En France, le jeu de séduction réciproque galant développé à la Cour dès le règne de François Ier définit l'homme comme séducteur, actif, au contraire de la femme séduisante, passive, créant lentement pour les privilégiés une illusion d'harmonie relative entre les sexes. Paris, reine du monde érotisée, produit en contrepoint les conditions nouvelles d'une séduction féminine capitale, longtemps diabolisée sous les traits de la femme fatale opposée à l'épouse chaste et obéissante, avant de s'apaiser, depuis les années folles, à travers le mythe de la Parisienne au charme exceptionnel. Les 19e et 20e siècles connaissent pourtant subrepticement un retour en arrière misogyne, issu d'une réactivation laïque de l'antiféminisme, car pour les bourgeois triomphants le seul rôle féminin décent est, éternellement, celui de conjointe et de mère. À notre époque, le vieux modèle paternaliste basé sur la primauté multiséculaire du mariage hétérosexuel a volé en éclats. Utilisant des productions marquantes, oeuvres littéraires, films, bandes dessinées, pour repérer les théories et les pratiques, ce livre souhaite faire découvrir les extraordinaires métamorphoses de la séduction amoureuse une grande passion française constitutive de l'identité nationale.
Jusqu'à une époque très récente, les femmes françaises ont été contraintes par des lois, des principes et des normes sociales entravant leurs ambitions, leur visibilité, leur liberté. Pourtant, loin de n'être qu'assujetties, beaucoup d'entre elles ont su imposer la prise en compte de leur magie, de leurs désirs, de leurs volontés, se taillant des espaces de liberté, voire de réelles positions de puissance parmi leurs contemporains.Le grand historien Robert Muchembled nous emmène à la rencontre de toutes ces insoumises:des guérisseuses paysannes du XVI? siècle aux féministes d'aujourd'hui, en passant par les mystiques et «possédées» du XVII?, mais aussi les favorites, courtisanes ou comédiennes des XVIII? et XIX? siècles adulées comme des reines et ayant plus de pouvoir qu'elles. Sans oublier un grand nombre de femmes de toutes conditions qui trouvaient divers moyens de contourner les interdits érigés par les hommes. Une histoire à rebours des idées reçues.
Pourquoi l'odorat, ce sens primordial d'adaptation au danger comme de repérage du meilleur partenaire sexuel, demeure-t-ilsi méconnu ?
Son histoire paradoxale, pour peu qu'on s'y attache, est des plus captivantes. Dans cette synthèse sans équivalent, Robert Muchembled mène l'enquête et présente les extraordinaires mutations de l'odorat en Occident, de la Renaissance au début du XIX e .
Les sources utilisées sont multiples et riches : manuels de physiognomonie ; oeuvres de médecins, philosophes, poètes, conteurs, théologiens, polémistes, moralistes; traités de civilité; traité de « Secrets pour dames » ; édits royaux ; règlements du métier de gantier parfumeur ; inventaires après-décès (apothicaires, gantiers parfumeurs); iconographie du sens olfactif...
Muchembled s'empare de cet extraordinaire ensemble et dresse l'histoire du puissant refoulement qui, depuis un demi-millénaire, nous a fait considérer l'odorat comme le plus méprisable des sens avant de le hisser au rang du plus affûté.
Des miasmes exhalés par les concentrations humaines aux émanations intimes nauséabondes, des senteurs « excrémentielles » (musc, civette et ambre) prétendument protectrices de la peste aux condamnations des moralistes, de la révolution olfactive du XVIII e siècle, qui transforme la goutte de parfum floral ou fruité en vecteur d'hédonisme jusqu'aux dernières découvertes scientifiques, c'est à un extraordinaire voyage olfactif dans la civilisation des moeurs que Muchembled convie son lecteur.
À travers ce long parcours du XIIIe siècle à nos jours, Robert Muchembled propose des clefs pour comprendre la violence massivement masculine et juvénile. L'actualité place cette violence sur le devant de la scène. Thème cher aux sociologues et aux politiques, elle est aussi objet d'histoire.
Ce livre n'est pas une biographie supplémentaire d'Henri IV, promu au à la fin du XXe siècle idole monarchique des Français. Tentant de résoudre la plus extraordinaire énigme criminelle du temps des guerres de Religion, l'empoisonnement du prince de Condé à Saint-Jean d'Angély en 1588, Robert Muchembled a vu une piste initiale banale (cherchez la femme) bifurquer vers la responsabilité assurée d'un commanditaire dissimulé, père naturel, qui plus est, du fils posthume du prince assassiné : Henri de Navarre, futur roi de France.
