Littérature
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«Même les culs-reptiles étaient de la partie, ces oisifs qui ne voulaient rien foutre au pays, des fainéants qui passaient la journée à même le sol, sur des nattes, à jouer aux dames ou au rami. Immobiles tels des montagnes, ils ruminaient la noix de cola, sirotant à longueur de journée des litres de thé accompagnés de pain sec. Ils ne bougeaient leurs fesses qu'en fonction de la rotation du soleil, disputant l'ombre aux chiens et aux margouillats.»Or, Bourma Kabo, las de faire partie de cette communauté nationale de la glandouille, accepte de relever un inimaginable défi : représenter son pays de sables - les autorités plus que corrompues le lui imposent - aux jeux Olympiques de Sydney, en 2000. Épreuve de natation, cent mètres.Alors qu'il sait à peine flotter dans un fleuve boueux, il plonge corps et âme dans l'aventure. C'est ainsi que d'Afrique en Australie commence l'extraordinaire odyssée d'un Ulysse candide des temps modernes, avec aussi les magiciennes Circé des médias, et sa tant convoitée Ziréga, nouvelle Pénélope.Ce roman est un sérieux divertissement. Il nous raconte que «le propre de l'homme est de ne pas servir le mensonge», en une impitoyable et malicieuse radiographie d'un pays sahélien et de tout un continent aux peuples bannis de culs-reptiles sous les mirages de l'Occident.
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Au Rwanda, un lycée de jeunes filles perché sur la crête Congo-Nil, à 2 500 mètres d'altitude, près des sources du grand fleuve égyptien. Les familles espèrent que dans ce havre religieusement baptisé Notre-Dame du Nil, isolé, d'accès difficile, loin des tentations de la capitale, leurs filles parviendront vierges au mariage négocié pour elles dans l'intérêt du lignage. Les transgressions menacent au coeur de cette puissante et belle nature où par ailleurs un rigoureux quota « ethnique » limite à 10 % le nombre des élèves tutsi.
Sur le même sommet montagneux, dans une plantation à demi abandonnée, un « vieux Blanc », peintre et anthropologue excentrique, assure que les Tutsi descendent des pharaons noirs de Méroé. Avec passion, il peint à fresques les lycéennes dont les traits rappellent ceux de la déesse Isis et d'insoumises reines de Candace sculptées sur les stèles, au bord du Nil, il y a trois millénaires. Non sans risques pour la jeune vie de l'héroïne, et pour bien d'autres filles Prélude exemplaire au génocide rwandais, le huis clos où doivent vivre ces lycéennes bientôt encerclées par les nervis du pouvoir hutu, les amitiés, les désirs et les haines, les luttes politiques, les complots, les incitations aux meurtres raciaux, les persécutions sournoises puis ouvertes, les rêves et les désillusions, les espoirs de survie, fonctionne comme un microcosme existentiel fascinant de vérité, décrit d'une écriture directe et sans faille.
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Le génocide voilé ; enquête historique
Tidiane N'diaye
- Gallimard
- Continents Noirs
- 17 Janvier 2008
- 9782070119585
«Les Arabes ont razzié l'Afrique subsaharienne pendant treize siècles sans interruption. La plupart des millions d'hommes qu'ils ont déportés ont disparu du fait des traitements inhumains. Cette douloureuse page de l'histoire des peuples noirs n'est apparemment pas définitivement tournée. La traite négrière a commencé lorsque l'émir et général arabe Abdallah ben Saïd a imposé aux Soudanais un bakht (accord), conclu en 652, les obligeant à livrer annuellement des centaines d'esclaves. La majorité de ces hommes était prélevée sur les populations du Darfour. Et ce fut le point de départ d'une énorme ponction humaine qui devait s'arrêter officiellement au début du XX? siècle.»
Grand format 21.90 €Indisponible
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Il n'y a pas d'histoire sans rencontre. Ce sont les rencontres qui amorcent le mouvement de la vie et qui la font avancer.
