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«?L'accouplement est un cérémonial - s'il ne l'est pas c'est un travail de chien.?».
Au début des années soixante, un jeune homme est nommé instituteur dans un village du Périgord, le pays des grottes préhistoriques, entre Les Eyzies et Montignac.
Dense, tendu, plein de fulgurances et d'emportements le roman fait de cette terre l'espace à vif d'une quête amoureuse. Yvonne, la belle buraliste, porte en elle la brûlure du désir, tout le mystère de la différence des sexes - l'origine du monde. -
Paris 1931, l'Exposition Coloniale. Quelques jours avant l'inauguration officielle, empoisonnés ou victimes d'une nourriture inadaptée, tous les crocodiles du marigot meurent d'un coup.
Une solution est négociée par les organisateurs afin de remédier à la catastrophe. Le cirque Höffner de Francfort-sur-le-Main, qui souhaite renouveler l'intérêt du public allemand, veut bien prêter les siens, mais en échange d'autant de Canaques. Qu'à cela ne tienne !
Les « cannibales » seront expédiés.
Inspiré par ce fait authentique, le récit déroule l'intrigue sur fond du Paris des années trente - ses mentalités, l'univers étrange de l'Exposition - tout en mettant en perspective les révoltes qui devaient avoir lieu un demi-siècle plus tard en Nouvelle-Calédonie.
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Naviguant vers les îles Éparses du canal du Mozambique, je fais deux voyages en un seul. L'un me mène vers l'éblouissement d'une nature presque vierge : poissons aux couleurs et dessins extravagants, tortues marines, crustacés chamarrés et biscornus, grands papillons migrateurs, vols stridents de milliers d'oiseaux... profusion inouïe, fantasmagorie de formes baignées dans les « bleuités, délires » qu'évoque le poème le plus connu de Rimbaud. Intérieur et ironique, moins exaltant, l'autre voyage est presque le contraire du premier : passager insolite à bord d'un bateau dont les marins ont l'âge parfois d'être mes petits-enfants, ce n'est pas seulement vers les îles que je navigue, mais vers l'état fragile et un peu ridicule de vieux. Habitué à mon apparence, je ne me suis pas vu me transformer en cet être de papier mâché en qui les autres identifient immédiatement un semi-vivant. L'océan Indien sera pour moi la mer de la Sénilité... Parfois cela m'amuse, pas toujours - j'espère en tout cas en faire sourire le lecteur.
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Les voilà, encore une fois : Billaud, Carnot, Prieur, Prieur, Couthon, Robespierre, Collot, Barère, Lindet, Saint-Just, Saint-André.
Nous connaissons tous le célèbre tableau des Onze où est représenté le Comité de salut public qui, en 1794, instaura le gouvernement révolutionnaire de l'an II et la politique dite de Terreur.
Mais qui fut le commanditaire de cette oeuvre ?
À quelles conditions et à quelles fins fut-elle peinte par François-Élie Corentin, le Tiepolo de la Terreur ?
Mêlant fiction et histoire, Michon fait apparaître avec la puissance d'évocation qu'on lui connaît, les personnages de cette « cène révolutionnaire », selon l'expression de Michelet qui, à son tour, devient ici l'un des protagonistes du drame.
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" je voudrais faire des portraits qui un siècle plus tard aux gens d'alors apparussent comme des apparitions " écrivait van gogh il y a justement un siècle.
Ces portraits, on peut douter qu'ils apparaissent aujourd'hui : comble de la valeur marchande, ils sont aussi peu visibles que les effigies des billets de banque. c'est que van gogh, qui accessoirement était peintre aussi, est une affaire en or. dans cette affaire, il est bien au-delà de son oeuvre maintenant, nulle part. j'ai voulu le voir en deçà de l'oeuvre ; par les yeux de quelqu'un qui ignore ce qu'est une oeuvre, si ce phénomène était encore possible à la fin du siècle dernier ; quelqu'un qui vivait dans un temps et dans un milieu où la mode n'était pas encore que tout le monde comprît la bonne peinture : ce facteur roulin qui fut l'ami d'un hollandais pauvre, peintre accessoirement, en arles en 1888.
