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Rencontres avec des animaux extraordinaires
Andrés Cota Hiriart
- Corti
- Biophilia
- 1 Février 2024
- 9782714313102
Dans Rencontres avec des animaux extraordinaires, Andrés Cota Hiriart raconte ses aventures avec les animaux sauvages et insolites qui l'accompagnent depuis toujours. De ses souvenirs d'enfance où sa passion pour les insectes, les reptiles et les créatures amphibies les plus curieuses a transformé la maison de sa mère en un zoo domestique jusqu'à ses voyages naturalistes aux îles Galápagos, à Bornéo et Guadalupe, il mêle, dans ce récit plein d'humour, souvenirs, anecdotes et observations scientifiques.
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Écrit en 1939 au Mexique où María Zambrano est alors en exil, Philosophie et poésie constitue une entrée idéale dans l'oeuvre de la philosophe espagnole. Dans ce bref volume elle analyse deux versants, non pas antinomiques mais complémentaires, de la pensée depuis les Grecs?: «?Aujourd'hui poésie et pensée nous apparaissent comme deux formes insuffisantes, nous semblent être deux moitiés de l'homme?: le philosophe et le poète. L'homme entier n'est pas dans la philosophie?; la totalité de l'humain n'est pas dans la poésie?».
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Julio CORTAZAR (1914-1984) Crépuscule d'automne (poèmes) Traduit de l'espagnol (Argentine) par Silvia Baron Supervielle Collection Ibériques ISBN 978-2-7143-1027-9 n°édition : 2037 344 pages -22 Euros Parution 6 mai 2010 Je ne sais pas ce qui rend un livre inoubliable mais je sais que, depuis que je découvris Salvo el crepúsculo, dans la première édition mexicaine, je n'ai jamais pu l'oublier. C'était en 1984, année de la mort de Cortázar. Une nouvelle édition est sortie récemment aux éditions Alfaguara, elle inclut de légères retouches faites par l'auteur sur des épreuves retrouvées. Mais il n'a rien supprimé, ni changé, ni désavoué de cet ensemble de textes d'époques diverses de sa vie, choisis et spécialement réunis par ses soins. De quelle manière ce livre est arrivé entre mes mains, je ne saurais le dire. J'en suis tombée amoureuse et ensuite il s'est de lui-même enraciné dans mon souvenir.
Car peu de temps après, je me suis mise sans succès à le chercher sur mes étagères. Depuis lors, à intervalles réguliers, je n'ai pas cessé d'essayer de le retrouver en vain. Il me semblait impossible de l'avoir perdu ou prêté à quelqu'un ; il avait disparu et je ne me consolais pas. Il m'était cher, il enfermait une signification particulière, une musique, une indépendance, une nostalgie qui trouvaient en moi une résonance pleine. Après qu'il eut publié Rayuela (Marelle) en Argentine, Cortázar adressa une lettre à son ami Fredi Guthman, où il dit : "Maintenant les philologues, les rhétoriciens, les versés en classifications et en expertises se déchaîneront, mais nous sommes de l'autre côté, dans ce territoire libre et sauvage et délicat où la poésie est possible et arrive jusqu'à nous comme une flèche d'abeilles....". S. B. S.
Éditions José Corti - 11 rue de Médicis - 60 rue Monsieur le Prince - 75006 Paris - 01 43 26 63 00 - HYPERLINK "mailto:corti@noos.fr" corti@noos.fr - www.jose-corti.fr
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C'est en 1922 que l'Argentin Arturo Cancela (1892-1957) publie Le Coccobacille de Herrlin. Dans son pays alors en proie à des questionnements identitaires et à des tensions sociales, le texte de Cancela détonne. C'est une critique acerbe de la vie politique qui montre l'absurdité des décisions politiques comme des institutions administratives de l'époque.
