«C'est maintenant l'automne de ma seconde année à Paris. On m'y a envoyé pour une raison dont je n'ai jamais pu sonder la profondeur.Je n'ai pas d'argent, pas de ressources, pas d'espérances. Je suis le plus heureux des hommes au monde. Il y a un an, il y a six mois, je pensais que j'étais un artiste. Je n'y pense plus, je suis! Tout ce qui était littérature s'est détaché de moi. Plus de livres à écrire, Dieu merci!Et celui-ci, alors? Ce n'est pas un livre. C'est un libelle, c'est de la diffamation, de la calomnie. Ce n'est pas un livre au sens ordinaire du mot. Non! C'est une insulte démesurée, un crachat à la face de l'Art, un coup de pied dans le cul à Dieu, à l'Homme, au Destin, au Temps, à la Beauté, à l'Amour!... à ce que vous voudrez.»Henry Miller.
« Le clown, c'est le poète en action. Il est l'histoire qu'il joue.
Le clown exerce sur moi un profond attrait (bien que je ne m'en sois pas toujours douté), justement parce qu'entre le monde et lui se dresse le rire. Son rire à lui n'a jamais rien d'homérique.
C'est un rire silencieux sans gaieté comme on dit. Le clown nous apprend à rire de nous-mêmes. Et ce rire-là est enfanté par les larmes. Sans conteste, c'est l'histoire la plus étrange que j'aie écrite à ce jour. » Henry Miller.
Dans ce conte poétique et philosophique écrit pour Fernand Léger en hommage au Cirque de Georges Seurat, l'auteur met en scène le clown Auguste dont le talent et la mise au point d'un numéro au bas d'une « échelle tendue vers la lune » le rendent célèbre jusqu'à ce que les intolérables exigences du public le fassent renoncer à plaire.
Nexus s'achève sur le départ de Miller vers l'Europe où il accomplira sa vocation d'écrivain à laquelle il aspirait tant. Au coeur de son mariage avec Mona qui s'efforce autant que possible de l'accompagner dans ses écritures, Miller se voit désormais concurrencé par la relation que sa femme entretient avec une amie Anastasia (Stasia). Du coup, l'écrivain s'énerve, délire, ronge son frein. Une foule de personnages baroques traversent son univers. Devant cette situation si chaotique, une solution finit par s'imposer: il faut partir vers l'Europe, ce que feront le narrateur et Mona à la fin du livre, cette Europe planche de salut pour les Américains incompris dans leur propre pays.
Avec Nexus se clôt le récit des années new-yorkaises de Miller et commence pour lui un nouveau chapitre qui sera décrit dans ses grandes oeuvres des années trente : Tropique du Cancer et Tropique du Capricorne. C'est une autre histoire.
Sexus s'ouvre sur la rencontre de l'auteur et de sa seconde femme (qu'il appelle ici « Mara » puis « Mona »). C'est l'histoire du grand amour qui transforme de fond en comble Miller, le secoue et lui fait prendre conscience de sa vocation d'écrivain. Certains passages, très crus, d'une crudité explicite, ont rendu ce livre célèbre. Il fut d'ailleurs interdit pendant longtemps. L'auteur rencontre Mara, danseuse dans un dancing. La passion entre eux sera fulgurante. La vie du narrateur est ponctuée par ses rencontres et ses aventures. On croise ainsi Ulric l'artiste, le docteur Kronski et d'autres personnages de Brooklyn et du Bronx. Le divorce s'annonce inévitable entre Miller et son ex-femme, alors que justement il se met ressentir un fort désir pour elle. Un récit d'une force vertigineuse.