Et bien sûr je n'y suis pas parvenu. le mythe est beaucoup plus fort, il absorbe toute tentative de s'en distraire, l'attire dans son orbite et s'en nourrit, ajoutant quelques sous au capital de cette affaire en or, sempiternellement. cet échec est peut-être réconfortant : il me permet de penser que le facteur roulin se tient nécessairement devant qui l'évoque à la façon d'une apparition, comme le voulait celui qui le fit exister.
P. m.
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En 2012, Thésée quitte « la ville de l'Ouest » et part vers une vie nouvelle pour fuir le souvenir des siens. Il emporte trois cartons d'archives, laisse tout en vrac et s'embarque dans le dernier train de nuit vers l'est avec ses enfants. Il va, croit-il, vers la lumière, vers une réinvention. Mais très vite, le passé le rattrape. Thésée s'obstine. Il refuse, en moderne, l'enquête à laquelle son corps le contraint, jusqu'à finalement rouvrir « les fenêtres du temps »...
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Le matin des origines
Pierre Bergounioux
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- Littérature Française
- 13 Novembre 1992
- 9782864321330
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Marcher droit, tourner en rond
Emmanuel Venet
- Verdier
- Litterature Francaise
- 18 Août 2016
- 9782864328780
Atteint du syndrome d'Asperger, l'homme qui se livre ici aime la vérité, la transparence, le scrabble, la logique, les catastrophes aériennes et Sophie Sylvestre, une camarade de lycée jamais revue depuis trente ans. Farouche ennemi des compromis dont s'accommode la socialité ordinaire, il souffre, aux funérailles de sa grandmère, d'entendre l'officiante exagérer les vertus de la défunte. Parallèlement, il rêve de vivre avec Sophie Sylvestre un amour sans nuages ni faux-semblants, et d'écrire un Traité de criminologie domestique.
Par chance, il aime aussi la solitude.
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Dans un pays du Proche-Orient, un enfant et sa mère occupent une maison jaune juchée sur une colline. La guerre vient d'emporter le père. Mère et fils voudraient se blottir l'un contre l'autre, s'aimer et se le dire, mais tandis que l'une arpente la terrasse en ressassant ses souvenirs, l'autre, dans le grenier où elle a cru opportun de le cacher, se plonge dans des rêveries, des jeux et des divagations que lui permet seule la complicité amicale des mots.
Soudain la guerre reprend. Commence alors pour Jean une nouvelle vie, dans un pays d'Europe où une autre mère l'attend, Sophie, convaincue de trouver en lui l'être de lumière qu'elle pourra choyer et qui l'aidera, pense-t-elle, à vaincre en retour ses propres fantômes.
Ce texte, cruel et tendre à la fois, est avant tout le formidable cri d'un enfant qui, à l'étouffement et au renoncement qui le menacent, oppose une affirmation farouche et secrète de la vie. C'est ce dur apprentissage, fait d'intuition et de solitude, qui lui ouvrira plus tard des perspectives insoupçonnées.
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La scène se passe à Urbino, au palais ducal, à la fin du mois de juin 15o2.
Dans l'effet de souffle des guerres d'Italie, les petits États tremblent sur leur base ; ils seront à qui s'en emparera hardiment. Insolent et véloce comme la fortune, César Borgia est de ceux-là. Le fils du pape donne audience à deux visiteurs. Le premier est un vieux maître que l'on nomme Léonard de Vinci, le second un jeune secrétaire de la Chancellerie florentine du nom de Nicolas Machiavel. De 1502 à 1504, ils ont parcouru les chemins de Romagne, inspecté des forteresses en Toscane, projeté d'endiguer le cours de l'Arno.
Un même sentiment d'urgence les fit contemporains. Il ne s'agissait pas seulement de l'Italie : c'est le monde qui, pour eux, était sorti de ses gonds. Comment raconter cette histoire, éparpillée en quelques bribes ? Léonard ne dit rien de Machiavel et Machiavel tait jusqu'au nom de Léonard. Entre eux deux coule un fleuve. Indifférent aux efforts des hommes pour en contraindre le cours, il va comme la fortune.