Les tribulations d'un scientifique suédois recruté de façon ubuesque par l'état argentin pour lutter contre la supposée prolifération de lapins sur le territoire national est un prétexte à une satire appuyée des peurs et des psychoses collectives engendrées par l'apparition d'un fléau inconnu, terreau idéal d'une peur communicative.
Le Coccobacille de Herrlin, publié dans un recueil de textes centré sur le Buenos Aires du début du XXe, connut un franc succès lors de sa parution.
Arturo Cancela, célèbre de son vivant, réputé pour son humour et son pessimisme face à une société à la dérive, est reconnu par ses pairs. L'une de ses nouvelles figure dans l'Anthologie de littérature fantastique de Jorge Luis Borges, Silvina Ocampo et Adolfo Bioy Casares.
Aucun texte de lui n'avait été traduit en France.
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À Cuernavaca, près de Mexico, Eduardo se voit infliger un travail d'in- térêt général original suite à un retrait de permis : faire la lecture à des particuliers. Un jour, il s'aperçoit de la mystification des frères Jiménez, à qui il lit Crime et Châtiment : Luis, invalide, s'exprime à travers Carlos, qui est ventriloque. La famille Vigil, présentée comme sourde et qui lit L'Île mystérieuse sur ses lèvres, lui a menti elle aussi : si la grand-mère est bien sourde-muette et les parents sourds, le jeune homme découvre que les enfants entendent et peuvent parler, mais se sont adaptés à leur entourage.
Le seul à l'apprécier est le colonel Atarriaga... qui s'endort, bercé par le ton monocorde avec lequel il lit Le Désert des Tartares. Un jour, Eduardo découvre des poèmes d'Isabel Fraire dans un vieux livre de comptes de son père, et s'aperçoit que Celeste, analphabète, est émue par celui qu'il lui lit. Il découvrira avec stupéfaction qu'elle les connaît par coeur. Pourquoi ?
Parallèlement à ses visites, Eduardo est racketté par Güero, un ancien employé du magasin de meubles de son père qu'il a repris, lié aux narcotra- fiquants, car la « ville de l'éternel printemps » où il faisait si bon vivre subit aujourd'hui la loi des cartels.
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Angleterre nous raconte la vie quotidienne d'une troupe de théâtre, celle du Great Will, ses grandeurs et ses misères, ses moments de joie intense et ses phases de découragement. Une multitude de personnages le traversent, de l'excentrique Comte Lord Axel approvisionné en drogue par un Russe incorporé à la troupe mais qui n'a rien de la noblesse d'un Capitaine Fracasse, à Sir Gielgud, le régisseur qui tient la chronique de la troupe. Ils partent jouer aux quatre coins du monde, l'Amérique, les îles, dont celle du Waichai, au sud de la Terre de Feu, où Shakespeare va chercher le nom de son destin.
Mais ce n'est pas là tout l'intérêt de ce roman. Il passe dans Angleterre, le souffle d'une écriture puissante, qui traverse les genres et les époques et mêle avec bonheur les personnages réels tels que Shakespeare, la mécène Lady Ottoline, qui fit partie des proches de Virginia Woolf et de son cercle de Bloomsbury, et fictifs tels que la Comtesse de Broadback qui dédie sa vie à Shakespeare, propriétaire et administratrice de la troupe The Great Will, qu'elle emmène contre vents et marées, au sens propre du terme, aux quatre coins du monde sur le bateau de la Compagnie Almighthy World. Brizuela évite l'écueil du roman historique, car Angleterre est aussi et surtout une fable, en toute liberté.
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Blanca flor et autres contes d espagne
Espinosa Aureli
- Corti
- Merveilleux
- 19 Avril 2003
- 9782714308153
Ce retour aux sources a d'abord pour but de procéder à une étude comparative de la tradition orale des peuples ibéroaméricains. Toutefois, en 1920, date de son voyage, alors que de nombreuses collectes scientifiques ont déjà été établies en Europe au XIXe siècle (les Grimm en Allemagne, Kristensen au Danemark, Arnason en Islande, Afanassiev en Russie, Bladé, Cosquin ou Luzel en France, etc.), Espinosa s'aperçoit vite que tout reste à faire dans le domaine hispanique.