Avec Plexus, Henry Miller continue de raconter ses aventures avec Mona. Il quitte son emploi à la Compagnie cosmodémonique des télégraphes et cherche à devenir un écrivain. Comme toujours, chez Mille, on retrouve un enchevêtrement de récits, de portraits et de dialogues. Il revient sur ses années d'enfance dans le 14e arrondissement de New York. Il décrit son combat quotidien pour devenir un écrivain et briser toutes les chaînes qui l'empêchent de devenir l'artiste qu'il souhaite incarner. Miller connaît alors les échecs, la misère, les humiliations... Il croit cependant en son étoile et en son génie. Dans cette odyssée, il trouve en Mona un soutien très particulier. Elle pousse le dévouement au-delà de toutes limites. Cette foi dans l'écriture le sauvera et sera à l'origine de ce magnifique témoignage.
À tous ceux qui se plaignent de ne pas avoir le temps de lire, Henry Miller fait quelques suggestions pleines de bon sens : lisez dans les transports en commun ou, mieux encore, aux cabinets ! N'est-ce pas là un endroit calme où personne ne vous dérangera ? Après tout, puisque nous sommes obligés d'y aller, pourquoi ne pas profiter au mieux du temps que nous y passons ? Pourtant, à bien y réfléchir, ce n'est peut-être pas une si bonne idée... Miller s'invite dans notre intimité et se livre à quelques réflexions désopilantes en mêlant souvenirs et anecdotes sur les cabinets... de lecture.
Devenus aujourd?hui des classiques de la littérature érotique, les Tropique du Capricorne et Tropique du Cancer n?ont rien perdu de leur force explosive. C?est à Paris qu?Henry Miller écrit ces deux romans. Marginal, pique-assiette, désabusé, alcoolique, fauché aux goûts de luxe mais surtout fou de sexe, il y met en scène sa vie exceptionnelle, et chante son amour pour la nuit et ses rencontres improbables. Son appétit vorace et sa curiosité sans limites l?entraînent de Harlem à Broadway, de la place Clichy aux quartiers chic de la rive gauche et au Montparnasse bohème de ces années-là dont il est le plus fidèle chroniqueur. Miller veut tout voir, tout décrire, tout embrasser, sans se soucier de la morale et du bon goût. C?est ainsi qu?il livre deux oeuvres foisonnantes qui vibrent encore aujourd?hui d?une énergie démesurée et contagieuse. Henry Miller est né à New York en 1891. C?est en France, où il s?était fixé dès 1930, qu?il fit ses plus grandes rencontres : Anaïs Nin, Blaise Cendrars, Queneau, Durrell. C?est aussi en France que furent publiées les éditions originales de Tropique du Cancer et de Tropique du Capricorne, aussitôt interdites dans les pays anglophones. Miller est mort en 1980. Un des premiers livres de la « nouvelle » Cosmopolite. Pour la première fois, les deux Tropiques rassemblés en grand format. Un prix très étudié. Longtemps confinés par la censure américaine à la clandestinité, ces livres novateurs ont exercé en Europe une profonde influence.
«C'est aujourd'hui le troisième ou le quatrième jour du printemps, et me voici assis à la place de Clichy en plein soleil. Aujourd'hui, assis au soleil, là, je vous dis que je me fous complètement que le monde aille à sa ruine ou non ; je me fous que le monde ait raison ou tort, qu'il soit bon ou mauvais. Il est : et ça suffit. Je le dis, non pas comme un Bouddha accroupi sur ses jambes croisées, mais inspiré par une sagesse à la fois joyeuse et solide...»
Inspiré d'un souvenir de son enfance à Brooklyn, La boutique du Tailleur fait revivre le New York des années 1900 avec ses personnages hauts en couleur.Avec Plongée dans la vie nocturne, Henry Miller nous entraîne dans un long cauchemar peuplé d'ombres menaçantes, de fantasmes terrifiants, d'érotisme et de mort.Deux textes très différents, mais d'une grande liberté d'écriture pour pénétrer dans l'univers de l'auteur scandaleux du Cauchemar climatisé.