Ce recueil est composé de trois histoires où chacun des personnages va faire la rencontre de trop, celle qui marque à jamais ou celle qui demande du temps avant de redevenir soi-même. Dans « Le blues du dimanche soir », Henri comprend mais trop tard qu'il est peut-être passé à côté de l'amour de sa vie parce qu'il a eu peur d'aimer une fille de la nuit. Dans « Sois homme et tais-toi ! », Robert, le don Juan lassé de séduire, reprend goût au jeu de la séduction lorsqu'il rencontre Annie mais il ne sait plus jouer quand il se trouve pris au piège de ses sentiments. Dans « Le jour de ma mort », à travers la figure d'une petite fille aux allures innocentes mais au discours trop empreint de maturité, Jean Turkyilmaz en vient à remettre en question tout ce qu'il croyait savoir sur la vie, la mort et l'au-delà.
Ainsi en va-t-il des rencontres qui se révèlent ici comme les vrais carrefours du destin. -
La nuit tu es noire, le jour tu es blanche
Anne Terrier
- Gallimard
- Continents Noirs
- 1 Février 2024
- 9782073052346
Paula est issue d'une grande famille de Blancs créoles, distillateurs d'un rhum réputé dans toute la Caraïbe et installés depuis plusieurs générations sur l'île de Marie-Galante. Lorsque ses parents l'envoient y vivre, en 1929, son grand-père Gaëtan règne en maître sur l'Habitation Saint-Sulpice, coeur de la distillerie, et sur la maison familiale située à bonne distance, en bord de mer. Une existence protégée, à l'abri des difficultés matérielles, des conflits et de la violence ? Il n'en est rien. Car comment vivre lorsque vous êtes imprégnée des préjugés raciaux de votre milieu et que, pourtant, le sang de vos ancêtres indiens coule dans vos veines ? Tel est le dilemme auquel Paula sera confrontée tout au long de sa vie, de la Guadeloupe à la France en passant par la Martinique et le Maroc. Une grand-mère cachée, une mère déshéritée et même le meurtre installeront pour longtemps la honte du métissage au sein de la famille. Cette honte fera de Paula et de ses quatre frères et soeurs des victimes, des rebelles ou des exclus de cette société où, aujourd'hui encore, le métissage n'a pas le même sens pour tous. Une saga familiale qui jette un éclairage cru sur ce que fut la violence du système colonial, véritable machine à broyer les individus quelle que soit la couleur de leur peau.
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Le fruit le plus rare ou la vie d'Edmond Albius
Gaëlle Bélem
- Gallimard
- Continents Noirs
- 24 Août 2023
- 9782073029898
Au XIX? siècle naît à l'île de La Réunion un garçon créole : Edmond. Ses parents aimeraient que leur fils grandisse aux abords des champs de canne à sucre, des rires plein le coeur, l'esprit entièrement libre. Le malheur en décide autrement. D'abord, il fait d'Edmond un esclave. Dans la foulée, un orphelin. Après, un garçonnet analphabète. La vie s'annonce infernale, mais l'enfant a un talent sans pareil : celui de déjouer les pronostics. Recueilli et élevé par un botaniste amoureux d'orchidées, Edmond est un prodige dès qu'il met les pieds dans un jardin. 1841. Âgé de douze ans, vif et rusé comme quatre, Edmond fait l'une des plus extraordinaires découvertes du monde : un nouveau fruit, un nouvel arôme, le plus savoureux, le plus connu, le plus aimé qui soit au XXI? siècle encore ! Le fruit le plus rare raconte les aventures rocambolesques d'Edmond, maillon d'une chaîne qui unit le Mexique, l'Espagne, la France et La Réunion, autour d'un petit fruit pas comme les autres. Et voici donc une histoire vraie, amère, délicieuse et envoûtante.
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J'ai reçu votre charmante lettre.
Il m'aurait plu de m'entretenir avec vous, même un court instant, de l'année du boycott à Montgomery que vous avez joliment appelée notre "odyssée de l'égalité". Hélas, la médecine m'oblige à garder la chambre.
Non, votre question sur ma résistance dans le fameux bus jaune ne m'agace pas. Ce geste ne fut pas prémédité. Je suis simplement restée assise pour tenir debout. Nous avons, Blancs et Noirs, bravé férocité, intimidations, crachats et intempéries au nom de la dignité humaine. Ah! si vous saviez combien les images des chiens aux yeux luisants, aux babines rouge sang, et lancés à nos trousses lors des marches pacifiques ont mis du temps à s'effacer de ma mémoire. Mais le "I have a dream" de Martin Luther King, ponctué de vibrants "Yes sir!" devant le Lincoln Memorial à Washington, résonne encore en moi comme un puissant hymne de fraternité.
