Un livre unique, une somme romanesque, un livre dicté en moins de deux mois et qui est le sommet de l'improvisation, un récit sur Bonaparte, Waterloo, l'Italie, un grand ouvrage politique, que dire encore en faveur de ce qu'Italo Calvino appelait «le plus beau roman du monde». Une comédie humaine, un itinéraire spirituel, plusieurs histoires d'amour enfermées dans une petite ville d'Italie, avec le passage du temps, le charme de la mémoire, les «paysages sublimes», le paradoxe d'un héros qui trouve son paradis en prison, toutes les vertus et toutes les lâchetés, il faudrait tout citer. Manqueraient encore la merveilleuse brièveté de la phrase, et le sens de l'humour. Toute la littérature française en un volume.
Rien n'est plus étranger au personnage de Julien Sorel que la sérénité des vainqueurs. Alors que Napoléon, son modèle, est à jamais défait, Sorel est condamné à grandir dans une famille mesquine, à vivre dans une province trop étroite. Le fracas des fusils a laissé place au bruit lancinant de la scierie familiale : soldat privé de bataille, il ne lui reste que le coeur des femmes à faire saigner. Premier de ses amours, dernière de ses victimes : Mme de Rênal, jeune femme mélancolique, tombée amoureuse de Julien, devenu précepteur de ses enfants.
Il la retrouvera dans le claquement des pistolets. Arrivé à Paris il séduit Mathilde de la Mole, jeune et fougueuse aristocrate, non pour sa fortune mais par défi, pour subjuguer la fierté qu'il croit lire dans ses yeux. Pour Sorel c'est là tout l'amour : un combat enraciné dans l'hostilité d'un échange de regards. Ayant pour origine un fait divers sanglant, Le Rouge et le Noir y puise une singularité tranchante.
Loin d'une fresque abstraite, le roman a tout d'un corps rouge du sang qui s'y écoule, noir de la poudre qui y brûle.
Le Rouge et le Noir, c'est le roman de l'énergie, celle d'un jeune homme ardent, exigeant et pauvre dans la société de la Restauration. Julien est le délégué à l'énergie provinciale, le délégué du talent à la carrière, des classes pauvres à la conquête du monde. Cette peinture, pleine, puissante, normale de l'énergie d'un homme, d'un pays, d'une époque, compose une oeuvre immense que son temps ne comprit pas mais dont la vivante influence n'est pas encore épuisée.
Albert Thibaudet.
« Stendhal révolutionnera l'histoire dès lors qu'on saura le lire depuis un temps à venir ».
Patrick Boucheron.
Ce recueil de quatre récits, où s'entremêlent passions et assassinats, est une ode à l'Italie. Stendhal, qui s'est directement inspiré de manuscrits du XVIe siècle pour les composer, y fraye comme jamais avec l'histoire. Persuadé que la Révolution française n'a pas encore produit son effet sur la littérature, il fait de ces « historiettes romaines » le terrain d'exploration de lui-même en se reliant aux écritures passées.
Patrick Boucheron répond ici au défi que l'écrivain lançait aux historiens de profession. Il décrypte ainsi le pas de deux que mènent, aujourd'hui comme hier, discipline historique et invention romanesque. Il souligne en particulier combien ces textes font écho à nos questionnements sur les discours de vérité.
Le chef-d'oeuvre de Stendhal, suivi d'un parcours littéraire « Le personnage de roman, esthétiques et valeurs ». Dans une édition conforme aux nouveaux programmes de français du lycée, incluant notamment des prolongements artistiques et culturels et un dossier Nouveau bac.
L'oeuvre.
En 1826, dans la France de la Restauration, Julien Sorel, ambitieux jeune homme d'origine modeste, part à l'assaut de la haute société parisienne.
Dans ce chef-d'oeuvre du récit d'analyse et l'un des premiers romans réalistes, Stendhal nous livre le portrait d'un personnage porté par une énergie singulière, et la chronique d'une société.
Le parcours « Le personnage de roman, esthétiques et valeurs ».
8 textes présentant des personnages emblématiques des romans du XIXe siècle : pour analyser les esthétiques et les valeurs qu'ils incarnent.
Le dossier.
Des ressources utiles au lycéen pour étudier l'oeuvre dans le cadre des nouveaux programmes :
- des repères sur le contexte historique et culturel.
- des fiches sur l'oeuvre.
- un groupement de textes complémentaires « Jeunes ambitieux autour de 1830 ».
Et un guide pédagogique.
