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Littérature
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LÂ'année 2011 commence par la Foire du livre de Brive-la-gaillarde : « règne de la quantité, paraître, frivolité, narcissisme, insignifiance... Prostitution. » Mais lÂ'écrivain nous donne aussi, en temps réel, lÂ'écho que ce spectacle produit dans le théâtre intérieur : la détresse de lÂ'âme devant la frivolité et le narcissisme et les efforts insensés quÂ'elle fait pour y échapper en recréant par des phrases une forme compatible avec lÂ'esprit humain : lÂ'écriture vraie. Cet âpre exercice sera mis à mal par le déclenchement un peu plus tard de « lÂ'affaire Richard Millet », qui conduit lÂ'éditeur de deux Prix Goncourt (Jonathan Littell en 2006 et Alexis Jenni en 2011) à être évincé de chez Gallimard et de toute présence dans la presse et dans le monde de lÂ'édition, après la publication, le 24 août 2012, de « Langue fantôme, suivi dÂ'Éloge littéraire dÂ'Anders Breivik »...
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« Je vais où me portent mes phrases. » Richard Millet achève la longue quête vers l´origine dans laquelle il s´est lancé le jour où il commença d´écrire la première ligne de son oeuvre si décisive aujourd´hui. Cette autobiographie de ses vingt premières années, que ne couvrent ni son Journal ni son oeuvre romanesque, n´est pas un livre de confessions, quoiqu´il arrache « les vieux masques », y compris celui de l´homme « qui pose, inévitablement, en écrivant » et se situe dans l´exacte ligne de saint Augustin - mais c´est une quête pour découvrir « l´origine de ma sensualité ». Cette sensualité excessive, vécue presque comme une damnation, l´écrivain la rattache à un manque initial d´amour et à une sorte d´envoûtement paternels, qui auraient produit ce qu´il appelle sa « maladie ». La forteresse intérieure construite et consolidée pas à pas l´en protège mais elle en est aussi le produit - tout comme ce grand livre enfin écrit, « la baleine blanche de mon entreprise littéraire ».
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2000-2003 : années décisives, naissance de sa deuxième fille, rupture avec POL, fin de sa collaboration avec Balland, arrivée chez Gallimard. Millet séjourne souvent au Liban et en Syrie, et aussi dans sa Corrèze natale. Sur le plan littéraire, il publie Lauve le pur, La Voix dÂ'alto, et, surtout, on assiste à la genèse de son roman Ma vie parmi les ombres (Gallimard, 2003). Le journal fourmille de réflexions sans complaisance sur lÂ'époque, dÂ'anecdotes et de personnages : Paul Otchakovsky- Laurens, Guillaume Dustan, Jack-Alain Léger, Dominique Noguez, Angot, Goffette, Tillinac, Sollers, Wieviorka, Finkielkraut, Camille Laurens, Alice Ferney, etc.
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Après les années d'apprentissage et les premiers succès, c'est l'homme mûr que ce 4e tome du Journal nous découvre : Richard Millet continue son exploration intérieure en déroulant la période la plus prestigieuse de l'écrivain dont tous les livres sont désormais publiés chez Gallimard et qui entre au comité de lecture de cette maison. Mais ces années (2003-2011) ne sont pas les plus heureuses, puisqu'il ne croit pas à ces prestiges et que sa lucidité donne au contraire à son regard sur les cuisines de la pauvre littérature dont notre siècle est capable une acuité qui lui sera fatale. « Depuis le début, élu au comité, cela ne semble être qu'un malentendu. » Il verra son « sentiment de la langue » se changer en malaise et sa répugnance à l'égard du milieu éditorial parisien mener à sa fatale éviction. « L'anecdote a, dans mes cahiers, une valeur politique », écrit-il et ici en effet, « chez Gallimard », c'est « la banque centrale » qui produit elle-même la « fausse monnaie ».
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'«La poésie a pour devoir de faire du langage d'une nation quelques applications parfaites » disait Paul Valéry, dans le temps même où il rappelait que les civilisations sont mortelles - et où mourait la nôtre, dont il était parfaitement représentatif.
Sa vision était plus large encore, quasi visionnaire?: «?Je vois passer "l'homme moderne" avec une idée de lui-même et du monde qui n'est plus une idée déterminée. Il ne peut pas ne pas en porter plusieurs?; ne pourrait presque vivre sans cette multiplicité contradictoire de visions?; il lui est impossible d'être l'homme d'un seul point de vue, d'appartenir réellement à une seule langue, à une seule nation, à une seule confession, une seule physique, etc.?» L'époque à laquelle écrivait Montaigne était marquée par les ligues, les guerres de religions, la peste?: son style même est une quête de vérité, aussi "ondoyante" que l'homme même. Celui de Valéry, incisif comme un oiseau qui fend l'azur, tient le registre de l'intelligence qui survit aux civilisations...
Nous n'écrivons pas dans le regret?: nous écrivons après.
Nous écrivons pour une nation posthume qui se souviendra de nous en une autre langue qu'on appellera français faute de mieux.
La langue : la seule responsabilité politique que je me sente.
Richard Millet
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La Joute : Combat de l'homme et de la femme dans la nuit du siècle
Richard Millet
- Les Provinciales
- 28 Août 2025
- 9782912833921
Il a fallu la longue maladie et la mort de mon épouse, en 2020, puis cinq années de solitude, autant dire de deuil, pour que le sujet s'impose enfin : la joute est cela même dont la mort de ma femme m'a privé, soit le lien le plus mystérieux de ce qu'on appelle un couple, deux êtres doués de parole et croyant se connaître, et dont les voix réfutent toute métaphore, idéologie et discours sur l'amour pour faire exister ensemble le visage et la voix en une présence qui en dit autant sur le corps que sur l'invisible.