C'est ainsi que cinq mois durant, il parcourt ville et villages d'Espagne où il note à la main des centaines d'histoires. Il choisira de publier deux cent quatre-vingt contes. Son seul critère ? L'authenticité des sources. Toutefois, le critère scientifique, commun à la plupart des collecteurs, ne va pas sans une certaine subjectivité et tous les contes qu'il juge incomplets ou peu esthétiques seront rejetés de même qu'il avouera une prédilection pour le conte La Jeune fille sans bras dont il retient trois variantes et que nous présentons dans le dossier complémentaire.
Dans le présent recueil, première traduction en français, nous avons choisi d'établir l'édition complète des cinquante-neuf « cuentos de encantamiento » à savoir des contes merveilleux proprement dits. La liste typologique de ceux-ci a été établie par Maxime Chevalier et Julio Camarena, auteurs du catalogue des contes d'Espagne.
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Les dernières volontés de Sir Hawkins
Jesús del Campo gómez
- Corti
- Iberiques
- 15 Avril 2005
- 9782714308962
Deuxième roman de Jesús del Campo, Les dernières volontés de Sir Hawkins se présente comme les Mémoires de sir Hawkins, qui, de retour de l'Île au Trésor en possession d'une fortune considérable, décide de rouvrir l'auberge de l'Amiral Benbow, un héritage familial. Après une vie faite de voyages et de dangers, il choisit maintenant ses hôtes en fonction des récits que ceux-ci peuvent lui faire, selon le temps, au coin du feu ou dans le jardin, sous le palmier rapporté d'un lointain voyage par le narrateur. Vont ainsi se succéder un jeune français qui lui apprend sa langue et les échecs, un ancien pirate anglais qui veut apprendre à lire, un jacobite écossais de retour après un long exil au Canada, un militaire prussien qui parcourt l'Europe par amour des voyages, une jeune française qui pressent l'avènement de la révolution dans son pays, un gentilhomme vénitien qui sera assassiné dans le jardin de l'a uberge par des espions de sa République, et enfin deux Espagnols qui comptent sur leur séjour pour apprendre de l'Angleterre le moyen de réformer leur pays. Les parties d'échecs dont sir Hawkins devient très vite un grand amateur font alterner réflexion et discussions sur l'Europe de la fin du dix-huitième siècle, avant les grands bouleversements de la Révolution, en pleine ébullition intellectuelle, artistique et politique.
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Maria Zambrano est l'une des figures les plus importantes de la philosophie espagnole du siècle dernier.
Disciple d'Ortega y Gasset lors de ses études de philosophie à Madrid, elle connaît l'exil de 1939 à 1982, (Amérique du Sud - en particulier à Cuba -, Europe). Un premier volume de ses oeuvres complètes a paru en Espagne en 1971, elle a reçu le " Prix Cervantès " pour l'ensemble de son oeuvre en 1988. Les cinq chapitres qui composent ce livre, inédit en français, sont comme les îles d'un archipel sous-marin beaucoup plus vaste (La vie : rêve éveillé, L'atemporalité, La genèse des rêves, Rêve et réalité, L'absolu des rêves).
Ils constituent le résultat final d'un vaste projet né dans les années cinquante et que, depuis son retour d'exil en 1984, elle poursuivait déjà. L'investigation sur les rêves et le temps, sur la possibilité d'obtenir l'intégration du rêve et de la veille a été l'une des plus ambitieuses et des plus constantes de cette auteur ; cette interrogation détermina aussi la conception de ses livres les plus décisifs.