J'ai côtoyé des êtres exceptionnels et des gens haineux et stupides! Ils venaient de tous les camps, y compris du nôtre. Dans le texte que je vous envoie, je parle enfin de Douglas White junior, ce Blanc qui voulut s'asseoir à ma place et que l'histoire a ignoré. Il fait partie de ces incroyables personnages que le combat pour les droits civiques m'a aussi permis de découvrir. Lisez-moi, young man, et n'oubliez pas de me répondre, ne n'oubliez pas.
Rosa»
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«Sur le mur, la robe est accrochée comme un tableau de chasse. Elle est belle, sans doute un peu sage mais, qu'importe, c'est le jour d'Anna. Aujourd'hui, 21 avril, je marie ma fille, je laisserai de côté mes pensées de vieille folle, je serai comme elle aime que je sois : digne, bien coiffée, bien maquillée, souriante, prête à des conversations que je suivrai avec un enthousiasme feint et qui ne me laisseront aucun souvenir, parée pour butiner d'invité en invitée, mère parfaite que je serai aujourd'hui. Je me cacherai pour inhaler mes Fumer Tue. Je marie ma fille, aujourd'hui. Cette phrase bondit dans ma tête tandis que je la regarde dormir. J'ai quarante-deux ans et je marie ma fille aujourd'hui. J'ai soudain l'impression d'être sortie de mon corps, de flotter au-dessus d'Anna endormie et de moi-même, de regarder tout cela comme on regarde un film, de me dire que cela ne peut pas m'arriver, pas à moi. J'aurais souhaité être sage le jour du mariage de ma fille...» Pendant la noce d'Anna, sa mère se souvient. De la jeune femme qu'elle a été, si différente de sa fille aujourd'hui, de ses rêves, de ses espoirs, de ses envies ; parce qu'elle en a encore, des envies, cette femme célibataire qui marie sa fille... Pendant la noce, l'enfance d'Anna resurgit avec le souvenir du père, de l'absent, de l'inconnu... Et un autre bonheur pointe son nez dans la nuit.
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Avril 1892, Inde, colonie britannique. Des profondeurs du sous-continent, ils sont poussés vers l'océan. Un exilé volontaire et nostalgique sur les traces de son frère, un paysan meurtri par la misère et la domination des propriétaires terriens, une fascinante veuve au sang royal fuyant le bûcher, un candide joueur de cartes espérant trouver l'eldorado de l'autre côté de «l'Eau noire»... Ils rejoignent une centaine d'autres Indiens entassés dans les cales de l'Atlas pour les vertiges mortels d'une traversée de plusieurs semaines vers une île qu'on leur promet merveilleuse et fertile. Tout bas, on leur raconte que sous les rochers de ce pays mystérieux et clément, sommeille l'or. Ils ne savent pas qu'ils vont remplacer les esclaves des champs et passer de la soute à la soue, entre le bleu du ciel et le vert de la canne à sucre. Juin 1892, île Maurice, colonie britannique. Le drapeau est anglais, mais ce sont les Français, installés ici depuis deux siècles, qui font marcher les affaires. Ce matin-là, ce sont eux qui attendent les Indiens de l'Atlas. Les destinées vont se nouer entre rêves et douleurs, haines et désirs, dans le village de Poudre d'Or aux rochers défiant le ciel et la terre et les songes des hommes. Le journal de bord du médecin ivre, la rencontre des Noirs libérés de l'esclavage et des Indiens déportés resteront des moments inoubliables de ce roman historique fondé sur des faits avérés, tant l'auteur a le don de faire voir et d'émouvoir.
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Un monstre est là, derrière la porte
Gaëlle Bélem
- Gallimard
- Continents Noirs
- 5 Mars 2020
- 9782072855900
«Tout commença un soir de 1981 lorsque dans la ville de Sainte-Marie, au nord de l'île, deux jeunes gens eurent le malheur de se rencontrer. Tandis qu'au-dehors la fête battait son plein, à l'arrière d'un restaurant un cuisinier retirait sa veste et la toque blanche qu'il portait depuis le matin.» Les Dessaintes forment l'une des familles les plus célèbres de La Réunion. Ils sont ambitieux, courageux et un brin fantaisistes. Mais, de l'avis du voisinage, des psychiatres et de la police, ils sont juste cinglés. Tout aussi barjos qu'ils soient, ils mettent au monde une fille. Une petite teigne qui compte bien devenir quelqu'un. C'est cette histoire familiale poignante au coeur de La Réunion des années 1980 qui est ici racontée. La lectrice, le lecteur y trouveront du rythme, un ton vif, décalé, et, surtout, un humour décapant. Ils sont priés d'ouvrir la porte pour voir bondir le monstre. Des surprises, sans nul regret !...
