bonnefoy yves
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Lieux et destins de l'image - un cours de poetique au college de france 1981-1993
Bonnefoy Yves
- Le Seuil
- 7 Octobre 1999
- 9782020361385
Ce que j'ai voulu et tenté : poser la question de la poésie en témoin de sa propre époque ; analyser pour cela les voies de la création poétique dans de grandes oeuvres du passé - reconnues en leur différence grâce aux travaux historiques - mais en observant aussi et d'abord dans l'être qu'on est les circonstances et les démarches - hésitations, aspirations contradictoires, affirmations de valeurs là même où l'on veut que les faits prévalent - du travail auquel on se voue ; reconnaître ainsi, au point d'origine de l'intuition poétique, la parenté de l'entreprise des peintres, des musiciens, des poètes, cordes, chacun, d'une unique lyre ; et comprendre, au terme s'il en est un de l'enquête, la nature et le rôle de cette " fonction poétique " dont on voit bien qu'elle procure parfois assez de sens à la vie pour que celle-ci continue, malgré le peu de réponse qu'elle sait qu'elle doit attendre du lieu naturel renoncé dès l'institution du langage.
Un grand projet ! mais si vaste, autant qu'ambitieux, qu'il en devenait raisonnable. d'évidence, en effet, il ne pouvait s'agir sur un tel chantier que de relevés préliminaires. [. ] il y a des esprits qui misent sur le langage, mais il en est d'autres qui sont sensibles d'emblée aux insuffisances et aux leurres de ce langage qu'ils n'en aiment pas moins pourtant - étant peut-être même de ceux qui l'affectionnent le plus, présence blessée, précaire.
Et pour ma part je crois que c'est seulement quand on s'attache à lui, et à sa parole, de cette seconde façon, avec soupçon, sentiment de l'exil au sein des mots, et donc nostalgie, élan de tout l'être, exigence, que l'on accède à un sentiment de la finitude qui ouvre - et c'est alors la poésie même - à la mémoire de l'immédiat et à l'expérience de l'unité. y. b.
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" Avène, avène ", chantonnait Rimbaud semblablement, dans un moment d'espérance, " que le beau temps t'amène ! " Un beau mot se faisait pour lui le signe d'un bien possible, un son transgressait un sens pour ranimer un désir.
Ce qui n'est pas étonnant, puisque le son, c'est un fragment de la réalité sensible, c'est du dehors de l'esprit autant que la couleur d'un nuage ou le grain rugueux d'une pierre : si bien que l'écouter pour ce qu'il est, au-delà du sens, c'est déjà se tourner vers cet indéfait d'au-delà les concepts que j'évoquais tout à l'heure. Le son dans le vocable fait signe en direction de cette intuition qui a rouvert la pensée de l'être.
C'est comme si l'unité que la signification avait abolie était demeurée cachée au sein même de la parole. On la cherchait du côté de Dieu, elle était ici, avec nous, dans le moindre mot, chacun le maître mot en puissance.
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Rome, 1630 - l'horizon du premier baroque suivi de un des siecle du culte des images
Bonnefoy Yves
- Flammarion
- 29 Février 2000
- 9782080816382
1630 à Rome, c'est, avec le Baldaquin du Bernin en cours d'installation, le moment fondateur de l'art baroque. Mais c'est aussi l'année où Poussin, dédaignant désormais les commandes des grandes familles ou de l'Eglise, décide de ne travailler que pour soi, inaugurant ainsi l'art moderne, qui n'accepte d'être contraint que par sa propre exigence.
Et ce sont également les mois où le caravagisme s'achève, avec Valentin ; où Vélasquez, de passage à Rome, peint des vues de jardin qui auraient plu à Corot. Bientôt Pierre de Cortone va concevoir son immense fresque de la voûte Barberini, déjà Claude Lorrain imagine ses ports au soleil couchant, déjà Borromini, dessinant une certaine fenêtre, donne à pressentir une architecture aussi nocturne, aussi onirique, que le sera la musique de Mozart. Depuis Galilée, l'avenir se précipite. Mais il a trouvé vers 1630 dans la cité d'Urbain VIII un premier grand moment de différenciation, de synthèse.
