Voulant fuir Adrienne, belle actrice parisienne, et avec elle le monde illusoire du théâtre, le narrateur, qui n'est autre que Nerval, se tourne vers Sylvie, jeune campagnarde qu'il a jadis aimée. Mais le rêve fait place au désenchantement : le retour à la nature, celle de l'enfance dans le Valois, n'est qu'un mythe, et le grand amour de jeunesse se révèle être uen décevante paysanne. Et si ces deux femmes n'en formaient qu'une, 'deux moitiés d'un seul amour'?
Le récit progresse selon la logique d'une traversée de la mémoire : l'auteur met en scène des souvenirs personnels ('à demi rêvés') et littéraires ; il témoigne d'une véritable érudition tout en faisant l'éloge de la culture populaire. La mémoire collective est pour lui assez vaste pour accueillir la réalité la plus ordinaire comme les mystères les plus sublimes.
Avec cette nouvelle des Filles du feu, Nerval dit adieu aux chimères de la jeunesse et de l'amour idéal. Ce récit poétique, entre romantisme et surréalisme, est déjà une recherche du temps perdu.
« Sylvie » nous mène au coeur de la géographie nervalienne et de son univers mental : noms de villages et de jeunes filles en fleurs, rondes et déguisements, initiation amoureuse et faux mariage, chansons populaires et vieilles légendes, tout fait ressurgir le passé tel qu'on le rêve : la résurrection du souvenir est aussi importante que son contenu. Nerval est à la poursuite d'une image, celle d'une actrice belle comme le jour et pâle comme la nuit. Tout se brise et se recompose perpétuellement à partir d'un feu primordial où naîtraient les âmes. Il n'y a pas d'ordre, pas de hiérarchie, le monde extérieur et le monde mental n'ont plus de frontière, ni d'ailleurs l'érudition qui truffe ces récits.
La pensée est toujours soutenue par le chant : c'est pourquoi, non seulement à cause des thèmes (et des femmes aimées), mais à cause de la recherche de la poésie pure, Nerval a voulu annexer Les Chimères à son recueil, dont elles sont le sommet et la conclusion.
Les Nuits d'octobre, Pandora, Promenades et souvenirs, et particulièrement Aurélia, parmi les derniers textes écrits par Nerval, donnent au champ de la prose une ampleur inédite. Issus de la pratique du feuilleton, libres de toute détermination générique, ils glissent, sans solution de continuité, de la promenade excentrique à la divagation hallucinée, de l'ironie à la mélancolie, de la fantaisie à l'aveu autobiographique, de la simple notation journalistique à l'engagement le plus entier de l'écrivain dans son livre. Chemin faisant, l'oeuvre de Nerval, longtemps tenue pour marginale, se révèle, dans sa singularité aérienne, comme l'un des centres « névralgiques » de la littérature du XIXe siècle.
« C'est le chant des sirènes qu'on entend dans Les Chimères, un chant dont le charme est si puissant qu'il peut être mortel : on se souvient qu'Ulysse, pour ne pas succomber, dut s'attacher au mât de son navire ; et Nerval au bout de son aventure terrestre, une nuit d'hiver où il gelait à pierre fendre, s'accrocha par le cou à une grille du vieux Paris. ((...))
On sait par coeur, sans l'avoir voulu, des poèmes entiers des Chimères, et certains vers remontent d'eux-mêmes à la mémoire : le rythme n'est pas étranger au phénomène, non plus que la phrase limpide et le contenu énigmatique, autrement dit le sentiment d'entendre un oracle, qui ne dévoile pas le mystère mais nous fait entendre sa parole. Or, cette parole est avant tout une méditation à voix haute, une interrogation musicale et prolongée, pour laquelle il n'y a pas de clé, pas de chiffre, pas d'explication unique. »
Gérard Macé.
«L'Orient, le voyage... Mais pourquoi? Pour découvrir, seulement? Ou pour trouver, là, sur place, une ou des vérités déjà pressenties? Un rêve d'humanité première que l'Orient demeurerait seul à porter? Nerval a vu, noté, dans une attention, souvent une sympathie que tous alors ne partagent pas forcément. Mais davantage encore:il est arrivé sur l'autre rive de la mer en mêlant à l'Orient qui l'accueillait le sien propre, recomposé à partir de l'antiquité biblique ou gréco-romaine, de l'islam, de la franc-maçonnerie. Le tout en romancier, tant cette course à l'étoile entrevue et toujours dérobée s'inscrit de plein corps sur la trajectoire d'une destinée. En conteur, dans la lumière ou les nuits des vieilles légendes. En poète, dont les illuminations, passant du vers à la prose, éveillent d'autres résonances, tout aussi bouleversantes au coeur.»André Miquel.