Alors il faut le traverser à gué, prenant appui sur ces mots rares et secs jetés dans les archives comme des cailloux sonores.
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Les oeuvres de miséricorde
Mathieu Riboulet
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- Litterature Francaise
- 22 Août 2012
- 9782864326878
Donner à manger à ceux qui ont faim, donner à boire à ceux qui ont soif, vêtir ceux qui sont nus, loger les pèlerins, visiter les malades, visiter les prisonniers, ensevelir les morts : tels sont les impératifs édictés par l'Église sous le nom d'oeuvres de miséricorde que le Caravage a peint dans un tableau qui porte ce titre, et dont ceux qui, nés en culture chrétienne, qu'il le sachent ou non, sont censés être imprégnés. Cette injonction morale, l'écrivain l'a mise à l'épreuve de son expérience ? réelle ou imaginaire.
« Je suis resté longtemps prisonnier du sentiment flottant, informulé selon lequel l'Allemagne était infréquentable. Je n'étais pas guidé par une idée, un ressentiment moins encore, mais, de fait, chez moi on n'allait pas en Allemagne...
Maintenant, je veux serrer dans mes bras le corps d'un de ces hommes que l'Histoire longuement m'opposa, le corps d'un homme allemand. Je vais donc à Cologne par un beau jour de mai, et je fais cela qui, pour un Français, a son pesant de sens :
Coucher avec un Allemand...
J'ai cherché par là à comprendre comment le Corps Allemand, majuscules à l'appui, après être entré à trois reprises dans la vie française sans demander d'autorisation (1870, 1914, 1939), continue à façonner certains aspects de notre existence d'héritiers de cette histoire. Chemin faisant, j'ai également rassemblé divers éléments de fiction individuelle et de réalité collective, pour la plupart « impensables », afin de tenter d'y voir un peu plus clair dans les violences que les hommes s'infligent ? individuelles, sociales, sexuelles, historiques, guerrières, massivement subies mais de temps à autre, aussi, consenties ?, dont l'art et la sexualité sont le reflet et parfois l'expression, et de les lier du fil de cet impératif de miséricorde qui fonde notre culpabilité puisqu'il est, de tout temps et en tous lieux, battu en brèche.
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Que se passe-t-il lorsqu'un auteur, qui a beaucoup écrit sur l'enfance, remonte le fil d'argent de sa propre enfance ?
Le Plus Court Chemin est un hommage aux proches et la tentative de revisiter avec les mots ce vaste monde d'avant les mots : les êtres, les lieux, les sentiments et les sensations propres à cette époque sur le point de disparaître, les années d'avant la cassure, d'avant l'accélération générale qui suivra la chute du mur de Berlin.
Raconter l'existence dans les paysages infinis de la campagne wallonne, dire l'amour et le manque. Car écrire, c'est poursuivre un dialogue avec tout ce qui a cessé d'être visible. Par-delà la nostalgie. -
Qui a fait le tour de quoi ? L'affaire Magellan
Romain Bertrand
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- Litterature Francaise
- 5 Mars 2020
- 9782378560553
Imaginez une histoire, une belle histoire, avec des héros et des traîtres, des îles lointaines où gîtent le doute et le danger. Imaginez une épopée, une épopée terrible, avec deux océans où s'abîment les nefs et les rêves, et entre les deux un détroit peuplé de gloire et de géants. Imaginez un conte, un conte cruel, avec des Indiens, quelques sultans et une sorcière brandissant un couteau ensanglanté. Un conte, oui, mais un conte de faits?: une histoire où tout est vrai. De l'histoire, donc.
Cette histoire - celle de l'expédition de Fernand de Magellan et de Juan Sebastián Elcano -, on nous l'a toujours racontée tambour battant et sabre au clair, comme celle de l'entrée triomphale de l'Europe, et de l'Europe seule, dans la modernité.
Et si l'on changeait de ton ?
