Littérature
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Les derniers livres d'Yves Bonnefoy (1923-2016) expriment son désir de transmettre le legs de la poésie par-delà la mort. «Lègue-nous de ne pas mourir désespéré», lit-on dans L'heure présente (2011). Quant à L'Écharpe rouge (2016), c'est un «livre de famille» testamentaire en même temps que l'histoire d'une vocation : «Il se trouve que j'étais apte à me vouer à l'emploi disons poétique de la parole...» La Pléiade fut pour Bonnefoy l'occasion de porter sur son oeuvre un regard ordonnateur. Il choisit le titre du volume, Oeuvres poétiques, sans céder sur son désir de faire figurer au sommaire quelques textes brefs que l'on qualifierait spontanément d'essais. Le plan serait chronologique. Alors que certaines éditions antérieures associaient des livres ou des recueils relevant de temporalités différentes, il a défait ces «recueils de recueils» pour revenir au plus près des dates des éditions originales. Le grand recueil de 1987, par exemple, Récits en rêve, a éclaté, sans que se perde l'expression récits en rêve, qui désigne chez Bonnefoy une inspiration essentielle ; elle apparaît désormais en sous-titre de certains livres. Tous les livres ou recueils poétiques, vers, prose, ou vers et prose, sont présents. Bonnefoy ne se reniait pas ; il a souhaité donner dans les appendices quelques textes rares, bien qu'ils soient désormais loin de lui. Il a voulu aussi que soit présente son oeuvre de traducteur, de Shakespeare à Yeats, de Pétrarque à Leopardi. Enfin il a ouvert à ses éditeurs les portes de son atelier. Ses manuscrits ont pu être consultés. Ils sont utilisés En marge des oeuvres, où l'on trouvera quelques textes et fragments inédits.
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Les planches courbes ; ce qui fut sans lumiere ; de la vie errante
Yves Bonnefoy
- Gallimard
- Poesie Gallimard
- 8 Octobre 2015
- 9782070466559
L'oeuvre poétique d'Yves Bonnefoy, désormais publiée en Poésie/Gallimard, regroupe, sous les intitulés de «Poèmes» et de «L'heure présente», les recueils initiaux et les derniers en date, les livres de la maturité (La Vie errante, Ce qui fut sans lumière et Les Planches courbes) demeurant jusqu'ici en éditions séparées. En rassemblant ces trois titres en un seul volume, c'est tout le parcours d'Yves Bonnefoy qui se trouve ainsi ré-architecturé, révélant ses lignes de force mais aussi ses contrepoints et ses nuances. D'un état du monde «dévasté par le langage», le poète entreprend d'affronter ce désordre extrême à partir de la simplicité des choses afin de modifier le regard qu'on porte sur elles en allant à la rencontre de ce qui, déjà, cherche un affranchissement. Car il y a chez Yves Bonnefoy une ferveur et un courage qui refusent de céder aux modes et à l'avilissement généralisé du langage. Sa parole sait magistralement faire place au sens et au chant qui s'élève. Elle est à la fois affirmée et fragile, inquiète et souveraine.
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Nouvelle édition augmentée d'une postface de l'auteur en 2005
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Nouvelle édition
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L'écharpe rouge ; deux scènes et notes conjointes
Yves Bonnefoy
- Folio
- Folio
- 11 Janvier 2018
- 9782072761485
Lorsque Yves Bonnefoy retrouve un poème d'une centaine de vers libres jamais publié intitulé «L'écharpe rouge», et qui aurait été une «idée de récit», le voilà devant un mystère. Dans le poème sont évoqués des noms de lieux, des événements : mais à quoi font-ils référence ? Le poète part à la recherche de signes, entreprend un voyage au coeur de la mémoire et réveille des souvenirs. Notamment ceux de ses parents, Elie et Hélène, dont il dévoile avec émotion les portraits et l'histoire de leur rencontre. Et comment le regard d'un fils sur ses parents, sur leurs inquiétudes, décide de sa vocation poétique.
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L'heure présente et autres textes
Yves Bonnefoy
- Gallimard
- Poesie Gallimard
- 27 Février 2014
- 9782070456253
Ce nouveau livre d'Yves Bonnefoy en Poésie/Gallimard regroupe ses trois derniers écrits poétiques qui mêlent poèmes, proses et réflexions critiques, la poésie étant ainsi toujours escortée par la poétique qui l'explicite et la légitime.