Les rêves et le temps, sa dernière oeuvre, dévoilent les concepts clés de sa philosophie, de la même manière que sa volonté unitaire complète et éclaire le sens de toute son oeuvre. Pour autant, ce qui sera le dernier livre de Zambrano a été au fur et à mesure de son avancée comme le plan sous-jacent et silencieux ou le compas invisible qui traçait sa méthode propre dans chacun de ses autres livres.
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Dans l'Argentine de la fin du XIXe siècle depuis la pampa jusqu'à la Terre de Feu, Leopoldo Brizuela revient avec sa puissance d'évocation déjà remarquée dans Angleterre, une fable, son précédent roman, à ses deux thèmes de prédilection : l'anéantissement des populations et des cultures indiennes par les Blancs ; les rapports homme-femme au sein de sociétés vouant un culte à la virilité. La nouvelle éponyme, Le plaisir de la captive, relate la chevauchée à travers la pampa d'une jeune fille blanche poursuivie par un chef indien. Tandis qu'elle prend conscience de la montée du désir en elle, Rosario semble peu à peu, par une appropriation de la stratégie de l'Indien, renverser les rôles et imposer de nouvelles règles à la poursuite, qu'elle convertit en une sorte de cérémonie érotique et d'épreuve initiatique, long prélude à l'étreinte finale, dont le lieu et le moment seront choisis par la « captive ». Le Petit Pied de Pierre raconte, à partir de trente-huit témoignages qui sont autant de voix différentes et parfois divergentes, la biographie fictive d'un personnage réel : Ceferino Namuncurá, fils et petit-fils de caciques qui tinrent longtemps en échec l'armée argentine, l'un des derniers survivants de sa tribu, dont, à des fins édifiantes l'Église voulut faire un prêtre, et dont un grand nombre d'Argentins firent un saint. Lune rouge, sous un déguisement ethnologique (et, à l'occasion, burlesque), est une rêverie poétique sur la fonction de gardien du feu chez les Yaghan de la Terre de Feu, peuple de navigateurs et de pêcheurs. Vénéré et donc solitaire, le gardien du feu, véritable chaman androgyne initié aux mystères élémentaires, restait obstinément penché sur la flamme ancestrale. Ne frappent pas seulement dans ces récits la thématique abordée, mais aussi l'écriture et la construction de l'ensemble où chaque motif semble se répondre d'une histoire à l'autre ; où la langue est au service du vaincu, comme elle était aussi naguère, l'instrument du vainqueur.
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Il s'agit là du premier livre de Di Benedetto publié en France en 1976 chez Lettres Nouvelles, alors dirigées par Maurice Nadeau, et traduit du vivant de l'auteur par l'immense traductrice, Laure Guille-Bataillon, que nous reprenons ici.
Diego de Zama, obscur fonctionnaire du roi d'Espagne dans une colonie d'Amérique Latine, passe sa vie à attendre : attendre des nouvelles de sa femme, attendre son traitement toujours en retard, attendre une promotion, des jours meilleurs... Nous sommes à la fin du XVIII e siècle, et, dans ce monde colonial stratifié, Zama occupe une position ambiguë : reçu par le gouverneur, il est cependant presque toujours au bord de la misère.
Le temps passe, rythmé par des aventures amoureuses de plus en plus dérisoires, que seule justifie sa faim sexuelle jamais satisfaite. Devenu soldat mercenaire, il se voit accusé de trahison et condamné à mort.
Ecrit avec le détachement et l'élégance d'un Lope de Vega, ce roman, d'une sensibilité très moderne, cerne un personnage éternel : celui de l'homme latino-américain, sentimental et cruel, courageux et fanfaron, prêt à toutes les folies comme à toutes les lâchetés. Un naïf aussi, jamais vraiment sorti de l'enfance et poursuivant sans fin d'impossibles rêves.