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Le tissu, qui est cependant ce qui protège, est perçu plus facilement, ou du moins le fut-il bien tôt, comme ce qui empêtre, et ce qui cache.
Et c'est vrai qu'il met à distance notre origine, cet état de nature qui peut sembler être une innocence, et de la franchise. Quand Adam et Eve eurent mangé de l'arbre de la connaissance, ils se couvrirent, comme si la première fonction de ce qui devint la vêture était de cacher la première faute ; et de l'enfant dans ses premières saisons, que l'on suppose encore en deçà du mal, on aime le voir sans vêtements.
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Etudie les divers aspects de la création de Alberto Giacometti : sculpture, peinture, dessin et lithographie.
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« L'imagination, ce n'est pas seulement de rêver la satisfaction des désirs qui se différencient dans
l'être parlant par alliance avec le langage. C'est aussi de concevoir des niveaux de réalité
supérieurs à celui au sein duquel le langage nous dit que nous existons. Ce rêve-là -
métaphysique, ennemi intime de l'intuition poétique - est souvent présent dans l'imagination
ordinaire comme une surdétermination des fictions que celle-ci invente et se joue. Mais il a produit
des systèmes entiers de pensée, et aussi il transfigure l'accueil que nous pouvons faire à des
informations parmi cependant les plus simplement « objectives » quand elles portent, par exemple,
sur des lieux lointains, sur des oeuvres mal explorées. C'est cette forme particulière de l'imaginaire
métaphysique qui apparaît dans ce livre : soit parce qu'il en recense quelques hantises, soit parce
qu'il en subit les effets lui-même. »
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Les derniers livres d'Yves Bonnefoy (1923-2016) expriment son désir de transmettre le legs de la poésie par-delà la mort. «Lègue-nous de ne pas mourir désespéré», lit-on dans L'heure présente (2011). Quant à L'Écharpe rouge (2016), c'est un «livre de famille» testamentaire en même temps que l'histoire d'une vocation : «Il se trouve que j'étais apte à me vouer à l'emploi disons poétique de la parole...» La Pléiade fut pour Bonnefoy l'occasion de porter sur son oeuvre un regard ordonnateur. Il choisit le titre du volume, Oeuvres poétiques, sans céder sur son désir de faire figurer au sommaire quelques textes brefs que l'on qualifierait spontanément d'essais. Le plan serait chronologique. Alors que certaines éditions antérieures associaient des livres ou des recueils relevant de temporalités différentes, il a défait ces «recueils de recueils» pour revenir au plus près des dates des éditions originales. Le grand recueil de 1987, par exemple, Récits en rêve, a éclaté, sans que se perde l'expression récits en rêve, qui désigne chez Bonnefoy une inspiration essentielle ; elle apparaît désormais en sous-titre de certains livres. Tous les livres ou recueils poétiques, vers, prose, ou vers et prose, sont présents. Bonnefoy ne se reniait pas ; il a souhaité donner dans les appendices quelques textes rares, bien qu'ils soient désormais loin de lui. Il a voulu aussi que soit présente son oeuvre de traducteur, de Shakespeare à Yeats, de Pétrarque à Leopardi. Enfin il a ouvert à ses éditeurs les portes de son atelier. Ses manuscrits ont pu être consultés. Ils sont utilisés En marge des oeuvres, où l'on trouvera quelques textes et fragments inédits.