Dans La Longue Chaîne de l'ancre, Yves Bonnefoy explore le rapport de l'écriture en vers et de l'écriture en prose, le passage entre l'une et l'autre se découvrant dans des régions subconscientes dont le poème est l'écoute, mais nullement passive. Il s'agit en fait d'élargir les bases de la conscience. La longue chaîne de l'ancre se révélant comme celle qui arrime l'esprit humain dans les eaux profondes de l'inconscient, lieu de pensée autant que de vie.
Avec L'Heure présente, proses et poèmes alternent également : les proses pour remuer le sol de la conscience qu'on prend du monde, où restent vives des impressions et des intuitions que la pensée diurne réprime, les poèmes pour tenter d'employer les mots ainsi rénovés et mieux poser les problèmes de l'être, du non-être, du sens et du non-sens, comme ils assaillent notre époque, à «l'heure présente». Poèmes qui sont des questions, mais se laissent pénétrer par des fragments de réponse. Parmi eux le plus important est celui qui donne son titre à l'ensemble, l'auteur y reconnaît ses inquiétudes et ses espérances.
Quant au dernier texte, Le Digamma, il s'interroge sur la disparition du digamma du sein de l'alphabet de la langue grecque, disparition qui ne fut peut-être pas ce qu'un des personnages du récit imagine : la cause de l'inadéquation ultérieure de la chose et de l'intellect dans les sociétés du monde occidental. Mais il est probable qu'elle ait retenu l'attention de l'auteur quand, adolescent, il apprit qu'elle avait eu lieu, et que cela lui faisait penser à d'autres disparitions. Par exemple, dans les réseaux des significations conceptuelles, celle du savoir de la finitude. Une sorte de mauvais pli apparaît alors entre l'existence et sa vêture verbale, une bosse sous la parole qui n'en finit pas de se déplacer sans se résorber dans des mots qui en seront à jamais fiction, en dépit des efforts de ce que notre temps a dénommé l'écriture, sans qu'il y ait là à douter, tout de même, de notre besoin de poésie.
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Quand il entreprit de traduire le théâtre de Shakespeare, Yves Bonnefoy fut soudain en présence, non pas des pièces comme telles, de leur sujet, de leur sens, mais, d'abord, de mots sur une page, de phrases qui s'élançaient dans des vers, d'une voix. Il décida de prêter moins attention aux situations et aux émotions que cette parole faisait entendre qu'aux mots et aux vers qui portaient ces mots, aux frémissements qui secouaient ces pages et en contredisaient même, à des moments, le discours. Quelque chose se jouait là qui n'était pas seulement le devenir d'une action ou les pensées ni le sentiment d'une personne, moins encore de grands aperçus sur la société d'une époque, mais un événement bien plus profond : la poésie à son plus fondamental. D'où la question que pose aujourd'hui Yves Bonnefoy : ne serait-ce pas l'intelligence puis l'adoption du projet de la poésie, en sa visée propre, en sa spécificité, qui caractérisent le mieux Shakespeare, expliquant ses choix, explicitant sa grandeur ? Telle serait la raison de sa durable et considérable importance dans des sociétés et des siècles si autres pourtant que les siens.
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Rue traversière et autres recits en reve
Yves Bonnefoy
- Gallimard
- Poesie Gallimard
- 2 Octobre 1992
- 9782070327188
«Quand j'étais enfant je m'inquiétais beaucoup d'une certaine rue Traversière. Car à une de ses entrées, pas trop loin de notre maison et de l'école, c'était le monde ordinaire, tandis qu'à l'autre, là-bas... Cependant que ce nom troué de feux m'assurait qu'elle était bien le passage. Et je regardais donc de tous mes yeux à droite et à gauche quand nous la prenions, car cela nous arrivait, à des jours, et même pour aller jusqu'au bout, comme si c'eût été une rue quelconque, mais je parvenais là fatigué, un peu endormi, et c'était soudain l'espace bizarre du grand jardin botanique. - Est-ce ici, m'étais-je dit à plusieurs moments, que là-bas commence ?» Yves Bonnefoy.
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L'inachevable
Yves Bonnefoy
- Le Livre De Poche
- Ldp Litterature & Documents
- 11 Avril 2012
- 9782253166665
Ce livre, quelques-uns des entretiens que j'ai eus avec divers interlocuteurs en ces vingt dernières années.
