Étrange destin que celui de la trajectoire du livre The Invention of Africa (1988), ici traduit par Laurent Vannini en français. Son auteur Valentin Y. Mudimbe, est reconnu comme l'un des plus fins analystes des sciences sociales, des humanités classiques et modernes et de la philologie ; Mudimbe est aussi un romancier hors pair. Il a pourtant fallu une génération pour traduire son livre dans la langue et les traditions intellectuelles francophones qui l'ont nourri. Mudimbe explore ici, trois territoires épistémologiques, la philologie grecque et latine, les bibliothèques religieuses et l'ethnographie coloniale, pour s'en prendre avec une certaine allégresse aux littératures en quête d'une Afrique « vernaculaire », d'une modernité néo-pharaonique inaugurée par une Égypte ancienne triomphante, remise sur ses pieds africains, qui fit la leçon aux Grecs, pour établir une production intellectuelle décrochée du monde occidental. Le livre continue de faire l'objet de commentaires et de critiques. Il est probablement l'un des ouvrages les plus cités de la littérature africaniste. Sa lecture est obligatoire dans plusieurs disciplines enseignées dans les universités américaines.
En 1954, Cheikh Anta Diop, au terme d'un long et fructueux travail de recherche, opère, avec Nations nègres et Culture, un tournant décisif dans l'historiographie africaine et mondiale : l'Egypte pharaonique, contrée africaine de la Vallée du Nil, appartient, en totalité, des balbutiements prédynastiques jusqu'à la fin des dynasties indigènes, à l'ensemble de l'univers négro-africain.
En 1967, c'est-à-dire treize ans après, le savant africain reprend ses idées essentielles sur les origines de l'humanité actuelle et sur la parenté entre l'Egypte ancienne et l'Afrique noire profonde : l'Antériorité des civilisations nègres était ainsi établie. En 1981, son oeuvre culmine avec Civilisation ou Barbarie, synthèse et prolongement de sa réflexion historique face au devenir de l'humanité.
La réédition, en 1992, d'Antériorité... remet en circulation un ouvrage majeur de la problématique historique africaine. Ouvrage longtemps épuisé, mais constamment demandé, recherché. La leçon est celle-ci. L'égyptologie, pour prendre toute signification en tant que science historique vivante, doit nécessairement renouer avec les civilisations négro-africaines, par-delà le formalisme froid de l'exégèse des textes.
Cette leçon inaugurale de Cheikh Anta Diop est devenue d'ores et déjà le bréviaire de l'égyptologie africaine et afro-américaine. Que l'égyptologie occidentale entende enfin, à son tour, la leçon de Cheikh Anta Diop pour le renouvellement des études égypto-nubiennes.
Ce recueil d'entretiens est conçu comme une série de conversations avec une vingtaine d'activistes, universitaires féministes en majorité d'Afrique et de sa diaspora. Ces dialogues, conçus dans le but de décentrer la production de connaissance sur les féminismes en Afrique dans une perspective décoloniale, portent sur leurs pratiques, philosophies, aspirations, défis et joies féministes. Il en ressort des interviews qui, au fur et à mesure qu'elles se disent, esquissent une mosaïque fascinante de jeunes hommes et de femmes aux profils, âge, genre, orientation sexuelle, classe, nationalité et parcours professionnels certes variés, mais unis parla passion d'une Afrique où règne davantage d'équité et de justice sociale !
« l'ensemble, en terme intellectuels, de l'organisation des forces qui permettront à la société africaine d'assimiler les éléments occidentaux, musulmans et euro-chrétiens présents en Afrique et de les transformer de façon qu'ils s insèrent dans la personnalité africaine ( ) son fondement est le matérialisme .. » Appeler paradoxalement « consciencisme philosophique » une théorie dont le fondement est la matière, et la dialectique le moteur, marquait chez NKRUMAH, le souci de valoriser -contre un certain marxisme réducteur- le rôle des superstructures dans la lutte de libération.
Après le grand débat sur « la philosophie africaine » des années 1960-1970, il était nécessaire de faire le point sur les thématiques et les enjeux qui mobilisent les philosophes africains en ce début de XXIème siècle. Et ce d'autant plus que les enseignements en philosophie dite Africana se sont considérablement développés, dans les universités américaines principalement.
Du 20 au 22 juin 2018, l'Association caribéenne de philosophie (ACP) a tenu pour la première fois sa rencontre annuelle sur le continent africain : « Modes de savoir, passé et présent ». Il s'agissait de la quinzième conférence, Changer la géographie de la raison XV, dirigée par Hady Ba et Oumar Dia, respectivement le chargé de la recherche, des publications et de l'animation scientifique et le Secrétaire général de la Société sénégalaise de philosophie (SOSEPHI) ; Lewis Gordon, co-fondateur et Président de la Commission des Prix de l'ACP et Hanétha Vété-Congolo, Secrétaire de la section francophone et présidente du bureau de recherche sur l'oralité africana de l'ACP. Cette conférence fut à plus d'un titre mémorable.