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Les planches courbes ; ce qui fut sans lumiere ; de la vie errante
Yves Bonnefoy
- Gallimard
- Poésie Gallimard
- 8 Octobre 2015
- 9782070466559
L'oeuvre poétique d'Yves Bonnefoy, désormais publiée en Poésie/Gallimard, regroupe, sous les intitulés de «Poèmes» et de «L'heure présente», les recueils initiaux et les derniers en date, les livres de la maturité (La Vie errante, Ce qui fut sans lumière et Les Planches courbes) demeurant jusqu'ici en éditions séparées. En rassemblant ces trois titres en un seul volume, c'est tout le parcours d'Yves Bonnefoy qui se trouve ainsi ré-architecturé, révélant ses lignes de force mais aussi ses contrepoints et ses nuances. D'un état du monde «dévasté par le langage», le poète entreprend d'affronter ce désordre extrême à partir de la simplicité des choses afin de modifier le regard qu'on porte sur elles en allant à la rencontre de ce qui, déjà, cherche un affranchissement. Car il y a chez Yves Bonnefoy une ferveur et un courage qui refusent de céder aux modes et à l'avilissement généralisé du langage. Sa parole sait magistralement faire place au sens et au chant qui s'élève. Elle est à la fois affirmée et fragile, inquiète et souveraine.
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Nouvelle édition augmentée d'une postface de l'auteur en 2005
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Quarante-cinq poèmes / la résurrection
William Butler Yeats
- Gallimard
- Poésie Gallimard
- 5 Octobre 1993
- 9782070327805
«Au seuil de ce livre de traductions j'ai d'abord et surtout le désir de dire l'admiration et bientôt l'affection qui m'ont porté vers cette oeuvre que je voudrais qui vive dans notre langue ; et même celui d'indiquer que cette attention est allée à un texte, bien sûr, mais plus encore à une personne, tant c'est le propre de Yeats d'être présent dans chacune de ses paroles d'une façon si intense et, pourrait-on croire, si transparente qu'on ne peut le lire sans se prêter à son drame, lequel d'ailleurs ne contredit pas sa recherche de poésie : plutôt l'a-t-il dirigée. Yeats ne s'est pas dérobé à l'écriture, à ses prestiges, à ses pièges ; mais il est aussi celui qui, à de grands moments, s'en dégage, comme s'il n'oubliait jamais que les valeurs de l'existence vécue sont de plus de poids pour l'esprit que les labyrinthes pourtant sans nombre qui s'entrouvrent parmi les mots.» Yves Bonnefoy.
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Nouvelle édition
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L'heure présente et autres textes
Yves Bonnefoy
- Gallimard
- Poesie Gallimard
- 27 Février 2014
- 9782070456253
Ce nouveau livre d'Yves Bonnefoy en Poésie/Gallimard regroupe ses trois derniers écrits poétiques qui mêlent poèmes, proses et réflexions critiques, la poésie étant ainsi toujours escortée par la poétique qui l'explicite et la légitime.
Dans La Longue Chaîne de l'ancre, Yves Bonnefoy explore le rapport de l'écriture en vers et de l'écriture en prose, le passage entre l'une et l'autre se découvrant dans des régions subconscientes dont le poème est l'écoute, mais nullement passive. Il s'agit en fait d'élargir les bases de la conscience. La longue chaîne de l'ancre se révélant comme celle qui arrime l'esprit humain dans les eaux profondes de l'inconscient, lieu de pensée autant que de vie.
Avec L'Heure présente, proses et poèmes alternent également : les proses pour remuer le sol de la conscience qu'on prend du monde, où restent vives des impressions et des intuitions que la pensée diurne réprime, les poèmes pour tenter d'employer les mots ainsi rénovés et mieux poser les problèmes de l'être, du non-être, du sens et du non-sens, comme ils assaillent notre époque, à «l'heure présente». Poèmes qui sont des questions, mais se laissent pénétrer par des fragments de réponse. Parmi eux le plus important est celui qui donne son titre à l'ensemble, l'auteur y reconnaît ses inquiétudes et ses espérances.