D'une part ceux qui portèrent sur la création artistique - architecture ou peinture - ou des peintres et des poètes ; et d'autre part ceux où j'ai eu à parler de mon propre travail ou de ma vie. Viendront plus tard des réflexions de nature plus générale bien que constamment sur la poésie. Pourquoi ce rassemblement ? Parce que l'imprévu des questions avive et même sert le désir de comprendre de celui qui cherche à répondre, en un « écrit parlé » qu'il veut aussi précis que possible.
Et parce que ce désir va peut-être trouver dans les hypothèses et digressions alors permises des voies qui en valent d'autres vers la sorte de vérité dont cet auteur est capable. Y. B.
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Yves Bonnefoy a entretenu une abondante correspondance. Il avait soigneusement gardé et classé les lettres qu'il recevait, ce qui a permis de reconstituer un grand nombre d'échanges. En les lisant, on pénètre dans l'atelier d'Yves Bonnefoy, on y est témoin de son activité inlassable, de sa générosité, de son souci constant de la poésie, ainsi que de la vie littéraire de ces années, qu'il s'agisse de ses projets personnels d'écrivain ou du rôle qu'il joue pour permettre les publications d'autrui.
De nombreuses lettres d'Yves Bonnefoy ont été retrouvées, dans des bibliothèques françaises en France ou à l'étranger (nombre de ses amis étant des écrivains, ils ont déposé leurs archives dans des institutions : Bibliothèque littéraire Jacques Doucet, Imec, bibliothèques d'universités américaines, etc.) ou chez leurs destinataires. Ces destinataires sont extrêmement variés. Ses aînés : André Breton, Gilbert Lely, Pierre Jean Jouve. Ses maîtres :
Gaston Bachelard, Jean Wahl, André Chastel. Ses amis poètes ou peintres, venus du surréalisme :
Pierre Alechinsky et Guy Dotremont, autour de Cobra, Hans Bellmer, George Henein (le surréaliste égyptien ; c'est dans sa revue du Caire, La Part du sable, qu'Yves Bonnefoy publiera « Théâtre de Douve », qui deviendra plus tard Du mouvement et de l'immobilité de Douve), Raoul Ubac. Les amis poètes et écrivains de sa génération : André du Bouchet, Gaëtan Picon, Jacques Dupin, Louis-René des Forêts, puis Paul Celan, qui sont ceux avec qui il créera L'Éphémère, la revue publiée par les éditions Maeght de 1968 à 1972 (un dossier consacré à L'Éphémère rassemble dans le volume des lettres échangées entre les autres membres du Comité de rédaction, qui permettent de mieux comprendre les tensions qui ont abouti à la fin de la revue) ; mais aussi Philippe Jaccottet ou André Frénaud, qui ne faisaient pas partie de L'Éphémère.
Des écrivains, professeurs, critiques, penseurs :
Michel Butor, Claude Vigée, Jean-Pierre Richard ou Henry Corbin. Des traducteurs, qui l'interrogent sur le sens de certains passages. C'est aussi la période où Yves Bonnefoy commence à enseigner aux Etats-Unis, si bien que les lettres comportent des descriptions des villes ou des campus qu'il découvre, et des amitiés qu'il y noue. Dans les débuts de sa vie littéraire, il reçoit après la publication de ses premiers livres des témoignages de sympathie et d'admiration de la part d'écrivains qui n'étaient pas ses proches, tels que Georges Duhamel, Pierre Klossowski, André Pieyre de Mandiargues, ou François-Régis Bastide.
Bien que les lettres d'Yves Bonnefoy soient exemptes de détails intimes, la grande affection qu'il porte à ses amis y transparaît à chaque ligne, souvent mêlée d'humour, ainsi que son talent de conteur (dans les lettres avec Boris de Schloezer, proche de la mort) ; de même, parfois, avec certains correspondants, apparaissent les tensions ou les désaccords qui mèneront à des prises de distance. Ce qui oriente constamment sa manière de voir et de réagir, c'est le désir que le regard poétique, son exigence, ses bienfaits trouvent leur place dans la société.