Dans le Greenwich Village des années 1920, Tony Bring tente désespérément de devenir le grand écrivain que la belle et fantasque Hildred, sa jeune épouse, voudrait qu'il soit. Bohème et frivole, celle-ci pourvoit à ses besoins en travaillant dans des bars de nuit et en se livrant à divers trafics et extorsions. Mais lorsqu'elle rencontre Vanya, jeune femme fantasque et sans ressources, c'est le coup de foudre. Son arrivée dans l'appartement conjugal va bouleverser la vie du couple et les plongera tous les trois dans la folie ...
Henry Miller, qui voulait être débarrassé des contingences matérielles pour devenir écrivain, a la chance de trouver en sa seconde épouse, Mona, une femme dévouée qui le supplie de rester au logis pendant qu'elle part en quête de l'argent nécessaire pour vivre. Ce pourrait être le paradis... mais il y a Stasia, l'amie hautement pittoresque de Mona. Miller se ronge d'énervement, il délire, il tourne comme un ours en cage dans Brooklyn. Dix, vingt personnages baroques traversent son univers. Nul n'est plus extravagant que Stasia ! Que faire ? Seule l'Europe, affirme Mona, convient à l'écrivain qu'il veut être. C'est sur le départ de l'auteur pour le « vieux continent » que s'achève Nexus, le troisième et dernier volume de la célèbre « Crucifixion en rose », comprenant Sexus et Plexus. Ce récit, passionné de langage et de vie, est assurément l'oeuvre la plus importante du grand écrivain américain.
Écrit secrètement vers 1941 pour un intermédiaire de Virginie spécialisé dans la vente (clandestine, bien sûr) de manuscrits érotiques à de riches amateurs, Opus pistorum est l'un des livres les plus carrément obscènes d'Henry Miller, qui a pu donner libre cours à sa sensualité dans le récit de cette « grande dérive érotique sous les toits de Paris », le Paris où Miller vécut de 1930 à 1939. Retrouvé après sa mort en 1980, le texte ne devait en être publié aux États-Unis qu'en 1983. On y retrouve les personnages des deux Tropiques - Cancer et Capricorne -?: Alf, Tania, Sid..., pour une odyssée du sexe encore plus débridée par la clandestinité de l'écriture, une galerie de portraits sexuels d'hommes et de femmes déclinant leurs fantasmes à toutes les sauces, d'une inconvenance particulièrement jubilatoire...
La traduction française d'Opus pistorum était devenue introuvable.
On retrouvera dans ce livre, écrit pour Georges Séféris, tous les thèmes abordés dans Le Colosse de Maroussi que Henry Miller écrira à son retour à New York. Les longues méditations entre deux escales font écho à la spontanéité du journal de voyage, et aux notes prises à la hâte, éblouissantes de vérité comme des croquis saisis sur le vif.
Vente de charité. Mes seins sont toujours fermes et séduisants, poursuivit-elle en ouvrant son chemisier pour en sortir un. Je connais des hommes qui seraient prêts à payer mille francs pour coucher avec moi, mais je n?ai pas la moindre envie de leur courir après.
Il me faut deux cents francs, ni plus, ni moins. » H. M.
« En général, j'aime ceux qui sont un peu, ou largement, fous. L'imbécile, non ! L'idiot, oui ! Il y a une grande distinction entre les deux. D'être fou, c'est d'être poète. Ce sont des imbéciles qui gouvernent le monde. » Ce court texte, le seul que Miller ait jamais écrit en français, reprends inlassablement le meilleur de l'auteur : sa verve, son érudition, sa drôlerie libertaire, sa foi en la poésie et en l'homme. Comme souvent avec Miller, on se balade dans les recoins de sa mémoire, de ses réflexions. Il nous parle de ce qu'il a aimé, de ce qu'il a honni, de ce siècle qu'il a traversé les yeux grands ouverts et nous livre, une fois de plus, une joyeuse leçon de vie et d'intelligence.