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Voici, pour le lecteur français, la première occasion depuis le dix-septième siècle de se mesurer avec Les Songes et discours de Quevedo.Le Siècle d'or touche à sa fin. Nature inquiète, turbulente, volontiers querelleuse, Quevedo est ce témoin à charge qui peint dans les Songes et discours le tableau d'une société malade. Défilent en une ronde infernale (au sens propre) des pantins gesticulants, grimaçants, vociférants, qui tous incarnent des types sociaux au travers desquels l'auteur dénonce les maux de son époque : l'hypocrisie, le mensonge, la rapacité, la luxure. À la suite du narrateur, lequel, successivement, assiste au jugement dernier, s'entretient avec un démon logé dans un alguazil, parcourt l'enfer, apprend à voir le monde au dedans ou rend visite aux morts, nous découvrons une population d'hommes de loi, de greffiers, d'alguazils, de médecins, d'apothicaires, de tailleurs, de femmes de mauvaise vie, de duègnes, etc. Avec les femmes, la satire se fait particulièrement féroce. Jeunes, vieilles, laides, belles (mais leur beauté est artificieuse), aucune ne trouve grâce aux yeux de Quevedo. L'enfer de Quevedo, comme celui de Dante, est par ailleurs peuplé de figures célèbres. L'auteur s'attarde auprès de quelques-unes d'entre elles - Judas l'Iscariote, Mahomet, Luther - pour les stigmatiser violemment ; l'entretien entre Judas et le narrateur vaut d'être souligné, car il illustre parfaitement ce mélange explosif de grotesque et de sacré qui est une des constantes des Songes et discours.« La grandeur de Quevedo est verbale », a justement dit Borges. Nul ne possède plus que lui la maîtrise de la langue espagnole. Il n'a pas son pareil pour manier l'ellipse, l'anastrophe, l'antithèse, le paradoxe, l'ambiguïté, l'amphibologie, et autres figures de style. Au cultisme de Góngora et de ses sectateurs, partisans d'une langue poétique où l'ornement est recherché pour lui-même, Quevedo oppose le conceptisme qui détourne les mots au service d'un raisonnement rigoureux et d'une pensée subtile, ingénieuse à l'extrême. Borges fait remarquer que la prose de Quevedo bannit l'épanchement sentimental et ne comporte aucun de ces symboles qui s'emparent de l'imaginaire des gens. Assurément Quevedo ne séduit pas en mignardant. Il est rude, ironique, vindicatif ; mais celui qui accepte de lui emboîter le pas cède tôt ou tard à ses sortilèges (nous en parlons en connaissance de cause).
Les traducteurs
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L'Ere imaginaire est un roman peuplé d'adolescents amoureux, tricheurs, indomptables et intensément effrontés.
Seule l'enfance révoltée perçoit et sait que le monde imaginaire est le seul possible. Les adolescents de René Vazquez Diaz - l'aventurier Repelo, l'insondable Nicotiano, l'orgueilleuse Violita et sa poupée sans bras - incarnent ce qui vient à la conscience quand l'enfance inéluctablement s'éloigne : la mystérieuse dualité du quotidien, l'usage e a langue comme un bel exorcisme qui ne résout rien, les claudications du monde des adultes, la découverte effrénée du sexe.
L'humour, la parodie, le détail historique précis, l'allégresse communicative de l'histoire - propres à ce livre énigmatique - nous convainquent que dans toute réalité, toute idéologie, toute affirmation, demeure intangible le sourire éternel de l'enfant. Les personnages, enracinés dans le contexte de la révolution cubaine, sont aussi baignés par la nature si propre à cette île, fécondés par les symboles, les théogonies : destins indéchiffrables et formules occultes qui s'entrecroisent dans une atmosphère conditionnée par l'imaginaire.
" L'imagination - constatait Lezama Lima - est le moteur secret de l'histoire. " Gentils ou cruels, antipathiques ou profonds, ces adolescents sont attachés aux illusions démesurées et aux amours insensées qui se gravent dans leur mémoire tel un noble accès de folie.