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L'inachevé ; entretiens sur la poésie, 2003-2016
Yves Bonnefoy
- Albin Michel
- 3 Mars 2021
- 9782226399229
Au travers de son oeuvre, poèmes ou essais, Yves Bonnefoy s'adressait toujours à autrui. Voyant dans la poésie une « poignée de main », selon le mot de Celan qu'il aimait rappeler, il a donc pratiqué l'entretien comme un genre littéraire de grande dignité. La rencontre, par écrit, avec chacun de ses interlocuteurs fut chaque fois l'occasion d'une recherche commune, lors des entretiens sollicités par des revues tout autant que lors de ceux dont il prenait l'initiative avec tel ou tel de ses amis. Dans ce nouveau volume qui fait suite à Entretiens sur la poésie (1972-1990) et à L'Inachevable, Entretiens sur la poésie (1990-2010) sont réunis treize des entretiens des dernières années et un essai, Ut pictura poesis. Sous l'angle de l'expérience poétique et de la manière dont il la comprend, Bonnefoy mène une réflexion sur les grands aspects de l'exister humain : la musique, le souvenir, les figures parentales, les mathématiques, le désir d'unité, le dialogue, le lieu, la peinture, ou l'usage des mots. Il évoque aussi, en quelques occasions, certaines périodes de sa vie et de sa création : ainsi la solitude de son enfance ou les étapes de son rapport avec la musique et les musiciens.
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Ce poème, si c'est là le mot qui convient, n'était pas un simple début de pensée, s'offrant à la réflexion, mais un texte qui existait comme tel, jusqu'en sa moindre virgule, et auquel je n'avais pas plus le droit de toucher que s'il était l'oeuvre de quelqu'un d'autre. Un texte, la production de je ne savais qui en moi. Et aucun moyen, il fallait bien finir par s'y résigner, pour que des idées conçues à niveau conscient, et venues plus tard, puissent prendre pied dans «L'écharpe rouge». Cette centaine de vers écrits d'un seul élan, en 1964, Yves Bonnefoy y revenait souvent, à travers les années, car ils étaient pour lui une énigme. Par exemple, «L'écharpe rouge» exposait, non sans précision, une «idée de récit». Mais pourquoi celle-ci venait-elle buter sur un événement au-delà duquel rien n'était plus concevable ? Un jour pourtant, dans l'après-coup d'un autre récit, de beaucoup plus tard, «Deux scènes», l'auteur étonné de «L'écharpe rouge» découvrit la clef qui lui permit de comprendre ce qui réclamait l'attention mais aussi se refusait dans ces quelques pages : autrement dit quelles inquiétudes, quelles émotions, quels remords avaient décidé, très en profondeur, de ses années d'enfance, d'adolescence, de jeune adulte. L'écrit d'à présent, autobiographique, découvre dans les strates d'un texte qu'avait dicté l'inconscient comment le regard d'un fils sur ses parents, sur leurs frustrations, leurs silences, décida de sa vocation à la poésie, cette parole qui se veut la réparation du mal que fait à la vie le langage.
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Sous le signe de Baudelaire
Yves Bonnefoy
- Gallimard
- Bibliotheque Des Idees
- 24 Novembre 2011
- 9782070135448
Tout à la fois un hommage à Baudelaire, un dialogue avec lui et une lecture de son oeuvre, ce rassemblement chronologique de quinze essais d'Yves Bonnefoy sur Baudelaire s'échelonne sur plus de cinquante années, au cours desquelles Baudelaire n'a cessé de l'accompagner.
A Baudelaire il doit, écrit-il, "d'avoir pu garder foi en la poésie". Car "aucun, sauf Rimbaud", ne montre aussi fortement que l'espérance "peut survivre aux pires embûches de la conscience de soi. Aucun pour descendre avec tant de modestie exigeante des hauteurs intimidantes de l'intuition poétique, où pourtant il ne cesse de revenir, vers la condition ordinaire", "aucun", enfin, "pour encourager plus efficacement ceux qui croient en la poésie à ne pas décider trop tôt qu'ils sont indignes de son attente".
Ainsi, "les grands poètes sont ceux qui nous aident" "à nous diriger vers nous-mêmes". Et "c'est même cette recherche de soi qu'ils attendent de nous, avec l'offre que nous partagions leurs soucis, leurs espoirs, leurs illusions, et le désir de nous guider, tant soit peu, vers là où nous découvrirons qu'il nous faut aller. Le voeu de la poésie, c'est de rénover l'être au inonde, ce qui demande d'entrée de jeu l'alliance du poète et de ceux qui les lisent sérieusement".
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« La pluie d'été Mais le plus cher mais non Le moins cruel De tous nos souvenirs, la pluie d'été Soudaine, brève.
Nous allions, et c'était Dans un autre monde, Nos bouches s'enivraient De l'odeur de l'herbe.
Terre, L'étoffe de la pluie se plaquait sur toi.