Quant au dernier texte, Le Digamma, il s'interroge sur la disparition du digamma du sein de l'alphabet de la langue grecque, disparition qui ne fut peut-être pas ce qu'un des personnages du récit imagine : la cause de l'inadéquation ultérieure de la chose et de l'intellect dans les sociétés du monde occidental. Mais il est probable qu'elle ait retenu l'attention de l'auteur quand, adolescent, il apprit qu'elle avait eu lieu, et que cela lui faisait penser à d'autres disparitions. Par exemple, dans les réseaux des significations conceptuelles, celle du savoir de la finitude. Une sorte de mauvais pli apparaît alors entre l'existence et sa vêture verbale, une bosse sous la parole qui n'en finit pas de se déplacer sans se résorber dans des mots qui en seront à jamais fiction, en dépit des efforts de ce que notre temps a dénommé l'écriture, sans qu'il y ait là à douter, tout de même, de notre besoin de poésie.
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L'écharpe rouge ; deux scènes et notes conjointes
Yves Bonnefoy
- Folio
- Folio
- 11 Janvier 2018
- 9782072761485
Lorsque Yves Bonnefoy retrouve un poème d'une centaine de vers libres jamais publié intitulé «L'écharpe rouge», et qui aurait été une «idée de récit», le voilà devant un mystère. Dans le poème sont évoqués des noms de lieux, des événements : mais à quoi font-ils référence ? Le poète part à la recherche de signes, entreprend un voyage au coeur de la mémoire et réveille des souvenirs. Notamment ceux de ses parents, Elie et Hélène, dont il dévoile avec émotion les portraits et l'histoire de leur rencontre. Et comment le regard d'un fils sur ses parents, sur leurs inquiétudes, décide de sa vocation poétique.
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Rue traversière et autres recits en reve
Yves Bonnefoy
- Gallimard
- Poesie Gallimard
- 2 Octobre 1992
- 9782070327188
«Quand j'étais enfant je m'inquiétais beaucoup d'une certaine rue Traversière. Car à une de ses entrées, pas trop loin de notre maison et de l'école, c'était le monde ordinaire, tandis qu'à l'autre, là-bas... Cependant que ce nom troué de feux m'assurait qu'elle était bien le passage. Et je regardais donc de tous mes yeux à droite et à gauche quand nous la prenions, car cela nous arrivait, à des jours, et même pour aller jusqu'au bout, comme si c'eût été une rue quelconque, mais je parvenais là fatigué, un peu endormi, et c'était soudain l'espace bizarre du grand jardin botanique. - Est-ce ici, m'étais-je dit à plusieurs moments, que là-bas commence ?» Yves Bonnefoy.
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Rome, 1630, Le Bernin installe, au choeur de la Basilique Saint-Pierre, sous la coupole de Michel-Ange, le Baldaquin du maître-autel, qui portera l'art baroque à son apothéose. La même année, Poussin dédaignant désormais les commandes des grandes familles ou de l'Église, décide de ne travailler que pour soi et livre une seconde interprétation de son Inspiration du poète, miraculeuse fusion d'une forme restée sensible et d'une révolution de pensée. Ce sont également les mois où le caravagisme s'achève, avec Valentin ; où Vélasquez, de passage à Rome, peint des vues de jardin qui auraient plu à Corot. Bientôt Pierre de Cortone va concevoir son immense fresque de la voûte de Barberini, déjà Claude Lorrain imagine ses ports au soleil couchant et Borromini, dessinant une certaine fenêtre, donne à pressentir une architecture aussi nocturne, aussi onirique, que le sera la musique de Mozart. Depuis Galilée, l'avenir se précipite. Mais il a trouvé vers 1630 dans la cité d'UrbainVII un premier grand moment de différenciation, de synthèse.