Collection « Classiques » dirigée par Michel Zink et Michel Jarrety Nerval Les Filles du Feu / Les Chimères et autres textes « Même en dehors de Sylvie, il y a chez Nerval une infusion omniprésente du souvenir, une chanson du temps passé qui s'envole et qui se dévide à partir des rappels même les plus ténus de naguère comme de jadis, et que je ne vois à aucun autre écrivain. Ce n'est pas une résurrection quasi hallucinatoire du passé, comme il arrive aux meilleurs moments de Proust, tout proches parfois de l'illusion de la fausse reconnaissance, c'est plutôt, évoqué dans sa prose par quelque sortilège, le contact d'aveugle qu'on éprouve en retrou-vant la maison et le jardin de son enfance. Comme si ce monde révolu était le seul endroit où, instinctivement, infailliblement Nerval s'y retrouve, et nous en convainc immédiatement. » Julien Gracq.
Un tel monde révolu est ce qui définit au plus près les oeuvres ici réunies où se retrouvent à la fois le « rêveur en prose » et le poète des Odelettes et des Chimères. Les Petits châteaux de Bohême recomposent les âges de Nerval ; les Promenades et Souvenirs ne séparent pas le passé des lieux que l'écrivain traversa. Quant aux Filles du Feu, c'est sous le titre Amours perdues qu'il songea un moment à les publier. Comme souvent chez Nerval, ces différentes oeuvres ne cessent pas d'être une quête.
Présentation et notes par Michel Brix.
Ce volume contient :
Petits châteaux de Bohême - Les Filles du Feu : Angélique / Sylvie / Jemmy Octavie / Isis / Corilla / Emilie - Les Chimères - Promenades et Souvenirs.
«Plongé dans une demi-somnolence, toute ma jeunesse repassait en mes souvenirs. Cet état, où l'esprit résiste encore aux bizarres combinaisons du songe, permet souvent de voir se presser en quelques minutes les tableaux les plus saillants d'une longue période de vie.»
En souvenir ou en rêve, Gérard de Nerval nous conduit sur les routes de ses amours d'enfance, dans la campagne du Valois.
Sylvie, la douce amie d'enfance, et Aurélia, la sainte, reine inaccessible, sont les deux figures féminines qui l'inspireront et le pousseront à mêler amour vécu et amour rêvé jusqu'à la folie.
Dans ce recueil figurent également Les chimères et Odelettes.
«Les contes joyeux narrés le soir dans les cafés roulent souvent sur des aventures d'amants qui se déguisent en femmes pour pénétrer dans un harem.» Mais que s'y passe-t-il vraiment? Lors de son séjour égyptien, Nerval sera initié à ce troublant mystère, et à bien d'autres facettes dépaysantes de la vie au Caire.
Plus tard, au Liban, il entendra l'histoire du légendaire calife Hakem qui, sous l'effet du hachisch, se prit pour un dieu vivant, défendit les plus démunis et disparut dans d'étranges circonstances.
Du récit de voyage au conte oriental, une découverte troublante de l'Orient lointain.
On sait aujourd'hui que la composition des premiers sonnets des Chimères suivit de près l'ensemble des versions de « poésies allemandes » que Nerval avait réalisées. Loin de constituer une occupation annexe ou d'être un simple exercice, « la traduction fut pour lui, selon Gérard Macé, une expression à mots couverts, qui lui a permis de donner libre cours à ses fantasmes et ses hantises, sans avoir à les déclarer en son nom propre, et l'on peut penser que les "poésies allemandes" ont été bienfaisantes pour Nerval : du point de vue mental, ce ne fut que provisoire, et peut-être incertain, mais du point de vue poétique ce fut déterminant. Grâce à Goethe, Schiller, Klopstock, Uhland, Bürger et Heine, Nerval a pu tourner le dos à la versification machinale et stérile à laquelle il s'adonna dans ses "vers de jeune homme", pour reconnaître ce qui au fond n'appartenait qu'à lui, puis nous donner des vers dont le charme est si troublant qu'il ne doit plus rien au métier. » Avec ce recueil publié après celui des Chimères, c'est tout un jeu de correspondances, pareil à un jeu de miroirs, qui se révèle ; c'est aussi un fascinant processus de création qui vient au jour.