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Un directeur d'agence de presse - le Chef - soumet à l'examen d'un de ses collaborateurs trois photos de suicidés ; sur deux d'entre elles les yeux expriment l'épouvante tandis que la bouche paraît s'être figée en une grimace de sombre jouissance.
L'histoire racontée par l'écrivain argentin Di Benedetto part de là, de ces deux photos insolites dont le Chef charge le journaliste d'élucider le mystère, lui confiant en outre la mission de dénicher d'autres cas de suicide en vue de constituer une série susceptible d'être vendue à des journaux et revues.
Le journaliste (par ailleurs, protagoniste et narrateur-sans-nom du présent roman) a les qualités requises pour entreprendre pareille tâche. Il appartient à une famille dans laquelle le nombre de suicidés excède la dizaine. Le suicide est donc un thème qu'il connaît et qui le hante - hantise qu'il dorlote un tantinet.
Le narrateur ne travaille pas en solitaire. Voici quelques-unes des personnes qui l'assistent :
- Julia, sa maîtresse, institutrice de son état.
- Bibi, la bibliothécaire de l'agence de presse. Sa fièvre de collecter et cataloguer lui a valu le surnom de Fichier. De son propre mouvement, elle enquête sur le suicide selon l'époque, la culture, la religion... Mais pourquoi tant de paradoxale vitalité et d'enthousiasme dans l'étude de la mort volontaire ?
- Marcela, photographe de l'agence de presse, l'associée (imposée par le Chef) du narrateur dans cette exploration du monde des suicidés. Marcela, silencieuse, discrète, distante et lucide est une énigme que son partenaire est impuissant à déchiffrer.
Il suffit, pour en savoir plus, d'emboîter le pas à ces personnages et de se laisser conduire. On ne devrait pas avoir motif de le regretter car Di Benedetto est au sommet de son art. Son écriture est plus laconique et incisive que jamais. Écriture virtuose, elle mêle étroitement et audacieusement narration, dialogues directs et indirects et use de plusieurs registres : soutenu, familier, mélancolique, dramatique. Quant à l'ironie et à la causticité coutumières à l'auteur, elles s'exercent surtout aux dépens du narrateur-sans-nom. D'un égocentrisme sans faille, pataugeant dans une psychologie solipsiste, celui-ci est par essence un tricheur. Il triche avec lui-même et triche avec les autres.
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" "Être dans le bruit".
Telle est la consigne, [...] "Le monde sera bruit ou ne sera pas" ", dénonce le narrateur-sans-nom, le silenciaire du roman. Du bruit, il dit encore qu'il asservit, qu'il corrompt l'être, qu'il est un instrument-de-non-laisser-être. Entre un monde voué au bruit et le protagoniste, le conflit est donc irréductible. Fuyant les bruits de la ville qui le persécutent jusque dans sa chambre, le narrateur-sans nom entraîne sa mère et son épouse dans la vaine et interminable quête d'un lieu inaccessible au son.
Il a beau affirmer qu'à l'inverse de son grotesque et tragique ami Besarión il tient en bride aspirations et imaginations, qu'il s'acquitte des devoirs du foyer et du bureau, peu à peu les noeuds qui rattachent au quotidien se défont. Le champ de sa conscience tend à se rétrécir jusqu'à ne plus laisser entrer - paradoxalement - que ce dont il a une crainte obsessionnelle, à savoir les bruits. Enfermée dans une perception monomaniaque de la réalité, s'égarant dans des ratiocinations compulsives, sa raison s'altère et chancelle.
Cependant, pour malade qu'elle soit, la conscience du narrateur-sans-nom reste une conscience rebelle aux prises - et en prise - avec le monde. Pour évoquer la longue chute de son triste héros, Benedetto bannit les artifices rhétoriques et les discours explicatifs ; il use d'une langue sobre, ne s'attachant qu'à l'essentiel, et d'une efficacité étonnante. Son écriture laconique, mordante, incisive, et qui ignore superbement les transitions de la narration traditionnelle, est par ailleurs d'une étonnante souplesse.