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«Un matin, mon papa a fait apparaître un grand tableau vierge qu'il avait soigneusement caché dans la maison. Il connaît sa maison plus que quiconque au monde, mon papa. Il a donc sorti son tableau avec des pinceaux et des boîtes de peinture. Il s'est installé dans la rue, devant notre maison. Il s'est mis à crayonner, à peindre. Il avait presque les yeux fermés. Les gens qui passaient s'arrêtaient pour le regarder comme on regarde un animal sauvage au zoo, qui tourne en rond dans sa cage en fer, qui rugit en vain sa colère. Même moi qui suis son fils, je ne comprends rien à ce qu'il était en train de dessiner. Il a travaillé toute une journée ainsi. C'est à la nuit tombante que j'ai vu enfin surgir de ses pinceaux un vieux cochon...» On est au Mali, dans un sanglant bouillon d'intolérance, sous la férule des islamistes conduits par le calife Mabu Maba dit Fieffé Ranson Kattar Ibn Ahmad Almorbidonne, et aux prises avec la férocité des gamins imams. Un artiste peintre, par ailleurs ancien condisciple du faux calife, est pris dans les nasses de l'obscurantisme. On détruit sa famille, on détruit son atelier, ses tableaux et ses sculptures partent en fumée. Seule lui reste encore sa tête pleine d'ironie pour tenir tête aux envahisseurs, inoubliable figure de notre époque plombée de fanatismes, père à la fierté frêle et ulcérée, artiste à l'humour ravageur, homme à la dignité désemparée et exemplaire... C'est un enfant qui raconte.
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L'iguifou ; nouvelles rwandaises
Scholastique Mukasonga
- Gallimard
- Continents Noirs
- 5 Janvier 2010
- 9782070127917
L'Iguifou («igifu» selon la graphie rwandaise), c'est le ventre insatiable, la faim, qui tenaille les déplacés tutsi de Nyamata en proie à la famine et conduit Colomba aux portes lumineuses de la mort... Mais à Nyamata, il y a aussi la peur qui accompagne les enfants jusque sur les bancs de l'école et qui, bien loin du Rwanda, s'attache encore aux pas de l'exilée comme une ombre maléfique... Kalisa, lui, conduit ses fantômes de vaches dans les prairies du souvenir et des regrets, là où autrefois les bergers poètes célébraient la gloire des généreux mammifères... Or, en ces temps de malheur, il n'y avait pas de plus grand malheur pour une jeune fille tutsi que d'être belle, c'est sa beauté qui vouera Helena à son tragique destin... Après le génocide, ne reste que la quête du deuil impossible, deuil désiré et refusé, car c'est auprès des morts qu'il faut puiser la force de survivre. L'écriture sereine de Scholastique Mukasonga, empreinte de poésie et d'humour, gravite inlassablement autour de l'indicible, l'astre noir du génocide.
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Alors qu'il ne rêve que de jouer au football, un jeune homme assiste à l'agonie de son père dont il recueille les dernières confidences. Charismatique acteur de la guerre d'indépendance du Pays des Crevettes, autrement dit d'un Cameroun décortiqué jusqu'à sa chair, le père assigne au fils la mission initiatique de régler la dot de sa mère, Magrita, dont il n'a jamais voulu s'acquitter par mépris des coutumes et orgueil culturel. Dans sa quête de la dot, doublée d'une intime enquête involontaire qui bouleverse son existence, le jeune homme découvre les secrets enfouis de son père. Peut-il alors tenir son impossible pari ? Doit-il renoncer à sa promesse, tant le voile qu'il soulève est lourd de révélations, au risque d'être hanté par le remords ? Ou faut-il payer la dette du père et accomplir tous les actes liés à cette matrimoniale entreprise ?... Les multiples rencontres, amis du père, parents éloignés, permettront au narrateur de connaître aussi les tourments et les espoirs de l'Afrique contemporaine jusqu'à ses racines salvatrices ou empoisonnées. En un vif suspense affectif et historique, Eugène Ébodé joue, entre amour, humour et ironie, de l'auto-fiction et lie et délie les existences de ses personnages, au-delà de nos nuits, de leurs ombres et de leurs fantômes.