Sur www.classiques-et-cie.com. En accès gratuit réservé aux enseignants, il inclut tous les corrigés : des questionnaires au fil du texte, des sujets de bac, des lectures d'images.
En 1822, pour se remettre d'un amour déçu, Stendhal ausculte les tours et détours de l'amour : après la passion des débuts qu'il nomme « cristallisation » viennent inévitablement les douleurs. Et pourtant l'amour reste, encore et toujours, un horizon de bonheur, cette « idée neuve » que déclare Saint-Just en pleine Révolution française.
Chassé de l´Ecole polytechnique dans les années 1830, Lucien Leuwen, grâce aux relations de son père, riche banquier parisien, obtient de devenir sous-lieutenant et gagne Nancy. Tandis que son régiment de lanciers entre dans la ville, il aperçoit, derrière une persienne entrouverte, une jeune femme blonde, Mme de Chasteller. Lui qui se croyait insensible à l´amour va s´éprendre d´elle et, lorsqu´une nouvelle carrière fera suite à sa vie d´officier de province, il n´oubliera pas cette passion.
Ce roman qui s´ouvre sur la délicate peinture des premiers sentiments de Lucien pour Bathilde, avant de faire place à cette comédie qu´est la politique et dont l´auteur s´amuse, Stendhal le commence en 1834, puis, après l´avoir quasiment achevé, l´abandonne sans le corriger.
Lucien Leuwen est ainsi demeuré un manuscrit de travail, avec lequel les éditeurs posthumes ont pris leurs libertés. Pour la première fois, la présente édition le propose tel qu´il est, accompagné des annotations de Stendhal : jugements, repentirs ou désirs. Ainsi se découvre une oeuvre en train de se faire entre le galop et la bride : entre l´écriture spontanée et le moment de l´évaluation critique.
«- Eh bien ! puisque votre lâcheté le veut, moi-même je tuerai mon père...
Animés par ce peu de paroles fulminantes, et craignant quelque diminution dans le prix convenu, les assassins rentrèrent résolument dans la chambre, et furent suivis par les femmes. L'un d'eux avait un grand clou qu'il posa verticalement sur l'oeil du vieillard endormi ; l'autre, qui avait un marteau, lui fit entrer ce clou dans la tête. On fit entrer de même un autre grand clou dans la gorge, de façon que cette pauvre âme, chargée de tant de péchés récents, fût enlevée par les diables ; le corps se débattit, mais en vain.»
Je suis tombé avec Napoléon, disait Stendhal. Si, heureusement pour lui et pour nous, il s'est relevé, c'est en grande partie grâce à l'Italie, au pays bien-aimé dont le paysage politique en 1826 n'est pas plus séduisant que celui de la France de la Restauration mais où la peinture et la musique, Raphaël et les soirées passées près d'une «dilecta» à la Scala ou au San Carlo disent que, dans les pires défaillances de l'histoire, il y a toujours la solution de la chasse au bonheur. Rome, Naples et Florence : un guide de voyage toujours actuel, une promenade en compagnie du plus aimable des hommes à travers trois capitales délicieusement embaumées, dont la lenteur à épouser la modernité fait penser au mot de Stravinsky répondant à qui se plaignait des longueurs de Schubert : «Qu'est-ce que cela peut faire qu'on dorme puisqu'on est au Paradis?»
« Je me trouvais ce matin, 16 octobre 1832, à San Pietro in Montorio, sur le mont Janicule, à Rome, il faisait un soleil magnifique. Une chaleur délicieuse régnait dans l'air, j'étais heureux de vivre...
Quelle vue magnifique ! c'est donc ici que la Transfiguration de Raphaël a été admirée pendant deux siècles et demi. Ainsi pendant deux cent cinquante ans ce chef-d'oeuvre a été ici, deux cent cinquante ans !... Ah ! dans trois mois j'aurai cinquante ans, est-il bien possible ! 1783, 93, 1803, je suis tout le compte sur mes doigts... et 1833 cinquante. Est-il possible ! cinquante !...
Je me suis assis sur les marches de San Pietro et là j'ai rêvé une heure ou deux à cette idée : Je vais avoir cinquante ans, il serait bien temps de me connaître. »
Dans ce pamphlet écrit en 1825, Stendhal (1783-1842) s'élève contre la suprématie de l'industrialisme, contre la prééminence morale et culturelle que s'arrogent les puissances de l'argent. S'il ne nie pas l'utilité de l'action des industriels et des banquiers, il n'en voit pas l'admirable. Il célèbre en revanche ceux qui, à l'image de lord Byron, Lamartine, Guillaume Tell, Cuvier et Lafayette, savent sacrifier leur propre intérêt à une plus noble cause que leurs rentes.