Car la sobriété du style n'est point chétivité ; celui-ci est au contraire riche de nuances et se plie à toutes sortes de registres : familier, soutenu, descriptif, réflexif, voire, lyrique.
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Depuis les années 50 jusqu'à son suicide, en 1972, Alejandra Pizarnik n'a eu de cesse de se forger une voix propre. Conjointement à ses écrits en prose et à ses poèmes, le journal intime qu'elle tient de 1954 à 1972 participe de cette quête. Une voix creuse, se creuse, avant de disparaître : « Ne pas oublier de se suicider. Ou trouver au moins une manière de se défaire du je, une manière de ne pas souffrir. De ne pas sentir. De ne pas sentir surtout » note-t-elle le 30 novembre 1962.
Le journal d'Alejandra Pizarnik se présente comme une chronique des jours hybride, qui offre à son auteur une sorte de laboratoire poétique, un lieu où s'exprime une multiplicité de « je », à travers un jeu spéculaire. Au fil des remarques d'A. Pizarnik sur sa création, sur ses lectures, de ses observations au prisme des journaux d'autres écrivains (Woolf, Mansfield, Kafka, Pavese, Green, etc.), une réflexion métalittéraire s'élabore, lui permettant un examen de ses propres mécanismes et procédés d'écriture.
Le journal est aussi pour A. Pizarnik une manière de pallier sa solitude et ses angoisses : il a indéniablement une fonction thérapeutique. « Écrire c'est donner un sens à la souffrance » note-t-elle en 1971. A. Pizarnik utilise ainsi ses cahiers comme procédé analytique, refuge contre la stérilité poétique, laboratoire des perceptions, catalyseur des désirs ou exutoire à ses obsessions. Les Journaux sont toutefois moins une confession ou un récit de soi qu'un ancrage mémoriel, une matière d'essayer de se rattacher au réel par des détails infimes et de se rappeler qui l'on est.
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Avec Un amour qui s'étiole, René Vazquez Diaz achève superbement sa trilogie consacrée à Cuba, et confirme sa capacité à créer des personnages et des situations inoubliables.
Des femmes rebelles, indomptables, délicieuses. Des chats étranges descendant tout droit d'une lignée humaine. Des homosexuels libertaires défendant leur propre espace. Des déments qui portent en eux l'imaginaire de la mémoire collective cubaine. Le jeune héros de ce roman est un individualiste forcené, dangereux, affairé et fourbe... Mais il est aussi douloureusement lucide, vulnérable et sensuel jusqu'à la délicatesse.
Sa recherche est celle du désespéré qui veut trouver une image qui rende impossible l'oubli ; son image est celle de celui qui doute de tout, y compris de ses propres qualités. Oracio n'accepte pas les vérités absolues ni les mensonges relatifs. Son malheur est de vouloir tuer son père et d'aimer toutes les femmes. En un mot, il est fou. Mais dans sa belle folie palpitent les rêves, la nostalgie, l'extravagance, les frustrations et le charme du malheureux mais admirable peuple cubain.
Avec une langue imaginative et raffinée, mais à la fois violente et osée, Vazquez Diaz tisse définitivement les fils littéraires de L'ère imaginaire et de L'île du Cundeamor, et nous entraîne dans un labyrinthe d'intrigues mystérieuses qui dissimulent toujours le double sens - et le dénouement inattendu - des images d'une portée universelle : les contradictions entre l'individu et la collectivité, la fugacité de toute entreprise humaine, l'angoisse d'être ce que l'on est et pas autre chose, le courant inexorable de l'Histoire entraînant les peuples, et, le marquant totalement de son empreinte de jouissance et de douleur, les possibilités (ou l'impossibilité) de l'amour.