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Un arc-en-ciel dans les ténèbres
Libar M. Fofana
- Gallimard
- Continents Noirs
- 11 Mai 2023
- 9782073025135
«Les homos m'ont pas soutenu pour les papiers, regretta Lansana, mais ils m'ont pas rejeté non plus. Ils m'ont même traité en ami. La pensée lui vint que ces gens qu'il détestait sans raison n'étaient pas seulement à l'opposé des stéréotypes véhiculés par les bigots et les sermonneurs. Ils étaient aussi, avec Abdel et madame Henriette, les seuls à l'avoir accepté et aidé.» Nous sommes à Marseille, de nos jours. Lansana Camara, jeune Guinéen privé de carte de séjour, sans emploi, exilé, connaît la faim, la solitude, l'errance, l'exclusion pour tout. Son histoire rocambolesque, porteuse de personnages vrais et truculents, déclenche un étonnant comique de situation dans un récit qui tord le cou au désespoir comme à l'intolérance.
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Je n'ai pas assisté à l'enterrement de ma mère. Pendant une interminable année, des assauts de culpabilité m'ont rongé. Il m'a semblé, pour en sortir, qu'un catafalque de papier me permettrait non point d'ensevelir la disparue, mais de reconstituer son existence et de m'apaiser. L'ancienne danseuse qui ne savait ni lire ni écrire s'est alors redressée, telle qu'elle avait toujours été, opiniâtre, énergique et tournée vers un impératif : faire de chacun de ses nombreux enfants un être accompli. En écrivant ce qu'elle a aimé, détesté ou combattu, m'est bien sûr revenu notre secret ; enfant, alité et agonisant dans un hôpital, un vieil inconnu murmura à Mère une formule qui me sauva la vie : «Mbil idou inga kat kara.» Par-delà nos espaces désormais disjoints, Mère intervient toujours. Ce livre en est la preuve. Il redonne voix et corps à celle qui m'invitait à habiller le ciel de prières pour détourner de mon chemin de furieux orages. E. É.
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« Il y avait foule autour de Bouhoussou, ce soir-là. Pas que des jeunes de sa génération, ou des gamins un peu curieux, mais des adultes de la génération juste avant la leur. Les temps changeaient décidément. C'était à qui l'étreindrait le plus fort et le plus longtemps. Ce qu'on appelait un peu abusivement «jouer avec les seins». Mavoungou ne put supporter la scène qui se déroulait sous ses yeux. » Captive du cercle de ses soupirants, captive de la tradition Vili au Congo, la jeune et belle Bouhoussou est soumise aux rites drastiques de l'initiation des filles nubiles. Mavoungou, non moins beau et jeune, est tombé amoureux d'elle. Mais elle est destinée à épouser « l'or des femmes », un homme noble et bien plus âgé qu'elle.
La contestation gronde chez les jeunes. Les femmes devront-elles toujours payer un prix exorbitant pour accéder à « l'or », c'est-à-dire à l'homme ? D'aventures en aventures, au coeur d'une société africaine qui s'ouvre, dans une rare intimité, sous nos yeux, ce roman nous montre, avec la sensualité la plus vive, les carcans bientôt insupportables d'une cruelle tradition que les désirs, par éclairs, détournent.
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«C'est mieux deux pains au chocolat au lieu d'un seul, ou deux glaces par exemple, une au chocolat et une autre à la vanille sans devoir choisir, deux c'est mieux qu'un, okay, mais avoir deux papas, moi c'est pas quelque chose que j'aurais demandé au bon Dieu si je devais demander un truc en double. Par exemple, moi, j'saurai jamais ce que ça fait à Idrissa et à Aminata quand ils vont à l'école et qu'on leur demande s'ils sont de la même famille, qu'ils disent oui et puis qu'à la remise des bulletins, il y a deux mamans qui raboulent et un seul papa. Moi, j'avoue, j'aurais trop honte. Des fois même, j'ai honte pour Idrissa parce que ça se voit que les profs, ils trouvent pas ça normal, ce vieux Noir qu'arrive avec des femmes qui pourraient être ses filles et à qui il fait des enfants qu'ont le même âge. À croire qu'il les conçoit dans des parties à trois. Je vois que ça vous choque un gamin de quatorze ans qui parle de parties à trois mais je connais internet, moi aussi.» Trempée d'humour, de tendresse et d'ironie, voici une extraordinaire tranche de nos vies en blanc et en noir. Et vogue ce fabuleux premier roman !...