Ode à la vie, l'art et la littérature, J'suis pas plus con qu'un autre fait revivre l'esprit frondeur et généreux du grand Henry Miller.
E n 1947, l'oeuvre romanesque d'Henry Miller, jugée obscène et subversive, est censurée en France.
C'est alors que Maurice Nadeau, critique littéraire et directeur d'une collection chez Buchet/Chastel où il le publiera bientôt, crée en sa faveur un " comité de défense " : une amitié naît qui liera les deux hommes jusqu'à la mort de Miller en 1980, comme en témoignent ces courriers publiés ici pour la première fois. Sur le mode libre de la conversation, ces lettres pleines de verve et de générosité parlent de lectures et de famille, d'écriture et de politique, d'amours et de finances.
Tantôt en anglais, tantôt en français, Miller y dévoile son goût pour l'aquarelle et sa passion des listes de livres lus ou à lire, réfléchit à la notion d'obscénité et à la nature de la censure, et réaffirme son refus de toute aliénation. Complicité intellectuelle, travail de l'éditeur avec son auteur, affection renforcée par la fréquentation des deux familles lors des séjours parisiens de Miller: indémêlables, ces différents liens se resserrent au fil de lettres de plus en plus intimes et spontanées.
Cet ensemble inédit issu des archives personnelles de Maurice Nadeau, complété par un choix d'articles critiques, est l'occasion de réunir ces deux figures majeures du monde des lettres. Surtout, il laisse entrevoir l'envers de la création littéraire à travers les confidences d'" un simple écrivain, un homme dont toute l'histoire (...) est celle d'une libération ".
Aquarelles est une longue lettre adressée à Emil Schnellock, ami de lycée retrouvé par hasard, sur le thème de l'art. Miller lui fait part dans un joyeux désordre créateur de ses trouvailles, de ses progrès, des peintres qu'il aime, tout en établissant des parallèles avec ses textes, et, surtout, avec le processus de l'écriture. L'aquarelle, activité bouillonnante qu'il poursuivit toute sa vie, fait partie des milliers de sources hétéroclites qui alimentèrent son inspiration. Ce fut pour lui une autre manière de se raconter, et, comme dans l'écriture, il sut y trouver une totale liberté de ton.
On a blâmé l'impudeur des Tropiques, longtemps restés à l'index, et l'on s'est étonné que leur auteur puisse écrire par ailleurs de forts sérieux essais. Dans Le Monde du sexe, H. Miller entend s'expliquer sur cette prétendue dualité et justifier son oeuvre en précisant sa philosophie.
Cette « sagesse du coeur », Henry Miller l'a cherché tout au long de sa vie, mais plus particulièrement dans ce recueil dont le titre s'inspire de la formule. Il s'agit d'une collection d'essais, de nouvelles, de textes diférents parus dans la presse que Miller a rassemblés avec un soin particulier. On retrouve ainsi des pièces sur l'acteur Raimu, le photographe Brassaï, le psychanalyste E. Graham Howe, Balzac et son roman Seraphita, le philosophe Keyserling, Blaise Cendrars . Comme toujours l'activité de l'écrivain est au centre de ses réflexions, mais ce qui compte avant tout à ses yeux est de vivre pleinement. Ainsi : « J'ai commencé au milieu d'un chaos et de ténèbres absolus, en plein marécage, en pleine fondière d'idées, de sentiments, d'expériences. Même à présent, je ne me considère pas comme un écrivain dans l'acception ordinaire du mot. Je ne suis qu'un homme racontant l'histoire de sa vie, et plus je raconte, plus le sujet me paraît inépuisable. » Miller recommande à chacun de suivre son destin personnel, de l'accepter, quelle que soit la direction. Conçu juste avant et pendant la Seconde Guerre mondiale, ce livre de mélanges transfigure Henry Miller en une sorte de prohète pour notre temps où il s'agit avant tout de rester vivant.