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Romans & Nouvelles
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La pluie à Rethel
Jean-Claude Pirotte
- Table Ronde
- La Petite Vermillon
- 20 Septembre 2018
- 9782710388685
« Le narrateur écrit qu'il écrit La Pluie à Rethel - que les choses soient bien claires. Il écrit qu'il attend de ne plus attendre, que l'absence est sa seule compagne, qu'il a froid, qu'il a faim, qu'une migraine le torture, que sa jambe le fait atrocement souffrir. Le narrateur n'est pas vraiment un héros, et il passe son temps à maudire ce lyrisme de pacotille sitôt qu'il l'assaille au détour d'une phrase en voulant lui léguer de pré- tendues prétentions littéraires. Pour écrire La Pluie à Rethel, et la mouise incandescente d'une vie perdue, point n'est besoin de littérature ni d'aucun courage.
Ce qu'il faut, plutôt, c'est un bourgogne trop vert, quelques bonnes vieilles gauloises, et une rêveuse er- rance en appellation d'origine contrôlée. Il faut aussi la nuit, et l'aube blême d'un bout de ciel qui hésite entre brouillard et crachin. Tout un univers abandonné au fond d'une province captive des rêves des vieux étés. La mémoire est une mère maquerelle que ses nippes font ressembler à un fantôme. » Extrait de la préface de Jean-Paul Chabrier
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Ce dyptique tendant à l'autobiographie rend compte avant tout d'une écriture de l'errance et du voyage. Au fil des lieux qu'il effleure, des coins de comptoirs qu'il abîme, des villes qu'il traverse, Jean-Claude Pirotte est une sorte de clandestin, un étranger, un vagabond. Il les aime pourtant ces endroits, qu'il écrit et décrit comme des fragments de sa propre personne, s'en imprègne. Toujours fragmentaire, toujours en errance, son écriture se mâtine de poésie et de cavale, se construit par les anecdotes qu'il égraine, ses sensations, ses visions.
« Je m'en vais en promenade avec mon porte-plume, et parfois une feuille de papier. Il y a toujours du papier dans les bistros. Souvent, ce sont de minuscules blocs-notes, mais c'est sans importance. Très vite j'égare les feuillets où j'ai raconté ce que j'ai vu. Je me souviens avec mélancolie d'avoir écrit ceci ou cela, des choses qui ne feront jamais un livre et que le balayeur poussera d'un geste ample avec les feuilles mortes pour en composer un petit tas de mémoire et d'hiver.»
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Ce livre n'a ni commencement ni fin, c'est un voyage en boucle, une errance imaginaire faite de souvenirs, de rêves, de références de lectures, d'évocations d'instants précieux, le jaillissement d'une source, la fraîcheur du vrai, l'intensité d'un regard, l'image d'un fugitif qui, pour échapper aux gendarmes, cherchera refuge, en quête d'un improbable bonheur, sur les flancs du Mont Afrique, à quelques pas de Dijon, non loin des vignes réputées.Les plus belles pages de Pirotte mêlent l'histoire et l'aventure, et nous ouvrent l'espace du rêve.
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« J'aime le vin parce qu'il m'est étrange, parce qu'il m'est familier, parce qu'il est incompréhensible et fabuleux. J'aime le vin parce que je ne peux m'empêcher d'aimer les hommes.
Dans ma cave, il n'y a pas de vin. Il n'y a que d'heureuses espérances. »J.-C. Pirotte Si l'ombre et la mort planent dans ce magnifique récit posthume, on n'y ressent nulle plainte, on est invité à la célébration du paysage et du souvenir chers à l'auteur. -
Au début j'avais réussi à écrire quelques mots dans ma langue, ou plutôt les graver du bout de l'ongle sur un carton minuscule que j'avais trouvé dans le noir en tâtonnant, ils ont dit que j'avais écrit le nom d'Allah et que c'était de l'arabe, mais ils se trompaient, il n'y avait ni le nom d'Allah ni aucun mot d'arabe, c'était le prénom de ma fiancée turque, et d'autres mots griffonnés que j'ai oubliés après qu'ils m'eurent enchaîné les mains et les pieds, la main gauche au pied droit, la droite au pied gauche, et qu'ils m'eurent entouré le cou d'une laisse cloutée au moyen de laquelle ils me traînaient dans une galerie souterraine semée de tessons de bouteilles.