C'était comme le sein Qu'eût rêvé un peintre. » Yves Bonnefoy
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Le siècle de Baudelaire
Yves Bonnefoy
- Seuil
- La Librairie Du Xxie Siecle
- 23 Octobre 2014
- 9782020218627
Le XIXe siècle a vu se produire un des grands événements de l'histoire de l'esprit, la banalisation de l'incroyance. Le plus intense et profond parmi les grands esprits de cette nouvelle époque, Baudelaire, se pose la question de l'existence de Dieu mais doit se résigner à comprendre qu'il ne croit pas. Si bien que surgit une question bien précise qui confère à la poésie une fonction et une importance toutes nouvelles. Faut-il penser à la transcendance seulement en termes de surnature ? Comment s'opère la transformation du rapport de l'humain à la transcendance ? Yves Bonnefoy prête attention aux contradictions dans lesquelles se débat l'auteur des Fleurs du mal : de ce point de vue, le XIXe siècle n'est pas seulement le siècle de Michelet, Marx, Nietzsche ou Freud, mais celui de Baudelaire. Pourquoi Baudelaire ? Car, si "Dieu est mort", la poésie est ce qui seul permet de répondre avec efficacité au besoin de préservation du sentiment de la transcendance. Ce n'est en effet que lorsque le religieux a chancelé qu'il devient possible de discerner le poétique en sa différence, la poésie en son être propre.
Or le génie de Baudelaire aura été d'avoir eu, le premier, cette intuition du plein de la poésie, mais aussi d'avoir su en explorer le possible, l'éprouvant d'emblée comme un travail à porter loin dans la nuit de l'être psychique. La grandeur de Baudelaire, c'est précisément d'avoir compris qu'il fallait que le travail de la poésie ait lieu au coeur même du conceptuel, au plus secret de l'expérience vécue. Le poète a su courageusement ne pas se dérober à une tâche qui ne pouvait que le vouer, entre autres misères, à l'incompréhension de ses proches.
Outre certains aspects de Baudelaire lui-même, ce volume étudie enfin les poètes qui assumèrent de diverses façons, directe ou indirecte, son héritage : notamment Mallarmé, Laforgue, Paul Valéry, Hofmannsthal.
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"La beauté, oui, que j'ai toujours cru reconnaître au coeur des émotions dont témoignent les grandes oeuvres, et que je crois donc une réaction, un sentiment, tout à fait originels dans l'être humain, mais que je vois bien que j'ai encore à comprendre.
La beauté? Je l'ai aimée dans des rêves, mais alors en dénonçant ceux-ci comme du rêve, précisément, d'où suit qu'en eux la beauté n'est peut-être pas la vraie, au mieux son ombre : comme ce fut le cas à travers les siècles dans les incessantes reprises du platonisme en architecture, en sculpture, plus rarement en peinture (...) Mais j'ai perçu aussi la beauté, comme cette fois un paradoxe, dans des oeuvres qui violemment l'ont mise en question, déniée, dénoncée, voire assimilée au mensonge, ainsi au mal: le plus extrême de ce retournement de l'esprit contre ses tentations les plus spontanées étant chez Goya ses "peintures noires", qui ne l'ont pas empêché pourtant de la reconnaître, de l'aimer à nouveau, de la relever, dans des portraits de femmes contemporains de ces oeuvres désespérées.
Rêve, étonnement, déni, reconnaissance d'un fait de conscience qui résiste à tous les dénis (...) Le mot "beauté", je lui attache du sens, une raison d'être. Je sens même, dirais-je, que je lui fais confiance, obstinément, pour un avenir dont je ne veux pas désespérer."
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Deux scènes et notes conjointes
Yves Bonnefoy
- Galilee
- Lignes Fictives
- 10 Septembre 2009
- 9782718607870
En 2008 une société de bibliophiles italiens décida de publier avec des illustrations de Gérard Titus-Carmel un récit, Deux Scènes, que je venais d'achever. Mais quand on en fut à la maquette du livre, il apparut que quatre ou cinq pages de plus seraient souhaitables, pour mieux équilibrer la suite des gravures, et je dis : c'est tout simple, je vais écrire une note pour expliquer pourquoi ce récit se situe « à Turin peut-être où à Gênes ». Gênes étant, par une belle coïncidence, la ville des dirigeants de cette collection, parmi lesquels mon traducteur, un ami, Beppe Manzitti.