C'est donc une histoire (incomplète) de la personnalité secrète du Béarnais qui est ici proposée. Si elle diffère de la mythologie traditionnelle appliquée à son souvenir, elle lui rend toute son humanité : ses qualités et ses succès vont de pair avec des traits moins glorieux, indispensables, probablement, pour survivre et triompher durant l'une des périodes les plus tragiques du passé français : dénué de scrupules moraux ou religieux, confiant (superstitieusement) en son étoile, il élimine sans pitié ceux ou celles qui le gênent ; maître de la désinformation, grand producteur de fausses nouvelles, il forge lui-même sa propre légende, dispose de l'un des plus efficaces services secrets du temps, cumule les maîtresses comme un Sultan oriental et traite durement son fils secret (héritier au trône intermittent, puis rival de Louis XIII après le régicide).
Bien qu'il véhicule des images fortes, d'ambitions effrénées, de sang, de poison, de violence, de désirs charnels, dignes de romans historiques ou policiers, le récit, chronologique, appuyé sur les documents d'époque (parfois inconnus, ou souvent mal mis en perspective) présente des faits réels et des personnages qui n'ont rien de fictif. Il invite à découvrir un exercice du pouvoir suprême plus chaotique, baroque et dramatique que celui évoqué par les manuels scolaires : en suivant les acteurs dans les coulisses, où ils ôtent un masque hiératique pour vivre pleinement leurs passions, apparaissent de nombreux mystères ; leur résolution colore de suspense la narration et rappelle que la grande Histoire (la geste des souverains et des dominants) aurait pu être profondément différente de celle qui s'est imposée.
En parfaite harmonie avec sa caste, la grande aristocratie guerrière prédatrice, le Vert-Galant impose aux filles et aux femmes nobles (aux autres aussi) une domination masculine absolue, renforcée par la croyance au pouvoir fécondant exceptionnel du « super mâle » royal (qu'il a vaillamment démontré). Bousculés depuis un demi-siècle par d'irrésistibles mutations sociales et culturelles, les nostalgiques de la grandeur nationale perdue qui encensent sa figure tutélaire ne tentent-ils pas, subrepticement, de moderniser le mythe du monopole viril du pouvoir (en particulier au sommet de l'État), inconsciemment mais puissamment relié à l'ancienne monarchie française salique et sacrée ?
Après le succès de ses analyses de la sorcellerie, robert muchembled explore dans cet ouvrage l'image du diable et des figures du mal dans la civilisation occidentale du deuxième millénaire.
Il ne s'agit pas d'une simple histoire de la représentation du diable mais d'une analyse originale et jusqu'à présent inédite des relations entre culture, image du corps, lien social et représentations du mal. c'est l'ensemble des manifestations culturelles et intellectuelles de la société occidentale (littérature, cinéma, bd, peinture...) qui sont revisitées et réétudiées à travers le prisme de l'image du diable.
Cet ouvrage, traduit en plusieurs langues, fait désormais figure de classique dans l'histoire des mentalités.
Comme tout travail d'historien, il porte la marque d'une époque, celle du désenchantement politique qui a succédé aux espoirs de 1968 mais surtout - et cela est essentiel - il vient à la suite de Michel Foucault et du Braudel de Civilisation matérielle, économie et capitalisme. Traitant de la culture paysanne à son apogée (l'espace, les rythmes temporels, la vision du monde, les fêtes et le sacré) et de la culture populaire urbaine, il en décrit la destruction progressive et la réduction en culture de masse sous l'effet du pouvoir centralisateur : une lente mais violente révolution culturelle.
«D'où date la sorcière ? Je dis sans hésiter : des temps du désespoir.» Consolatrice et révoltée pour Michelet, servante du diable pour la tradition démonologique, la sorcière fascine l'Occident depuis cinq siècles. C'est une autre approche qu'en propose Robert Muchembled, en replaçant la sorcellerie dans la culture traditionnelle. Acceptée au village, elle y a longtemps assuré, face aux malheurs des temps, une économie du surnaturel. Pourchassée, elle manifeste encore, contre elle, la cohésion du groupe. Exorcisée par les triomphes de la raison, peut-elle disparaître de nos campagnes ?