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Voici les traces d'une déambulation secrète, à la fois douloureuse, erratique et lumineuse.
Une vie aventureuse, des amis et des livres, des souvenirs de bonheur et des éclats de peinture. Les bars de Figueras, le taxi d'Antonio, des tentatives avortées d'évasion, les putains charmantes de Barcelone, le monde interlope et banal de l'exil. Bref, ce qui fait l'ordinaire des jours d'un repris de justice habité par la paresse et le souci de la liberté.
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j'ai cru reconnaître la jeune fille rêveuse aux belles épaules qui est entrée dans la taverne ce soir-là.
elle s'est assise à la table du coin, oú je pouvais l'observer, et, lorsque le cabaretier s'est approché d'elle avec le falot, j'ai surpris dans son regard comme un éclat de larmes. elle a penché le visage vers la lumière, et les traits étonnamment purs et doux de la madeleine du maître des demi-figures sont apparus dans un halo tremblant. elle avait maintenant les yeux baissés du portrait, et ses longues paupières à la transparence bleutée.
le menton mince dessinait une ombre sous l'ovale de la joue, et la bouche petite à la lèvre inférieure légèrement gonflée se retroussait un peu dans une esquisse de sourire secret. il y avait jusqu'à la raie médiane de la chevelure, et la boucle folle en forme d'anglaise, et l'élégance du chignon tressé qui dégageait la nuque et la courbe du col, et les épaules si pleines et si vivantes, il y avait tout cela qui faisait de la jeune fille, non la parente du modèle, mais le modèle même, absolument présent, merveilleusement inaccessible et miraculeusement offert.
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Aux Assassins qui nous gouvernent/aux tueurs impunis qui règnent/sur la banque et sur le négoce/aux maîtres sereins de l'atroce/léguons la vengeance des dieux...
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Ni plainte ni complainte dans ce roman cru et nu où l'auteur fait corps avec son personnage pour tenir une chronique où le scalpel de l'humour noir découpe à vif humeurs et tumeurs. Les mots contre les maux. « Les livres sont des analgésiques », écrit Jean-Claude Pirotte. Ils survivront à cette humanité moribonde où le silence et la mort sont siamois. La littérature comme remède. Les ouvrages des écrivains qu'il aime - sa famille élective -font rempart autour de lui. L'écrivain plonge en eux pour revenir à la source, à l'orgueil de finir debout.
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Un assassinat en pleine brasserie et en plein jour, mais personne n'a rien vu, et le mort est un inconnu. Un patriarche étrange, assisté de deux geishas non moins équivoques, au cœur d'un vaste espace de banlieue. Un narrateur adolescent, précoce et tourmenté. Des personnages insolites et une enquête qui piétine. Une investigation à l'objet fuyant qui, pour le jeune homme, prendra la forme d'une quête d'identité, fantasque et obstinée. Tel un vieil alcool dont les vapeurs colorent la vie, la prose de Jean-Claude Pirotte est un enchantement permanent.
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très souvent les poèmes
se réduisent en miettes
ou bien ils s'amincissent
et deviennent roseaux
de temps en temps le vent les plisse
comme une peau de centenaire
ils sont toujours prêts à céder
aux tempêtes qui les dispersent
cette tendance à s'envoler
vous force à les tenir en laisse
mais un instant d'inattention
ils vous traînent au fond des mers
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" Je pense à toutes les femmes que j'ai aimées, à celles aussi que je n'ai pas aimées, Olga, Samantha, toutes ces vies.
Je pense que je vais les quitter, me détruire car que serais-je jamais sans elles ? Je vais rejoindre Claire et Mariuccia, Lise aux longues paupières, la petite serveuse du Moderne, les putains slaves d'Yvan, Lucina, Carla, Perle d'Eau, je vais enfin me confondre avec Ange Vincent, mon double aux gants raccrochés. C'est étonnant, le nombre d'existences que la vie nous propose. Et puis, on ne change pas, on écoute éternellement le même fado fatal et miraculeux.
" J.-C. P. Dans ce roman autobiographique composé sous la forme d'une sonate en trois mouvements, Jean-Claude Pirotte dresse une suite de portraits de jeunes filles aussi vivantes qu'improbables dans des paysages de brumes, de pluies et de collines du Nord.
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Verdi, incarcéré à la prison de Looz-les-Lille, reçoit la visite d'un médecin qui lui dévoile mystère de sa naissance.