Aller à Rome avec Stendhal en 1829, c'est rencontrer trois villes superposées : la Rome romaine, ce champ de fouilles permanentes dont on espère encore des trésors de beauté, ce peuple qui a conservé l'orgueil et la dureté antiques ; la ville des papes, cité de l'art, ville-musée, ville-oeuvre d'art dans l'harmonie de son climat, de ses édifices, de ses habitants, création des grands papes de la Renaissance ; enfin, Rome est alors la capitale d'un État, où règne l'archaïsme politique et social d'une théocratie moribonde.
Au service de ces trois villes, Stendhal a écrit un guide nonchalant, une série de contes, le journal intime d'une âme sensible au milieu des chefs-d'oeuvre. Il rêve ce qu'il a vu, il voit ce qu'il a rêvé : nous pouvons toujours suivre, dans la cité sublime, ce génie de la flânerie.
«- Je vous parlerai comme à moi-même, dit Octave avec impétuosité. Il y a des moments où je suis beaucoup plus heureux, car enfin j'ai la certitude que rien au monde ne pourra me séparer de vous; mais, ajouta-t-il... et il tomba dans un de ces moments de silence sombre qui faisaient le désespoir d'Armance...- Mais quoi, cher ami? lui dit-elle, dites-moi tout; ce mais affreux va me rendre cent fois plus malheureuse que tout ce que vous pourriez ajouter.- Eh bien! dit Octave... vous saurez tout... Ai-je besoin de vous jurer que je vous aime uniquement au monde, comme jamais je n'ai aimé, comme jamais je n'aimerai? Mais j'ai un secret affreux que jamais je n'ai confié à personne, ce secret va vous expliquer mes fatales bizarreries.»
Tombée amoureuse d'un homme marié, Mina de Vanghel, jeune Allemande éduquée et fortunée installée en France, s'entremet pour perdre l'épouse aux yeux du mari - en poussant un homme à la séduire et à se faire passer pour son amant. Mais le jeu amoureux se transforme en une véritable obsession, qui conduira l'héroïne au bord de la folie.
Jusqu'où irait-on par amour? Ni la raison, ni la morale, ni l'amour-propre ne sont ici des barrières contre l'amour absolu, qui cherche toutes les voies pour triompher. Autour d'une héroïne incarnation des «grandes âmes», Stendhal offre une méditation incisive et profonde sur les beautés et les horreurs de l'amour, ses espoirs et ses illusions.
Alors que Stendhal compose L'abbesse de Castro, il délaisse le manuscrit et dicte La Chartreuse de Parme en cinquante-trois jours ; ce n'est qu'une fois le roman terminé qu'il en reprendra l'écriture. Les deux oeuvres parues en 1839 partagent aussi, pour le moins, leur décor : une Italie fantasmatique et propice au déploiement de la passion. C'est bien elle en effet qui embrase jusqu'à la mort, dans cette courte «chronique», Hélène de Campireali - jeune fille de grande famille - et Jules Branciforte - fils de brigand...
En Italie, la belle princesse romaine Vanina Vanini met sa vie en danger pour un jeune révolutionnaire...
En Espagne, c'est le fougueux don Fernando qui brave, pour revoir sa fiancée, son terrible rival don Blas, le directeur de la police de Grenade !
Dans ces deux nouvelles, les passions se mêlent et s'opposent : l'amour, qui défie le pouvoir, en paie le prix.
Création Studio Flammarion Illustration : Casajordi © Flammarion © Flammarion, Paris, 1996.
Édition revue, 2014.
«Le lendemain, Lamiel trouva Jean dans le bois, il avait ses habits des dimanches.
- Embrasse-moi, lui dit-elle.
II l'embrassa. Lamiel remarqua que, suivant l'ordre qu'elle lui en avait donné, il venait de se faire faire la barbe ; elle le lui dit.
- Oh! c'est trop juste, reprit-il vivement, mademoiselle est la maîtresse ; elle paye bien et elle est si jolie!
- Sans doute, je veux être ta maîtresse.
- Ah! c'est différent, dit Jean d'un air affairé ; et alors sans transport, sans amour, le jeune Normand fit de Lamiel sa maîtresse.
- Il n'y a rien autre? dit Lamiel.
- Non pas, répondit Jean.
Lamiel s'assit en le regardant s'en aller. (Elle essuya le sang et songea un peu à la douleur.) Puis elle éclata de rire en se répétant :
"Comment, ce fameux amour ce n'est que ça!"»