On a écrit que René Vazquez Diaz est " un loup solitaire, réfugié dans le nord de l'Europe ". Ce roman est un bel exorcisme à l'encontre même du concept de solitude.
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Ce livre est semblable à une île cernée par la nostalgie.
Dans ces cinq récits unis par leur tension interne et leur trame argumentative, " le gamin amoureux " de ces pages est un authentique raconteur d'histoires tendres, violentes et déconcertantes. il est aussi, parfois, un protagoniste ou un mystérieux personnage sans nom. qui est restituto, ce gamin qui tout jeune pratique la vivisection sur nombre d'animaux et devient un chirurgien dévoué sur les champs de bataille angolais, mais qui perd le combat le plus dangereux de sa vie contre (et en même temps pour) une femme qui l'aime sans qu'il le mérite ? dans la saxophoniste le gamin narrateur perd à jamais sa première fiancée qui s'en va à miami.
Ses lèvres sont pour lui une île avec ses deltas, ses dunes, ses criques et ses coraux. cette bouche émigrée a emporté avec elle la transparence du littoral de l'île de cuba. que se passera-t-il lorsque ces lèvres regrettées se mettront à parler anglais de l'autre côté du détroit de floride ? qui est l'évanescente et passionnée exilia et qui est le jeune étranger qui retourne à cuba sur les traces de son père ? quelle relation souterraine conserve ce père mort dans un lointain et froid pays avec le " gamin amoureux " et avec la vie de rené vazquez diaz ? que signifie le côté d'ici et le côté de là-bas, sinon la lente décomposition de la conscience au fur et à mesure que s'égarent l'authenticité et les rêves ? exilia est peut-être le pouvoir ensorcelant de la rupture et de la nostalgie, une image des heurts de l'histoire et de l'amour telle une hallucination qui assaillit l'homme de toutes parts.
Exilia est l'altération que le temps et l'imagination imposent à ce que nous nommons " réalité ": pourquoi notre vie et notre moi coïncident-ils si rarement ? rené vazquez diaz nous avait habitué à de longs romans foisonnants, exilia prouve qu'il excelle dans la forme courte.
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Fabio MORABITO Emilio, les blagues et la mort Traduit de l'espagnol (Mexique) par Marianne Millon Collection Ibériques ISBN 978-2-7143-1038-5 212 pages -20 Euros Parution 7 octobre 2010 Mexico, de nos jours. Un adolescent de douze ans, dont le père a quitté le domicile familial, souffre d'hypermnésie et se rend chaque jour au cimetière car il a décidé d'apprendre tous les noms inscrits sur les tombes jusqu'à ce qu'il trouve le sien. Il pense être ainsi protégé de la mort.
Muni d'une sorte de baguette de sourcier à détecter les histoires drôles, Emilio rencontre au cimetière des adultes, plus ou moins recommandables : Adolfo, le gardien qui cherche à embrasser les jolies visiteuses et modifie les dates sur les tombes les moins fleuries pour tenter de faire adopter les morts délaissés par les vivants ; Severino, un maçon inquiétant et, surtout, Euridice, une masseuse quadragénaire, qui vient fleurir chaque jour la tombe de Roberto, son fils récemment disparu à l'âge d'Emilio.
Il s'agit ici du premier roman écrit par Morabito, publié en 2009 chez Tusquets, dont nous avions déjà édité, en 2009, un recueil de nouvelles, Les Mots Croisés (Prix Antonin Artaud). En orfèvre, il allie cruauté des sentiments, humour (qui surgit des situations les plus inattendues), poétique du quotidien. La forme romanesque lui permet enfin de développer pleinement l'intrigue et de donner chair et épaisseur aux personnages, tous attachants, inquiétants, intrigants. Comme l'avait souligné Gilles Heuré, dans Télérama, parlant de son précédent livre, nous sommes parfois proches de l'univers d'un Luis Bunuel.
Chez José Corti : Les mots croisés, 2009.
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