« Demain, gare de Lyon, départ à 9h37. T'es contente ? Je ne savais pas si j'étais contente ou pas. Je trouvais que tout allait trop vite. Je ne pourrais dire au revoir à personne, ne pourrais me réjouir quelques jours auparavant à l'idée du départ. Pourtant, j'ai répondu Oui. Parce que je sentais, peut-être pour la première fois, que ma mère n'était pas prête à écouter mes états d'âme. Papa, il est au courant ? Laisse ton père où il est. Il verrait d'un mauvais oeil que je te fasse rater les derniers jours de classe. Il me ferait la morale, et la morale, je n'aime pas ça. » Cet été-là, Agathe le passe échouée sur une plage de la Côte d'Azur au côté d'une mère dont la folle excentricité l'inquiète. Cette dernière la presse de grandir vite et la petite fille devine qu'elle a quelque chose d'urgent à lui dire. Mais quoi ? Emportée dans le sillage de cette mère-poisson, ce n'est que des années plus tard, en déroulant le souvenir à vif de ces jours pleins de bruit et de fureur, qu'elle le découvrira enfin.
«D'accord» : c'est peut-être le mot qu'elle dit le plus souvent, par fatigue, lâcheté ou absence d'à-propos. Mais certains soirs, tard, après avoir improvisé une danse dans son salon pour chasser les contrariétés de la journée, elle est capable d'envoyer des mails incendiaires ou insensés pour rectifier la situation. Oui, c'est le genre de fille accommodante, avec ses proches, son ex-mari un brin narquois, son adolescente de fille, son trop parfait collègue de travail. Puis ceux à qui elle tient inlassablement la porte dans le métro, ceux qu'elle laisse passer indéfiniment devant elle à la caisse du supermarché au motif que leur caddie est moins rempli. Conciliante, oui, jusqu'au moment où elle dit non, un immense Non lancé comme un éclat de rire à la figure de ceux qui ne doutent jamais d'eux, qui tiennent à jouer le premier rôle dans leur comédie sociale. Mais pour qui se prennent-ils ?En faisant le portait d'un genre de fille qui nous ressemble, Nathalie Kuperman livre une comédie sur les apparences et les non-dits et, en guerrière discrète mais tenace, s'attache à démasquer ce que Nathalie Sarraute appelait «les innombrables petits crimes» que les paroles des autres provoquent en nous.