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Quand il entreprit de traduire le théâtre de Shakespeare, Yves Bonnefoy fut soudain en présence, non pas des pièces comme telles, de leur sujet, de leur sens, mais, d'abord, de mots sur une page, de phrases qui s'élançaient dans des vers, d'une voix. Il décida de prêter moins attention aux situations et aux émotions que cette parole faisait entendre qu'aux mots et aux vers qui portaient ces mots, aux frémissements qui secouaient ces pages et en contredisaient même, à des moments, le discours. Quelque chose se jouait là qui n'était pas seulement le devenir d'une action ou les pensées ni le sentiment d'une personne, moins encore de grands aperçus sur la société d'une époque, mais un événement bien plus profond : la poésie à son plus fondamental. D'où la question que pose aujourd'hui Yves Bonnefoy : ne serait-ce pas l'intelligence puis l'adoption du projet de la poésie, en sa visée propre, en sa spécificité, qui caractérisent le mieux Shakespeare, expliquant ses choix, explicitant sa grandeur ? Telle serait la raison de sa durable et considérable importance dans des sociétés et des siècles si autres pourtant que les siens.
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Cette monographie sur la vie et l'oeuvre d'Alberto Giacometti (1901-1966) s'appuie sur l'analyse de plus de 500 de ses sculptures, peintures, dessins, gravures et lithographies, ainsi que sur ses écrits théoriques et sur ses déclarations. Elle présente également le contexte historique, artistique et culturel de sa vie. Nouvelle édition brochée.
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Correspondance complète (1862-1871) suivi de lettres sur la poésie (1872-1898)
Yves Bonnefoy, Stéphane Mallarmé, Bertrand Marchal
- Folio
- Folio Classique
- 24 Janvier 1995
- 9782070387618
«Les lettres de Mallarmé sont d'un intérêt souvent extraordinaire. Il a livré sur son exploration des confins de l'esprit et de la matière, et sur la poésie comme il la conçoit, et sur les poèmes qu'il tente d'écrire alors - dont deux de ses plus grands, Hérodiade et le Faune - des informations que rien de son oeuvre proprement dite ne peut remplacer ni même laisser prévoir. Et non seulement il formule ainsi une pensée qui est neuve autant que profonde, mais il en dit la naissance, les péripéties, les angoisses, photographiant un drame de l'intellect dont le Toast funèbre - son seul poème un peu explicite - n'énoncera plus cinq ou six ans plus tard que le dénouement, tout d'apparente sérénité.»Yves Bonnefoy.
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L'inachevable
Yves Bonnefoy
- LE LIVRE DE POCHE
- Ldp Litterature & Documents
- 11 Avril 2012
- 9782253166665
Ce livre, quelques-uns des entretiens que j'ai eus avec divers interlocuteurs en ces vingt dernières années.
D'une part ceux qui portèrent sur la création artistique - architecture ou peinture - ou des peintres et des poètes ; et d'autre part ceux où j'ai eu à parler de mon propre travail ou de ma vie. Viendront plus tard des réflexions de nature plus générale bien que constamment sur la poésie. Pourquoi ce rassemblement ? Parce que l'imprévu des questions avive et même sert le désir de comprendre de celui qui cherche à répondre, en un « écrit parlé » qu'il veut aussi précis que possible.
Et parce que ce désir va peut-être trouver dans les hypothèses et digressions alors permises des voies qui en valent d'autres vers la sorte de vérité dont cet auteur est capable. Y. B.
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Ce que je crois qu'en tout cas je puis dire de vrai, à propos de Rimbaud, c'est qu'aucun autre que lui ne m'aura requis en poésie par autant d'intensité, d'immédiateté, de proximité dans sa voix. Voix qui elle-même demande, voix qui affirme et bien sûr se trompe, mais se reprend, vit de se reprendre, portée, secouée par les deux grandes forces qui font que l'on est au monde [...] : d'une part l'espérance, qui veut croire possible que l'existence soit un partage et donc que la vie ait un sens, d'autre part la lucidité qui déconstruit les illusions successives en quoi l'espérance s'enlise [...]. Espérance et lucidité, c'est le titre que j'aurais pu donner à ce livre [...]. Mais j'en ai préféré un autre parce que m'alarme de plus en plus un certain déni que je vois qui se répand aujourd'hui de l'intuition proprement poétique, à cause d'une lucidité mal fondée dont la conséquence est un renoncement désastreux à l'espérance. Et que s'inquiéter ainsi, c'est savoir à quel point Rimbaud, que l'heure présente lit peu, ou mal, est et va rester nécessaire. Lire un grand poète, ce n'est pas avoir à décider qu'il est grand [...], c'est lui demander de nous aider. C'est attendre de sa radicalité qu'elle nous guide, tant soit peu, vers le sérieux dont on est peut-être capable. Je ressens ces approches de Rimbaud, commencées il y a maintenant cinquante ans ou presque, comme surtout une sorte de journal de mon affection pour ce poète.