L'orgasme est-il soluble dans l'histoireoe Émotion individuelle quasi incommunicable mais aussi réalité culturelle, il appartient et tout à la fois échappe à la conscience collective. L'histoire de l'orgasme est celle du corps caché, des désirs interdits, de la chair corsetée par les tabous et les morales. Enfouis dans le tréfonds des archives et des bibliothèques, les documents concernant cette vie physique, parfois libertine, n'en sont pas moins extraordinairement abondants et d'une surprenante force d'évocation. En matière de volupté, Angleterre et France ont suivi des chemins parallèles. Les États-Unis conservent la profonde empreinte de ce modèle répressif commun, récemment abandonné par l'Europe hédoniste au profit d'une sexualité plastique, dont les femmes sont les principales bénéficiaires. Libérées par la pilule des dangers et des angoisses liées aux obligations de reproduction, elles peuvent désormais réclamer l'égalité avec les hommes et rechercher sans complexe ce plaisir qu'on dit charnel...
À partir de la Renaissance, la dépréciation des sens et du corps bestial s'élargit à divers cercles laïques. La civilisation des moeurs décrite par Norbert Elias développe le savoirvivre, la pudeur, le refus des inconvenances. Vue et ouïe deviennent de plus en plus les sens nobles, évocateurs du divin, au contraire des sens de proximité, trop liés à l'animalité et à la sexualité.
L'odorat est le plus visé par les moralistes, car pour eux le diable est dans les déchets, les vapeurs de peste, les excréments humains, le bas du corps, féminin en particulier.
Si bien que l'autocontrôle de ces enfers, notamment de celui du nez (dont la forme et la longueur sont réputées traduire celles des organes sexuels masculins et féminins), fait l'objet de tous les discours savants, alors que les puanteurs règnent dans cet univers, surtout dans les grandes villes comme Paris ou Naples. Un mécanisme de culpabilisation multiforme invite à rejeter et à sublimer cette part puissamment animale de l'humain.
Mais il ne s'agit pas encore de faire disparaître les mauvaises odeurs. On traite en effet le mal par le mal, en chassant la peste par l'odeur encore plus épouvantable d'un bouc et en protégeant les orifices du corps et de la peau par des substances odoriférantes fortes. Les parfums, souvent d'origine animale (musc) servent à chasser le démon, mais sont aussi considérés comme des pièges sataniques. Cette ambivalence ne cesse qu'à partir du milieu du XVIIIe siècle, lorsque les parfums, de plus en plus floraux, prennent une place nouvelle dans un monde plus hédonique. Ils participent alors à un processus de sublimation en produisant une barrière olfactive contre les puanteurs externes et les odeurs corporelles.
Jeanne-Antoinette Poisson, marquise, puis duchesse de Pompadour, est une incomparable icône féminine. Son nom évoque sa beauté, ainsi que la sensualité raffinée et libérée du temps de Louis XV, dont elle fut la favorite officielle durant près de deux décennies, de 1745 à sa mort en 1764.
La légende s'est emparée de sa personne dès qu'elle est devenue le point de mire scandaleux de ses contemporains, en commettant un double adultère, au préjudice de son mari et de la reine. Sa vie a été contée de son vivant sur un mode très insultant. Il est vrai que l'intéressée avait du répondant, ses détracteurs étant impitoyablement pourchassés et embastillés.
Comment cette femme, fruit de l'union d'un aventurier bâtard, issu d'un petit village des environs de Langres, et d'une très belle Parisienne réputée légère, put-elle obtenir aussi longtemps les bonnes grâces des grands de la Cour ? À la faveur d'une documentation de première main, Robert Muchembled révèle pour la première fois les mystères de la Pompadour, qui n'était pas forcément celle que l'on croyait.
