaines ; et Jean Rhys, la passante exotique de toutes les rives gauches d'Europe. " Ces femmes, ces ombres, écrit-il, je les ai aimées comme un romancier aime ses personnages, particulièrement ses personnages féminins. Je me suis invité dans leur univers, dans leur subjectivité, et je les ai traitées comme des héroïnes de roman. Pour certaines (Sylvia Plath et Jean Rhys), j'emploie le je. Leur histoire est écrite à la première personne, car je me suis efforcé de recomposer, de réinventer leur monologue intérieur. De sorte que, dans ces récits, tout est véridique, tout est imaginé ; tout est exact, tout est romanesque. " Le style impeccable de François Bott ajoute au plaisir de ces rencontres avec des femmes d'exception.