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« On ne nous aimait pas, enfermés dans un milieu clos, sans marques d'affection ni la possibilité de fixer des repères. Nous étions dans le même guêpier, égarés dans un tunnel ou une voie sans issue, et à mesure que nous avancions, la neige effaçait les empreintes de nos bottes pour prouver que nous n'existions pas. » Dans chacun de ses romans, Jean-François Samlong ne cesse d'interroger la violence qui secoue La Réunion. Cette fois-ci, dans un style percutant et concis, il nous convie à découvrir l'histoire des enfants de la Creuse. En fait, une véritable tragédie s'est déroulée entre 1962 et 1984, avec l'exil forcé en métropole de plus de deux mille mineurs réunionnais.
Mensonges. Fausses promesses. Trahisons. Harcèlements sexuels. Viols. Tentatives de suicide, et suicides. Séjours en hôpital psychiatrique. Une catastrophe invisible. Puis, le 18 février 2014, l'Assemblée nationale a reconnu enfin la responsabilité morale de l'État français dans la terrifiante transplantation des enfants. Ici, deux jeunes garçons, Tony et Manuel, et leur soeur-courage, Héva qui témoigne, des vies séparées, suspendues, piégées au coeur du froid et du racisme.
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La malédiction de l'indien : mémoires d'une catastrophe
Anne Terrier
- Gallimard
- Continents Noirs
- 2 Septembre 2021
- 9782072953538
«Peu importe ce que j'ai dit. J'ai changé d'avis, lance l'homme en surveillant du coin de l' oeil la colonne de fumée blanche qui s'élève tel un panache au-dessus de la ville. Et ne parlez pas créole, vous savez que je vous l'interdis.»C'est ainsi que le docteur Dancenis avait sauvé sa fille Passion d'une mort certaine.Cent ans plus tard, la petite-fille de Passion s'interroge sur les coïncidences de dates entre l'éruption catastrophique de la montagne Pelée et plusieurs événements douloureux de sa propre histoire. Confrontés avec les archives, les récits familiaux mettent en lumière de multiples failles. Pourquoi a-t-on prétendu que la population aurait pu être évacuée avant l'éruption? Qui était vraiment Passion? Quel lourd secret l'oncle Victorin porte-t-il sur ses épaules? ...L'histoire de la famille Dancenis, rongée par les événements du passé, révèle que l'étendue des dégâts, 28000 morts sous les cendres ardentes et les fleuves de lave, dépasse de loin l'île de la Martinique, et nous plonge dans les pires aspects de l'histoire coloniale de la France.
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Brulant était le regard de Picasso
Eugène Ebodé
- Gallimard
- Continents Noirs
- 14 Janvier 2021
- 9782072914850
À quatre-vingts ans passés, Mado, née d'un père suédois et d'une mère camerounaise, vit à Perpignan et se souvient : de son enfance à Edéa, au Cameroun, sur les bords de Rivière blanche et rouge, avant que n'éclate la deuxième guerre mondiale, ses horreurs et ses bouleversements. Elle revoit son départ inattendu vers la France où l'entraîne une mère adoptive aux nerfs fragiles. Les voici en escale à Témara, au Maroc, ovationnant le général de Gaulle venu stimuler la 2ème DB du général Leclerc en route vers le débarquement en Normandie. Lui revient aussi son escale à Constantine, en Algérie, où la Victoire des Alliés s'achève dans des explosions de joie mais aussi de colère. Arrivée à Perpignan, Mado déplore et le froid et les regards de biais sur une Métisse chagrine qui, longtemps, a cru sa mère biologique morte.
C'est à Céret que Mado deviendra l'amie et l'égérie secrète de plusieurs artistes de renom : Picasso, Matisse, Haviland, Soutine, Chagall, Masson, Dali...