De sa mère, qui se laissait aller à la démence en dansant sur la seule musique de Ravel, Verdi se souvient avec une sorte de terreur exquise. Entre le boléro et l'inceste, l'adolescent s'invente un art de la fugue, qui le conduit à la délinquance, au proxénétisme, et sans doute au meurtre, avec un sentiment d'innocence primitive qui tient de la sainteté. Au fond, la schizophrénie est la voie du salut, et le miroir ne conserve que la trace d'un romanesque noir.
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Je ne parlerai qu'à voix basse à mes fantômes familiers et de nos pas dans les allées incertaines du vieux vieux temps nul ne pourra suivre la trace les reflets au bord des étangs de nos misérables carcasses s'évanouissent comme passent les frêles amours les nuées les étincelles de la grâce je ne parlerai qu'à voix basse et le coeur à peine battant à mes ombres dépossédées par le mirage des années incertaines du vieux vieux temps
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Le narrateur, double de Pirotte, en proie aux métastases et à la chimiothérapie, se penche sur son passé.
Celui-ci le rejoint dans un présent où sa mort approche, où d'anciens sentiments de culpabilité le rattrapent. Le jeune homme qu'il fut, entouré de poésie alors qu'il fréquente des voyous et semble leur prêter la main, ne cesse de se reprocher chacune de ses aventures, qui l'ont mené à un mariage obscur, une naissance, et la perte de ce qu'il se croyait en mesure de sauver d'une existence erratique. L'enchevêtrement des événements, dont ses carnets retrouvés font foi, conduit le lecteur à se poser, comme souvent, la question du rachat par la littérature, telle que se la posent l'auteur et le narrateur. La vie est un brouillard.
La magie Pirotte est intacte dans ces pages vibrantes de vie où sourdent des musiques, de Schubert au blues de Billie Holiday. Un roman exceptionnel. À part. Au-dessus de la mêlée littéraire.
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«Je l'ai dit, j'abomine le travail. Aucune activité n'exalte en moi cette certitude des lendemains qui m'afflige et m'étonne chez mes contemporains affairés. Ou chez les calmes au front droit qui ruminent avec componction les nourritures d'un sens commun de prisunic. Oui, j'abhorre le travail. Mais à cet échalas de haine s'accrochent des poussières d'étoiles, qui forment comme une torsade de regrets. Si la vie m'en avait ménagé le loisir, qui sait ? je fusse devenu le tonitruant homme d'action qui plie le monde afin de l'arrondir et déplie l'agenda des jours avec des gestes avisés de repasseuse.»
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Pas le temps de prendre la poussière : portrait insolite de Jean-Claude Pirotte
Jean-Claude Pirotte, Sylvie Doizelet
- La Grange Bateliere
- Les Croisements
- 19 Avril 2024
- 9791097127442
Jean-Claude Pirotte est un écrivain, poète et peintre belge.
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Un peu plus vers la mer
Raymond Ceuppens, Jean-Claude Pirotte
- Les Carnets Du Dessert De Lune
- Sur La Lune
- 23 Avril 2008
- 9782930235790
Ecrivain discret, vivant en marge du sérail, cet amoureux des estuaires, ouvrier radoubleur de péniches, photographe, journaliste, sculpteur aussi, brièvement médiatisé quand il obtint, en 1982, le prix Rossel pour l'Eté Pourri, son troisième (et superbe) roman, Ceuppens pourrait être un personnage de Dhôtel - Escauts et ports contre Meuse et forêts -, comme les personnages de Ceuppens pourraient habiter les livres de Dhôtel. Des êtres instinctifs, solitaires, indifférents à ce qui fait courir le monde, habités par des rêves ou des lubies. Parfois fatalistes et paumés, mais sans désespoir, comme dans cette première nouvelle (L'engagement) où sourd une ambiance à la Tennessee Williams. Ou parfois désespérés par la souffrance du monde, comme dans Le Fardeau, où, là encore, la conscience d'être impuissant à partager cette souffrance partout présente et déclinée en spectacle permanent conduit un homme à sa propre mutilation. Parfois aussi, le texte campe un décor et profile un personnage avec une précision et une sensibilité toujours signifiantes et dispensatrices d'émotions qui se suffisent à elles-mêmes sans que l'auteur cherche nécessairement à " boucler " un récit. © Ghislain Cotton.