La présente étude s'efforce de placer dans une perspective historique les rapports qui existent entre les débuts du capitalisme - en l'occurrence, du capitalisme anglais - et la traite des Noirs, l'esclavage noir et l'ensemble du commerce colonial des XVIIe et XVIIIe siècles. Chaque époque récrit l'histoire, mais surtout la nôtre qui, sous la pression des événements, a dû réviser toutes ses conceptions de l'histoire et du développement économique et politique. L'ouvrage cependant n'est pas un essai. Il ne prétend pas avancer des idées ou interpréter des faits. Il n'est rien d'autre qu'une étude économique du rôle joué par l'esclavage noir et la traite des Noirs dans la constitution du capital qui a financé la révolution industrielle et de celui que le capitalisme industriel parvenu à maturité a tenu ensuite dans la destruction de ce même système esclavagiste. Il est, par conséquent, d'abord une analyse de l'histoire économique anglaise et ensuite une étude de l'histoire antillaise et nègre.
Ouvrage écrit en français, anglais, wolof et pulaar.Cet ouvrage, qui regroupe 110 illustrations commentées, témoigne de l'origine africaine de la civilisation égyptienne. L'Égypte est africaine dans son écriture, dans sa culture et dans sa manière de penser (Professeur Vercoutter). Le professeur Leclant reconnaît à l'Égypte Ce caractère africain dans son tempérament et sa manière de penser. Concernant la parenté entre les langues africaines et l'égyptien ancien, le professeur Sauneron souligne L'égyptien ne peut être isolé de son contexte africain et le sémitique ne rend pas compte de sa naissance. La parenté en ancien égyptien et en wolof des pronoms suffixes à la troisième personne du singulier ne peut être un accident (Cheikh Anta Diop).
Cet ouvrage, la toute première enquête du XXIe siècle sur la naissance et l'évolution du mouvement panafricain, est une analyse chronologique très complète retraçant l'histoire des individus et des organisations qui ont prôné l'unité comme base de progrès et d'émancipation du continent africain et de ses diasporas. Il est instructif sur les personnes qui ont façonné et incarné ce mouvement à différentes époques, notamment Henry Sylvester Williams, Marcus Garvey, Edward W. Blyden, George Padmore, W.E.B.Du Bois, Malcolm X, Bob Marley, Kwame Touré (Stokely Carmichael), Aimé Césaire, Kwame Nkrumah, Alioune Diop, Amy Jacques Garvey, Amy Ashwood Garvey, Queen Mother Audley Moore, Funmilayo Ransome-Kuti, Angela Davis, Nkosazana Dlamini-Zuma, Antenor Firmin, Benito Sylvain, Lamine Senghor, Garan Kouyaté, Jeanne et Paulette Nardal, Elsie Duncan, Aidi Bastian et bien d'autres.
Il ne s'agit pas évidemment d'une étude exhaustive de la situation politique et sociale en Afrique Noire. L'Afrique révoltée se veut une brève introduction à la connaissance d'un continent où la misère physique et le déséquilibre moral risquent d'entraîner bientôt une gigantesque lutte révolutionnaire.
Une analyse du système colonial français montre que certains principes demeurent fondamentalement acquis: la suprematie d'un pouvoir central à Paris et les velleites d'assimilation des Africains aux formes politiques et culturelles françaises.
L'enseignement, les services de santé, l'exploitation économique des territoires, toutes ces activités demeurent placées encore aujourd'hui sous l'hypothèque du Pacte colonial (1 medecin pour 35 000 habitants, 90% d'analphabètes). Mais la génération nouvelle n'entend pas glisser sur le terrain de la xénophobie.
Dans un manifeste au Rassemblement démocratique africain, les étudiants noirs en France et à Dakar se sont prononcés...
Dans ce livre, Kwame NKRUMAH dresse un bilan du passé et propose des plans d'avenir pour l'édification et le développement d'une Afrique moderne, capable de jouer pleinement son rôle dans le concert des nations.
Les textes rassemblés sont issus du colloque international Présence Africaine: vers de nouvelles perspectives politiques et culturelles organisé pour marquer les 70 ans de la revue par l'Institut de recherches sur les langues et les cultures d'Asie et d'Afrique (ILCAA, Tokyo). Le colloque a traité de la question de la mémoire et de l'histoire entre l'Afrique, l'Amérique et l'Europe. Le rôle de Présence Africaine dans le réveil des consciences opprimées est largement évoqué, ainsi que l'aliénation, la négritude. Alioune Diop, créateur de la revue a voulu en faire un lieu de débat total, lieu de lutte contre le fascisme, le colonialisme, le racisme.. L'élément qui réunit les contributeurs, quelle que soit leur origine, est la culture. Présence Africaine est un lieu de rencontre, de création, de réflexion
"Au moment où Guillèn affirme sa cubanité, fondée sur son métissage ethnique et culturel, et non de manière purement symbolique, l'histoire de la littérature cubaine prend un tournant décisif. Jusque-là, les rares mulâtres qui, au XIXe siècle, avaient accès à l'instruction, n'avaient pu s'épancher de manière explicite dans leurs oeuvres sur leur condition d'héritiers de l'exploitation coloniale."