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Yves Bonnefoy a entretenu une abondante correspondance. Il avait soigneusement gardé et classé les lettres qu'il recevait, ce qui a permis de reconstituer un grand nombre d'échanges. En les lisant, on pénètre dans l'atelier d'Yves Bonnefoy, on y est témoin de son activité inlassable, de sa générosité, de son souci constant de la poésie, ainsi que de la vie littéraire de ces années, qu'il s'agisse de ses projets personnels d'écrivain ou du rôle qu'il joue pour permettre les publications d'autrui.
De nombreuses lettres d'Yves Bonnefoy ont été retrouvées, dans des bibliothèques françaises en France ou à l'étranger (nombre de ses amis étant des écrivains, ils ont déposé leurs archives dans des institutions : Bibliothèque littéraire Jacques Doucet, Imec, bibliothèques d'universités américaines, etc.) ou chez leurs destinataires. Ces destinataires sont extrêmement variés. Ses aînés : André Breton, Gilbert Lely, Pierre Jean Jouve. Ses maîtres :
Gaston Bachelard, Jean Wahl, André Chastel. Ses amis poètes ou peintres, venus du surréalisme :
Pierre Alechinsky et Guy Dotremont, autour de Cobra, Hans Bellmer, George Henein (le surréaliste égyptien ; c'est dans sa revue du Caire, La Part du sable, qu'Yves Bonnefoy publiera « Théâtre de Douve », qui deviendra plus tard Du mouvement et de l'immobilité de Douve), Raoul Ubac. Les amis poètes et écrivains de sa génération : André du Bouchet, Gaëtan Picon, Jacques Dupin, Louis-René des Forêts, puis Paul Celan, qui sont ceux avec qui il créera L'Éphémère, la revue publiée par les éditions Maeght de 1968 à 1972 (un dossier consacré à L'Éphémère rassemble dans le volume des lettres échangées entre les autres membres du Comité de rédaction, qui permettent de mieux comprendre les tensions qui ont abouti à la fin de la revue) ; mais aussi Philippe Jaccottet ou André Frénaud, qui ne faisaient pas partie de L'Éphémère.
Des écrivains, professeurs, critiques, penseurs :
Michel Butor, Claude Vigée, Jean-Pierre Richard ou Henry Corbin. Des traducteurs, qui l'interrogent sur le sens de certains passages. C'est aussi la période où Yves Bonnefoy commence à enseigner aux Etats-Unis, si bien que les lettres comportent des descriptions des villes ou des campus qu'il découvre, et des amitiés qu'il y noue. Dans les débuts de sa vie littéraire, il reçoit après la publication de ses premiers livres des témoignages de sympathie et d'admiration de la part d'écrivains qui n'étaient pas ses proches, tels que Georges Duhamel, Pierre Klossowski, André Pieyre de Mandiargues, ou François-Régis Bastide.
Bien que les lettres d'Yves Bonnefoy soient exemptes de détails intimes, la grande affection qu'il porte à ses amis y transparaît à chaque ligne, souvent mêlée d'humour, ainsi que son talent de conteur (dans les lettres avec Boris de Schloezer, proche de la mort) ; de même, parfois, avec certains correspondants, apparaissent les tensions ou les désaccords qui mèneront à des prises de distance. Ce qui oriente constamment sa manière de voir et de réagir, c'est le désir que le regard poétique, son exigence, ses bienfaits trouvent leur place dans la société.