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Un jeune couple de Sud-Africains blanc, Donovan et Mélania Bertens, en voyage de noces à l'Île Maurice, est contraint par un violent cyclone de séjourner à Mayotte. Donovan et son épouse sont stupéfaits, puis choqués d'y découvrir la misère sociale, la prolifération des bidonvilles, les hordes d'enfants abandonnés dans les rues et l'état de délabrement qui règne dans ce territoire français doté d'une nature exceptionnelle et d'un somptueux lagon. Admirateur de Mandela, le jeune Donovan voit dans cette île négligée une Afrique en souffrance et une cause à défendre.
De retour à Cape Town, il convainc son épouse de partir vivre à Mayotte. Ils y retrouvent un guide providentiel, un Mahorais érudit qui leur raconte la légende de son île surgie d'un joyau considéré comme le plus divin des promontoires. Très vite, les nouveaux venus se retrouvent reclus à domicile : l'insécurité, les mouvements sociaux, l'indifférence de Paris et la pression migratoire sur ce territoire hautement inflammable font planer la menace d'affrontements entre communautés. Donovan s'engage et s'implique. Trop ?...
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L'enfant que tu as été marche à côté de toi
Gaston-paul Effa
- Gallimard
- Continents Noirs
- 4 Février 2021
- 9782072920615
«Le temps semblait suspendu. Alors il ferma les yeux, pour les rouvrir presque aussitôt. Mieux valait les garder ouverts, les tireurs ne devaient pas être loin, il ne savait plus. Les ferma à nouveau, il ne pouvait s'en empêcher, les rouvrit, grands, comme le petit garçon dans les bras de sa mère. D'où venait soudain cette joie de vivre, cette déferlante qui les portait, lui et sa mère, incapable de se souvenir pourquoi ils étaient si heureux. Il sourit aux étoiles, ses paupières se refermèrent.» Le 11 décembre 2018, au marché de Noël, la ville de Strasbourg est frappée par un attentat terroriste. Témoin et victime de l'horreur, le narrateur croit sa dernière heure arrivée. Des bribes de son passé l'envahissent alors, chargées d'émotions singulières.Gaston-Paul Effa saisit avec acuité ces moments charnières au cours desquels se joue l'adulte futur. Il dit comment les retrouvailles avec l'enfant que l'on a été permettent de surmonter les blessures de l'existence.Nourri de réminiscences et de rêves d'exil, ce roman de la résilience nous permet de dépasser les frontières tantôt dramatiques, tantôt jubilatoires entre l'enfance et l'âge d'homme.
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« Je suis quelqu'un qui a vu un enfant un jour, un nourrisson qui a disparu. Je suis quelqu'un qui connaît un secret. Probablement que je le sais depuis longtemps, parce que ça ne me détruit pas d'apprendre son existence. Je suis choquée, par contre, que mon père en dise le nom à haute voix : «le fils de l'Autre !» Personne ne l'a jamais fait, nommer l'innommable. » Un secret hante les membres d'une famille éclatée entre la France et le Sénégal. Mais un jour de juin, le silence se rompt. Commence ainsi une quête de vérité où différentes voix se déploient. Celle de Penda, la mère, qui se livre dans un journal intime, et celle d'Estelle, sa fille, au travers de délires cathartiques. Face à elles, Éric, fils de Harkis, entretient le trouble avec ses promesses. A tour de rôle, les personnages démêlent les ficelles du temps et démasquent les injustices historiques qui façonnent nos vies intimes. Dans ce roman polyphonique on traverse alors les beaux quartiers dakarois, où des drames se consomment sans dépasser les haies des villas. On parcourt aussi les cités et les squats parisiens. Pour découvrir que ce qui semble à tous la ruine d'une famille, est en réalité sa rédemption.
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« Le volcan, un instant tranquillisé, s'est à nouveau éveillé. Les oeufs, autour de nous, se sont craquelés. Il en sortait des moineaux et des poules, des vipères et des tortues, des chauves-souris et des agoutis, des solitaires et des anguilles. Ces dernières se sont faufilées vers nous, s'entortillant autour de nous comme si nous étions leurs parents. La vie comme un oeuf, as-tu dit...
J'ai été écartelée. Au-dessus de moi, un bec attendait de percer mon coeur. Mais au moment où il s'abaissait, tu t'es jeté sur moi. Le bec du moineau a traversé ton coeur et le mien... Chien noir, ange noir, baobab ou moineau, bébé balafré à la mèche d'albinos, ou bien autre chose encore. Regard noir dans le ventre du monde. » Postface d'Ananda Devi.