Ce recueil reprend les textes les plus connus de Nerval, et certaines poésies de jeunesse, rassemblés en un volume unique.
De la révolution de 1830 aux journées de Juin 1848, Nerval traverse la période où les idées qu'on croyait disparues se réveillent et donnent au sentiment poétique l'intensité d'une passion révolutionnaire. L'amitié avec Heinrich Heine, lui-même lié à Marx, montre que la présence d'une pensée radicale vivante fut autre chose pour Nerval qu'une effervescence sans histoire. Le rêve est la vie, et la vie est le rêve.
C'est cette dimension irréductible que met en lumière Louis Janover pour rendre l'oeuvre de Nerval à notre temps : elle porte jusqu'à nous les valeurs critiques opposées à tout ce qui est devenu le compte courant des rapports humains dans notre société.
Dernière oeuvre de Kleist, Le Prince de Hombourg, dont Heine disait que c'était le génie même de la poésie qui l'avait écrite, fait figure de testament de l'écrivain. L'histoire de ce prince «indigne» qui désobéit à ses supérieurs, craint la mort et souffre de somnambulisme suscitera chez chaque lecteur une interprétation différente : réquisitoire contre le militarisme prussien, contre le despotisme, contre la loi ; histoire d'un jeune révolté qui finit par se soumettre, d'un roi qui renonce à son intransigeance ; plaidoirie pour l'Etat militaire, pour la discipline ; tragédie, comédie ; hymne à la vie, à la guerre, à la liberté, à la nuit, cette pièce, en forme de paradoxe, trône comme un chef-d'oeuvre au sommet du classicisme allemand.
Composées de vingt-six sections brèves, comme autant de rencontres impromptues provoquées par les lois du hasard, Les Nuits d'octobre s'inscrivent dans la lignée des écrits que Gérard de Nerval consacre à la capitale parisienne. La ville et son décor deviennent la matière même de sa langue, dans laquelle l'onirique et un quotidien teinté d'angoisse se mêlent au cours de promenades hallucinées. Le récit de ces nuits passées à déambuler jusqu'à se perdre dans le quartier des Halles compte parmi les plus belles pages que le poète consacre à Paris, à ses rues et ses cafés. C'est d'ailleurs au détour de la rue de la Vieille Lanterne que Nerval touchera au crépuscule de sa vie en choisissant de mettre fin à ses jours pour rejoindre le silence. La magie de ses pages sera par la suite célébrée par les surréalistes. André Breton en fera même une source d'inspiration pour ses propres errances. Une pensée de la ville comme espace de la dérive dont la poésie surpasse en images évocatrices les grands récits de l'errance du XXe siècle.
À peine arrivé au Caire, où il séjournera six mois, Gérard de Nerval (1808-1855) fuit l'hôtel anglais pour se plonger au coeur de la vie locale. Il loue une maison, flâne sur le Mousky et assiste aux fêtes traditionnelles costumé en arabe. Mais le cheik du quartier exige qu'il vive avec une femme. Ainsi commence une quête qui le mène dans les harems et dans les bazars aux esclaves du Caire.
Ce célèbre récit d'un voyage poétique et lumineux est une véritable initiation aux coutumes et aux légendes égyptiennes.
« À peine (.) avions-nous achevé de circuler dans Bruxelles,qu'au moment de partir, en plein boulevard anspach, nos quatre pneus éclatèrent à la fois. J'ai tout de même pensé, en dépit de mes remords, que ça avait dû être de rire ».
Mieux qu'une femme, l'automobile avec laquelle Octave Mirbeau parcourt la Belgique, possède «une beauté véritable», de belles lignes courbes et un épiderme exact ! A la fois aquatique et aérienne, sa 628-e8 lui offre le spectacle impressionniste d'un monde qui glisse, fuit, et tournoie. Lancé dans sa course folle, l'écrivain écorche Bruxelles de son humour. très méchant.Entre kaléidoscope et cinématographe, un des premiers road-trips.