La violence ne cesse de décroître depuis le XIIIe siècle. Bien plus présente dans le Sud que dans le Nord, elle concerne essentiellement les jeunes mâles âgés de 20 à 30 ans, et assez peu les femmes. À travers ce long parcours de la fin du Moyen Âge à nos jours, Robert Muchembled propose des clefs pour comprendre cette brutalité massivement masculine et juvénile : comment s'exprime-telle ? Comment le Vieux Continent parvient-il à la contrôler, à la sublimer ? Pourquoi cette baisse incontestable de l'agressivité (en dehors des guerres, qui relèvent, pour leur part, d'une autre analyse) ? L'une des principales explications est à rechercher dans la promotion voire l'invention de la notion masculine d'honneur, associée à un mouvement général de « civilisation des moeurs » et à une éducation coercitive des adolescents et des mâles célibataires. Un système de règles, de codes de politesse se met en place, principalement autour des années 1650, pour dévaloriser les affrontements armés, les duels, le recours à la vengeance personnelle et la dureté des relations. Mais on observe aujourd'hui une nette inflexion dans ces tendances multiséculaires : les premières années du XXIe siècle semblent inaugurer le retour d'une nouvelle violence avec le problème dit des « jeunes de banlieues », qu'on peut lire comme une sorte de retour du refoulé, comme un processus conduisant à une « décivilisation » des moeurs. L'homme serait-il en train de redevenir un loup pour l'homme ?
Inspecteur de police d'une rare intelligence, escroc aventurier de haut vol, Jean-Baptiste Meusnier fut assassiné en 1757. En retraçant la vie fascinante et aventureuse de ce policier du XVIIIe siècle, Robert Muchembled plonge dans les recoins les plus obscurs du siècle des Lumières.Derrière Meusnier, c'est tout le monde trouble de la police qu'il fait ressurgir, pointant les contradictions, les corruptions et les travers d'une profession saignée par l'achat de ses charges et contrainte, pour survivre, de mettre son talent à son propre service et non à celui du royaume. Entre sexe, argent et pouvoir, la police préfère jouer du pourrissement du régime monarchique plutôt que le servir - et contribue ainsi à précipiter les bouleversements de 1789.Ainsi, ce que Robert Muchembled montre, c'est que les causes de la Révolution française ne résident pas plus dans la désacralisation de la personne royale sous Louis XVI que dans la constitution d'un " espace public ", mais bien dans un lent pourrissement sur pied du régime - dont la police a sa part.
L'actualité place la violence sur le devant de la scène. Thème cher aux sociologues et aux politiques, elle est aussi un objet d'histoire. À rebours du sentiment dominant, Robert Muchembled montre que la brutalité et l'homicide sont en baisse constante depuis le XIIIe siècle.
Un contrôle social de plus en plus étroit des adolescents mâles et célibataires, doublé d'une éducation coercitive des mêmes classes d'âge, peuvent expliquer cette régression de l'agressivité. Peu à peu, la violence masculine disparaît de l'espace public pour se concentrer dans la sphère domestique, tandis que la littérature populaire se voit chargée d'un rôle cathartique. Le début du XXIe siècle semble toutefois marquer une résurgence de la violence, notamment dans les « cités ». L'homme redeviendrait-il un loup pour l'homme ?
Sociabilité et comportements populaires en Artois de 15e au 17e siècle.
Né des peurs et des angoisses des hommes, le Diable n'est pas une simple notion philosophique ou théologique.
Il est ce qui organise les rapports des individus au pouvoir, il est le Mal qui hante l'esprit et permet de discipliner les corps. Lorsqu'aux XVIe et XVIIe siècles l'Europe allume ses milliers de bûchers de sorcières, c'est la femme et la sexualité qui deviennent alors les objets du Malin, et c'est une terrifiante guerre des sexes qui prend naissance, sans que notre millénaire soit encore parvenu à une pacification.
Car la modernité n'échappe pas à l'influence du démon, même si c'est désormais l'homme, et non cet être cornu et boiteux des légendes, qui est habité par le Mal et animé de pulsions démoniaques. Dans sa course au bonheur, notre époque semble avoir oublié le Diable et se rire de ses ouvres et de ses pompes. Mais la réalité est autre : au cinéma, à la télévision, sur le Net, le vieux thème de la bête intérieure et maléfique ne cesse de resurgir.
Si l'Enfer, c'est les autres, suis-je moi-même Dieu ou démon ? Cet ouvrage explore, au travers d'une iconographie saisissante, le réseau des représentations et des métamorphoses du Malin, de son invention au XIIe siècle jusqu'à ses ultimes visages dans l'ère contemporaine. L'image, analysée avec minutie et brio par Robert Muchembled, spécialiste de l'histoire de la sorcellerie, n'est pas décorative : elle est ce qui donne vie aux peurs et aux angoisses, chair et corps aux figures du démon.