J'entrepris donc cette note. Mais elle eut vite non pas cinq pages mais cinquante. En effet, dès que j'eus commencé de lire ce que j'avais écrit les yeux en somme fermés, il me fallut constater que cette histoire de deux balcons en vis-à-vis dans la cour d'un palais génois, avec deux drames pour s'y jouer simultanément, à peine différents l'un de l'autre, traversait et retraversait sans cesse ni fin les moments et les lieux, et les pensées, de ma vie depuis la première enfance, et que s'expliquaient ainsi des poèmes qui m'étaient restés des énigmes ; cependant que s'éclairait mon voeu peut-être le plus profond. Puis-je parler d'un début d'auto-analyse ? Mais tout autant aussi je me suis senti obligé de m'interroger sur certains aspects de la recherche freudienne, avec en esprit un désir d'être qui compterait plus que celui d'avoir.
Y. B.
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Le lieu d'herbes ; le lac au loin
Yves Bonnefoy
- Galilee
- Lignes Fictives
- 9 Septembre 2010
- 9782718608228
Dans un livre ancien, L'Arrière-Pays, Yves Bonnefoy avait évoqué un fantasme, de nature métaphysique, qu'il croit présent dans beaucoup d'imaginations : existerait aux confins de notre monde un pays qui n'en différerait pas par ses aspects simplement terrestres, « là-bas » les mêmes qu'« ici », mais par la façon dont ses habitants seraient établis dans cette réalité : bénéficiant, par essence ou par accident, d'une aptitude à comprendre, à ressentir, disons à être, supérieure à ce qui nous est accessible, dans nos régions.
Mais ce fantasme, qu'on peut apprendre à renoncer, n'est pas le seul à occuper dans l'esprit la frange incertaine entre invisible et visible. Et ces deux nouveaux essais sont pour explorer des situations, dans l'espace mental, où à nos pensées ordinaires se mêlent des images, des impressions, qui ne semblent pas avoir place dans leur expérience du monde, aussi bien passéeque présente. Où est, par exemple, dans la réalité, ce « lieu d'herbes » ? Que signifie ce « lac au loin » qui hante certaines rêveries ? Pourquoi l'auteur de ces pages a-t-il, au vu de quelques images, le sentiment qu'il fut présent, une fois, dans certains lieux d'Arménie qu'il sait bien qu'il n'a jamais visité ?
Qu'est-ce qui trouble nos yeux, en ces occasions où ils se portent pourtant sur l'ici et le maintenant fondamental de nos vies ? Qu'est-ce qui, les troublant, peut aussi en aviver le regard ?
Le Lieu d'herbes, le lac au loin, est suivi de Mes souvenirs d'Arménie.
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Ce livre rassemble les recherches d'Yves Bonnefoy en poésie depuis son dernier recueil Les Planches courbes. Ces recherches tendent à visiter toujours plus le rapport de l'écriture en vers et de l'écriture en prose, le passage entre l'une et l'autre se découvrant dans des régions subconscientes dont le poème est l'écoute, mais nullement passive. Il s'agit en fait d'élargir les bases de la conscience. La longue chaîne de l'ancre, c'est celle qui arrime l'esprit humain dans les eaux profondes de l'inconscient, lieu de pensée autant que de vie.
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« Est-ce qu'il fait froid ?
Je ne sais pas, oui, peut-être. / Est-ce que tu me tiens bien ? / Oui, n'aies crainte. / Ne me lâche pas, j'ai si peur ! / Crois-tu que je veux te lâcher ? / Non, mais où es-tu ? Où sommes-nous ? / Je ne sais pas. Dans le ciel. / Tu es sûr ? Mes pieds s'enfoncent dans l'eau. / C'est l'eau du ciel. / J'entends des voix, des cris. » / La Grande Ourse est un ensemble de poèmes inédit.
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Ce volume contient:L'Inquiétude de ShakespeareBrutus ou le rendez-vous à PhilippesReadiness, Ripeness:Hamlet, Lear«Art et Nature»:l'arrière-plan du Conte d'hiverUne journée dans la vie de ProspéroShakespeare et le poète françaisTransposer ou traduire HamletComment traduire Shakespeare?Traduire en vers ou en proseTraduire les sonnets de ShakespeareLa Poétique de Yeats
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Catalogue de l'exposition (Bibliothèque nationale, 9 octobre - 30 novembre 1992) par Florence de Lussy avec la collaboration d'Yves Bonnefoy