«Léo Burckart»constitue une réflexion romantique sur la politique et le pouvoir au XIXe siècle.«L'imagier de Harlem»est un drame faustien contemporain des drames wagnériens. Une tentative de spectacle total, échappant à l'espace et au temps.
« J'ai été fort touché à Constantinople en voyant de bons derviches assister à la messe. La parole de Dieu leur paraissait bonne dans toutes les langues. Du reste, ils n'obligent personne à tourner comme un volant au son des flûtes, ce qui pour eux-mêmes est la plus sublime façon d'honorer le ciel. ».
Lorsque Nerval arrive à Constantinople au terme d'un long voyage, le sultan Abdül-Medjid, qui règne depuis 1839 sur les restes de l'Empire ottoman, vient de promulguer les réformes institutionnelles qui vont transformer et moderniser en profondeur le pays.
Sensible à cette réalité méconnue des Européens, le poète a fait de son Voyage en Orient, puissamment mélancolique autant que lumineux, un modèle inégalé du genre, un livre comme un compagnon de voyage aimé et admiré.
Texte extrait de Voyage en Orient publié en 1851.
Mélancolique, Nerval explore Vienne à Noël, entre fêtes bigarrées et froides solitudes. Caustique, il se moque de ses aventures féminines ratées. Même un chien abandonné et tout mouillé est autorisé à suivre la belle, et pas lui ! Cabarets enfumés et fantastiques, tourbillons de valses, fracas et parcs déserts, l'écrivain parcourt toute la ville, à pieds. suivi par un espion ! Les cafés illuminés, le long d'avenues sombres bordées d'immenses peupliers, prennent alors le flou du songe : « Cet hiver, j'ai continuellement vécu dans un rêve », nous dit-il.
Les Amours de Vienne, texte intégral, publié dans La Revue de Paris en 1841.
Pandora et Aurélia sont de chair et de sang, de lumière et d'horizons: la première évoque un monde de théâtre, la seconde nous plonge dans une quête au-delà de la vie, à la recherche d'une figure mystique et salvatrice. Plus qu'un voyage, c'est une véritable odyssée!
Voyant parmi les visions fugaces de femmes disparues, d'ancêtres regrettés, de paysages merveilleux et inconnus, Gérard de Nerval nous entraîne dans les méandres de son âme et de sa folie.
À travers son regard, nous vivons ses hallucinations, nous partageons ses mystères. Lire Gérard de Nerval, c'est voguer vers l'inconnu. Après, rien n'est plus comme avant. Vous pensiez être dans le réeloe Erreur, le réel n'est que la fusion du rêve et de la vie!
En publiant en janvier 1854 Les Filles du feu, Nerval recompose à la fois son oeuvre et sa vie. Le recueil associe tous les genres, selon un mélange sans équivalent dans le romantisme français. Ce mélange n'en possède pas moins une unité secrète, qui est celle d'une voix lyrique réaccordée à l'ancienne parole des mythes à laquelle puisent les sonnets des Chimères. L'édition présente tire parti des dernières avancées des études nervaliennes, tout en rassemblant en annexes la riche matière qui nourrit la genèse de l'oeuvre, ses manuscrits et ses états intermédiaires, son intertextualité foisonnante et ses ramifications multiples, qui font de cette oeuvre à la fois une oeuvre fragmentaire, ouverte sur Aurélia, et un livre-chimère.
À la Saint-Sylvestre, un jeune homme s'éprend de Pandora, une belle et capricieuse actrice. Entre rêve et réalité, seul et incompris, il erre dans les rues enneigées de Vienne, torturé par son amour. De la fantaisie à l'onirisme, trois textes pour découvrir la singularité de l'un des plus grands écrivains romantiques.
Cagliostro cazotte, le " roi de bicêtre ", restif de la bretonne, ces illuminés et quelques autres " excentriques de la philosophie " ou " précurseurs du socialisme ", leur histoire, c'est un peu l'éloge de la folie de gérard de nerval.
Egarements du coeur, égarements de l'esprit, égarements de la chair aussi, et nerval n'a sans doute rien écrit de plus subtil que ces pages oú, à travers les confidences de nicolas, il porte à son point de perfectionnement poétique la tradition libertine du xviiiè siècle.