Un bal, en Italie. La beauté de Vanina Vanini, fi lle du prince don Asdrubale, éblouit les convives et fait chavirer les curs des hauts dignitaires. Pourtant, quand Livio Savelli, le plus brillant dentre eux, tente de la conquérir, elle sexaspère.
Seul un jeune carbonaro, audacieusement échappé de prison et recherché par la police, la laisse rêveuse. Lorsque, quelques jours plus tard, elle découvre quil est protégé par son père, Vanina Vanini lui propose son aide. Amoureuse, la jeune femme est désormais prête à tout pour protéger son amant.
Le Coffre et le Revenant, Le Philtre et Mina de Vanghel mettent en scène des femmes « fatales » : déguisements, tromperies, machinations Il nest pire stratège, dit-on, que la femme amoureuse !
Le Rouge et le noir, Armance, La Chartreuse de Parme n'épuisent pas la veine romanesque de Stendhal.
Elle se manifeste aussi bien dans l'ensemble des sujets que réunit le présent volume. Simples esquisses ou ébauches poussées jusqu'à leur terme, ils donnent un peu l'impression de pénétrer dans le laboratoire du génie, qu'il s'agisse de Mina de Vanghel, dont l'héroïne, " âme trop ardente pour se contenter du réel de la vie ", se tue après huit mois de bonheur, ou du Roman de Métilde, dans lequel Stendal a évoqué sa passion malheureuse pour une jeune Milanaise qui fut le grand amour de sa vie.
" Je pourrais faire un ouvrage qui ne plairait qu'à moi et qui serait reconnu beau en 2000 " (31 décembre 1804) : le voici, cet ouvrage, plus lent que les romans à s'installer dans l'amitié des lecteurs, que désarçonnent une liberté de ton, une désinvolture dans l'enchaînement des idées, un solipsisme des sensations peut-être uniques dans l'histoire de la littérature.
Il s'agit, pour Stendhal, de se saisir dans l'émotion actuelle, dans l'instant, sans recul, sans distance, sans recomposition et dans l'immédiateté absolue du fugace, du mouvant. Pari fou, si l'on songe que l'acte d'écrire suppose justement du recul par rapport à ce qu'on a vécu, de la distance, du refroidissement de l'émotion. Dès qu'on fixe sur le papier un moment de sa vie, on en perd la fraîcheur, on en égare la sincérité, on le trahit.
Le 4 mars 1818 Stendhal note : Je crois que pour être grand dans quelque genre que ce soit il faut être soi-même. Les livres immortels ont été faits en pensant fort peu au style ".
Il s'agit d'abord de l'un des meilleurs livres de stendhal : la richesse des anecdotes fait revivre toute l'italie lyrique, la nostalgie de la musique baigne le texte, la confession personnelle enchanterait même si l'on ne s'intéressait pas au compositeur.
Il s'agit aussi du meilleur livre dont on dispose en français sur rossini, quelquefois imité, jamais égalé.
Une mine de renseignements de première main, une biographie légère, vive et tendre comme son sujet, ont fait la célébrité de cette vie de rossini.
Cette Vie de Napoléon, composée à Milan en 1817-1818, est l'un des deux essais que Stendhal a consacrés à l'Empereur, le deuxième étant Mémoires sur Napoléon (1836-1837). Elle fut écrite pour répondre à Madame de Staël qui, dans ses Considérations sur la Révolution française, avait attaqué Napoléon, auquel Stendhal, qui le plaçait plus haut que César même, vouait une véritable passion...n'excluant pas, comme il le montre ici, la critique.
" Aux âmes sensibles " : ainsi Stendhal désigne-t-il ses correspondants favoris, sa soeur Pauline Beyle d'abord, son " âme soeur " et sa première lectrice, puis les femmes aimées, les camarades, les éditeurs.
Dans ces 220 lettres, choisies parmi 2000 environ, on assiste à la naissance d'un écrivain, au début des années 1800, quand Stendhal était encore Henri Beyle ; à son engagement dans l'armée napoléonienne ; à sa vie de consul en Italie. Jusqu'à sa dernière lettre, écrite la veille de sa mort en 1842, Stendhal raconte et se raconte, avec ironie et légèreté. Son style se forme, par la pratique quotidienne de la confession et de la confidence.
Car la lettre est une forme majeure d'écriture de soi : lieu où Stendhal éprouve ses idées, matériau brut que l'on retrouvera, transformé, dans toute son oeuvre.
Dossier et notes réalisés par Xavier Bourdenet. Lecture d'image par Olivier Tomasini