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Littérature
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«Sans travail, sans rien en vue, j'ai fini de vendre ce qui me restait : mon lit de jeune fille, le matelas du lit aux colonnes, la montre de Quimet que je voulais donner à Antoni lorsqu'il serait grand. Tout le linge. Les coupes, les tasses, le buffet... Et quand il ne me restait rien en dehors de ces monnaies qui me semblaient sacrées, j'ai fait taire ma fierté et je suis allée chez mes anciens patrons.» Une Catalane, femme du peuple, originaire du quartier de Gràcia à Barcelone, raconte sa vie. Avec délicatesse et discrétion, Natàlia évoque son adolescence, le travail - elle est alors vendeuse dans une pâtisserie du quartier -, son mariage, les maternités, la mort de son mari, milicien dans l'armée républicaine, la guerre civile, la faim, le désespoir, son remariage... Ce témoignage émouvant par la simplicité d'une vie banale en apparence, mais qui se déroule pendant une époque mouvementée, la guerre civile puis les années noires qui suivent la victoire du franquisme, est considéré comme le chef-d'oeuvre du roman catalan depuis un quart de siècle.
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«Il y a longtemps, le plus vieux d'entre les vieux du village avait expliqué qu'il avait assisté à la naissance de tout. Le village était né d'un grand malaise de la terre. La montagne s'était fendue, puis elle était tombée de tout son long dans la rivière. La rivière s'était répandue dans les champs, mais elle voulait couler en gardant toute son eau et peu à peu elle avait creusé sous la montagne qui était tombée. Le vieux avait ajouté que sur la terre et les pierres décrochées, une nuit la lune avait déposé deux ombres qui s'étaient réunies par la bouche. Et il avait plu du sang. C'est ainsi que tout avait commencé.» Roman inclassable et déroutant, La mort et le printemps évoque, à travers le regard d'un adolescent, un village perdu aux traditions étranges. La quête initiatique du jeune homme, empreinte de fantastique - écho atténué de la dictature franquiste -, se déploie en un long poème en prose baigné de lumière. À la fois exercice de fiction, conte puissant et récit personnel, ce dernier livre de Mercè Rodoreda, auquel elle consacra vingt ans de sa vie, constitue l'apogée du talent de l'autrice.
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Tant et tant de guerre est né à la suite d'une exposition des photos du film Le manuscrit trouvé à Saragosse. Je me demandais si je ne pourrais pas faire un roman qui parviendrait au même degré de poésie et de mystère. Il me fallait créer un personnage et le laisser courir le monde. Ce serait un garçon ayant encore du lait sur les lèvres et qui, comme les poètes, s'extasierait devant tout ce qu'il verrait. Le prendre en plein désordre de la guerre afin qu'il puisse n'en faire qu'à sa tête, et aller là où il aurait envie d'aller. Le jeter dans des aventures avec des gens étranges. Pourquoi pas un roman, disons de guerre, mais avec peu de guerre ? Mercè Rodoreda.
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Il a écrit cecilia et au moment oú il allait l'écrire une seconde fois une fenêtre s'est ouverte à la volée et il a pris peur.
Le crayon lui est tombé des mains et il n'a pas pu le retrouver. ii m'a enlevé l'épingle, les bouts de ses doigts se sont mouillés à la bave du bavoir, et il a accroché ensemble le bavoir et le papier. ne voyant personne il m'a bercée un instant, il m'a dit tout bas : cecilia, et j'ai ri. alors il a sonné et m'a donnée. pendant qu'il se déshabillait, sa femme s'est réveillée et lui a demandé pourquoi il rentrait si tard.
Il lui a dit qu'il avait trouvé une petite fille. elle lui a demandé : oú ? il lui a dit : dans la rue des camélias, vers le milieu de la rue, au pied d'une grille avec tout plein de camélias. sa femme avait l'air de ne pas vouloir le croire et il a dû le lui répéter, bien posément, qu'au petit jour, à côté de camélias, il avait trouvé une fillette comme un petit chat et qu'elle s'appelait cecilia. un destin de femme traversant violemment les frontières géographiques et sociales de barcelone.
Par mercè rodoreda, "un écrivain de dimension universelle" (gabriel garcia marquez).
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L'eau est l'élément majeur de ce recueil de textes, publié en catalan en 1967.
Eau vive ou immobile, mer, rivière, étang, flaque, matrice de mythes fondateurs. Et c'est bien de mythe, `d'imaginaire et de réalisme, que se nourrissent ces récits remarquablement structurés. Bien que très différenciés et d'inspiration variée, lyriques, réalistes ou fantaisistes, on a l'impression, au fil de la lecture qu'un lien subtil les relie ; sans doute est-ce le sentiment d'extrême solitude qui habite les divers personnages.
Solitude : humaine si réelle et si cruelle, solitude lancinante qui nous renvoie au vécu douloureux de l'auteur et à nos propres interrogations sur l'existence, la nature, la vie la mort, la fuite du - temps. A méditer sans pessimisme.
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Nous sommes à Barcelone, du début du XXe siècle jusqu'aux premières années qui suivent la guerre civile. Salvador Valldaura, riche patricien, épouse Teresa pour laquelle il nourrit une grande passion.
Salvador a déjà vécu à Vienne une aventure amoureuse intense conclue par un suicide d'autant plus troublant que l'auteur ne nous livre aucune explication. Il ne se remettra jamais de ce drame.
Teresa, malade, n'est plus en mesure de diriger la maisonnée. Sa fille, son gendre et ses petits-enfants sont tous plus ou moins atteints mentalement. Seul le très nombreux personnel féminin (le choeur de cette tragédie ?) est l'élément apparemment le plus sain. Lorsque la guerre civile se déchaîne, la villa et son parc ne sont plus entretenus. La trop grande demeure ne tardera pas à n'être plus habitée que par les rats, en attendant d'être rasée par les promoteurs.
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Nouvelles dont les protagonistes sont des femmes.
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Voici les Villages d'un pays de Cocagne à l'envers, à tous égards villages envoûtés, d'inspiration fantastique. Et voici les Fleurs, où Mercè Rodoreda se fait la botaniste d'une flore de fantaisie noire. Ces contes sont des " résumés absolus de l'oeuvre tout entière ", comme le dit Bernard Lesfargues dans sa postface. Son imaginaire semble osciller, pour la cruauté entre celui de Swift, d'Ambrose Bierce et d'Edgar Poe et, pour le macabre, celui de Goya. Il est servi par un sens personnel des mots qui explique le pouvoir émerveillant de ces contes de sorcière plutôt que de fée.