« Me demandant comment introduire au mieux une réflexion sur le devenir décolonial, il m'a semblé qu'un témoignage était sans doute la meilleure entrée en matière. Ce que vivent les gens, ce qu'ils portent en eux mais aussi entre eux, quoique souvent imperceptible, n'est pas toutefois inaccessible. Les troubles coloniaux, les issues postcoloniales, les devenirs décoloniaux ne sont pas seulement des événements historiques, des phénomènes politiques. Ils sont, également, des perturbations ou des améliorations de la communication, en soi et entre soi. » Seloua Luste Boulbina introduit ainsi son texte qu'Achille Mbembe commente de la façon suivante dans la préface qu'il en donne : « L'histoire, la langue et la colonie sont, dans ce texte sobre et incisif, mis en relation avec l'architecture (intérieure), la politique (interne), l'espace sexué et le genre dévoilé. Seloua Luste Boulbina se démarque de toute une tradition de la critique aussi bien anglo-saxonne que francophone (...) Elle inscrit son effort théorique et méthodologique dans la logique de la vieille injonction de se connaître soi-même, qui implique la reconnaissance de l'émergence du sujet comme expérience d'émergence à la parole et au langage, et par ricochet à la voix. (...) Plus qu'une doctrine, c'est donc une démarche qui est proposée. Cette démarche fait une large place à l'indétermination, à l'instabilité, à l'hésitation et au mouvement. Mais elle postule également que la postcolonie est, avant tout, un "entre mondes", une relation non seulement externe et objective, mais aussi interne et subjective. »
Partant de ce fait que la philosophie africaine connaît aujourd'hui un important développement et fait l'objet de nombreuses publications, l'auteur examine le champ de questions et l'espace de débat que constitue l'activité philosophique en Afrique pour présenter ici à la fois un « précis » de cette activité et un exposé de ses propres réflexions sur les thèmes les plus importants autour desquels elle s'organise . L'on peut considérer en effet, constate-t-il, que pour l'essentiel quatre grandes questions constituent les enjeux majeurs de la réflexion philosophique africaine : premièrement celle de l'ontologie en relation avec les religions et l'esthétique, deuxièmement celle du temps - plus particulièrement de l'avenir et de la prospective -, troisièmement celle de l'oralité et des implications de sa transcription/traduction, quatrièmement enfin celle, politique, des socialismes. Ces grandes questions posent aussi celle, fondamentale, et qui les traverse, des langues et de la traduction.
Voici aujourd'hui un livre important, tout simplement. Il a marqué le commencement de la philosophie africaine comme une discipline académique à présent enseignée dans les meilleurs départements de philosophie des universités, c'est-à-dire ceux où l'on a souci de mettre en question l'idée reçue de la philosophie comme l'histoire d'un esprit singulier, unique, et dont la géographie se confondrait tout naturellement avec celle de l'Europe, grecque, latine, chrétienne, moderne et finalement contemporaine. De la philosophie africaine et de ses modes propres d'existence le présent livre a posé la question, au sortir de la seconde guerre mondiale, quand les décolonisations s'annonçaient dans les craquements d'un impérialisme qui ne pouvait désormais plus être assuré de lui-même.
Yves Person, né en 1925, historien, professeur à l'Université Paris I, Panthéon-Sorbonne, est décédé brutalement en 1982, laissant une oeuvre de première importance. Artisan résolu d'une « histoire africaine de l'Afrique », selon l'expression de Georges Balandier, il s'y est engagé en donnant la parole aux acteurs de l'histoire, dans leur contexte social et leur culture. Il rompait ainsi avec l'historiographie coloniale, marquée par l'idéologie de l'Etat-nation coupé des peuples. Son oeuvre majeure, Samori, une révolution dyula, (1968, 1970, 1975), en a été l'expression internationalement reconnue. De nombreux écrits, articles de revues, actes de colloques, dont l'accès est souvent malaisé, ont éclairé bien au-delà son apport scientifique et ses engagements militants. À la suite d'un colloque international consacré à son oeuvre, tenu à Paris en juin 2013, Présence Africaine, invitant à « Relire Yves Person », présente une sélection de textes importants rassemblés par un groupe éditorial scientifique, qui rejoint au plus vif les problèmes du présent, à l'heure où se cherchent de nouveaux équilibres entre les identités sociales et culturelles et la solidarité mondiale.