« Le Grand Capitaine, superb´ superb´ », chantaient les griots de leurs voix enrouées, tandis que Voulet, impassible, regardait les paillotes flamber comme des torches... Des villes entières anéanties, des populations massacrées, des centaines de captifs distribués aux tirailleurs, telles sont les informations confidentielles et terrifiantes que reçoit le gouvernement français, en avril 1899, sur la colonne Voulet-Chanoine chargée de conquérir le lac Tchad à partir du Niger. Paris ordonne l´arrestation des coupables. Au Soudan, le colonel Klobb accepte de retrouver la mission maudite qui a disparu vers l´est dans des territoires inconnus. Une fantastique poursuite s´engage au milieu des savanes jalonnées de ruines, de cendres, de cadavres. Après trois mois de marche, Klobb aperçoit enfin des incendies embrasant l´horizon nocturne. La rencontre est imminente, et les péripéties qu´elle va entraîner dépassent l´imagination romanesque la plus débridée. Car tout est vrai dans cet ouvrage puisé aux archives de l´ancien ministères des Colonies. Le rythme hallucinant de sa construction reconstitue en alternance la vie quotidienne des réprouvés et de ceux qui les talonnent. Cet épisode pratiquement ignoré de l´histoire coloniale atteint une dimension tragique, à la hauteur des plus célèbres récits d´aventures.
Dès octobre 1917, Boris Savinkov avait pressenti les ravages du bolchevisme. A partir de 1903, il rejoint les socialistes-révolutionnaires et organise des attentats spectaculaires (dont celui du grand-duc Serge), avant de connaître l'exil à Paris où il deviendra une figure de Montparnasse, et où il publiera quelques romans sous le nom de Ropchine. Dès 1917, et encouragé par Plekhanov, le "père" du marxisme russe, Savinkov entreprend une lutte à mort contre la dictature bolchevique. Sa tête est mise à prix par la police de Lénine, et de nouveau il s'exile à Paris, tentant alors de rallier à sa cause Churchill, Lloyd George, Foch, Clemenceau, mais en vain. En 1924, au lendemain d'une entrevue tragicomique avec Mussolini, il tombe dans le piège tendu par Dzerjinski, est jugé à huis clos et avoue ses crimes dans un débat truqué qui préfigure les grands procès de Moscou. Son corps est retrouvé un an après dans la cour de la Loubianka. Mêlant les techniques du romancier et celles de l'historien, Jacques-Francis Rolland nous offre la biographie d'un grand héros vaincu, qui avait déjà fasciné Somerset Maugham. Ilya Ehrenbourg, Remizov et Churchill.
Un jour mélancolique de l'automne 1968, le narrateur assiste aux obsèques solennelles de son ami Georges Granet, membre du Comité Central du Parti Communiste Français. L'oraison funèbre (mensongère), puis les rencontres successives dans les allées du Père Lachaise, font surgir du passé le destin d'un groupe d'hommes et de femmes formé à Grenoble en 1940. Nous revivons des instants pathétiques de la Résistance et de la Libération, l'écroulement de l'Allemagne hitlerienne, l'après guerre illuminée par les ivresses fanatiques et naïves du communisme, la fin des grandes illusions lyriques en 1956.
Pour la première fois sans doute un roman (à la fois confession chronique, récit d'aventures) mêle l'épopée aux "choses vues", illustre le drame de cette génération issue de la guerre d'Espagne et du grand conflit mondial, nourrie de Marx et de Malraux.