Et si l'on poussait à son extrême limite, jusqu'à le faire craquer, le genre du récit d'aventures ? Et si l'on se tenait sur la plage de Cebu et dans les mangroves de Bornéo, et non plus sur le gaillard d'arrière de la Victoria?? Et si l'on faisait peser plus lourd, dans la balance du récit, ces mondes que les Espagnols n'ont fait qu'effleurer?? Et si l'on accordait à l'ensemble des êtres et des choses en présence une égale dignité narrative?? Et si les Indiens avaient un nom et endossaient, le temps d'un esclandre, le premier rôle?? Et si l'Asie -?une fois n'est pas coutume?- tenait aussi la plume?? Que resterait-il, alors, du conte dont nous nous sommes si longtemps bercés??
La vérité, peut-être, tout simplement.
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J'ai longtemps hésité avant de la décrire. Cette image, en effet, n'avait - à première vue - rien d'exceptionnel : elle représentait une île de petite taille, posée sur l'eau, un peu au large d'un rivage, une photo comme il en existe des milliers dans les boutiques des stations balnéaires. Les îles font rêver. Les rêves se vendent bien. Celle-ci était presque entièrement couverte de végétation : des arbres au feuillage épais, d'une hauteur respectable, sous lesquels se devinaient deux ou trois maisons. Nous étions aussi loin des Maldives que des Cyclades ou du Dodécanèse. S'en dégageait plutôt la douceur d'un jardin, sa quiétude. L' île parfaite.
Sensible aux destins brisés, Béatrice Commengé désirait depuis longtemps découvrir l'Insula Ovidiu, l'île d'Ovide, au large de Tomis (aujourd'hui Constanta), ce port lointain de la mer Noire où l'auteur de L'Art d'Aimer fut relégué par Auguste à l'aube du premier millénaire. Au moment où elle s'apprête à entreprendre le voyage, au seuil de l'année 2020, en mars plus précisément, le monde s'arrête soudain pour un temps indéterminé... -
Tout le monde n'a pas la chance d'aimer la carpe farcie
Elise Goldberg
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- Litterature Francaise
- 24 Août 2023
- 9782378561789
Un grand-père meurt. Une petite-fille récupère son frigo et l'installe dans sa cuisine. La porte à peine ouverte, nous franchissons la frontière de la Pologne juive, et c'est un monde qui se découvre, un monde de foie de volaille, d'« ognonnes », de gefilte fish, la carpe farcie en yiddish.
La cuisine ashkénaze n'est peut-être pas la plus sexy, et le yiddish n'a pas toujours été une langue bien normée. Mais ce sont autant de saveurs et de couleurs, de mots et de sonorités, toute une culture et une histoire qu'Élise Goldberg nous restitue ici, dans ce premier livre aussi drôle qu'émouvant.
L'histoire familiale, dit la narratrice, est « un récit sans chair, dont ne subsisterait que la colonne, quelques arêtes » - une carpe, en quelque sorte, qu'il faut réussir à farcir si on veut l'aimer. -
C'est l'histoire d'une amitié conduite à son apogée par la proximité de la mort. Un abrégé de quelques mois vécus dans la radicalité du moment.
Avec une lucidité éclatante, Margarida envoie des messages du front auxquels la narratrice répond en lui donnant chaque matin la voix qu'elle lui réclame. Peu à peu se construit une narration qui évoque l'enfance portugaise de Margarida, son amour des mots et des sons, les êtres qu'elle protège, les créations qu'elle mène, l'hôpital, la lutte, l'effroi. Mais aussi le souvenir d'un jardin, la fidélité d'un petit chien, Baudelaire et Jeanne Duval, les migrants devenus frères.
Aiguillonnées par l'urgence, ces pages incandescentes respirent la passion éperdue de la vie. Une métaphore pour notre temps et de la bonté en éclairs pour conjurer notre nuit. -
Qu'est-ce qu'un grand peintre, au-delà des hasards du talent personnel ? C'est quelqu'un sans doute dont le trop violent appétit d'élévation sociale s'est fourvoyé dans une pratique qui outrepasse les distinctions sociales, et que dès lors nulle renommée ne pourra combler : telle est l'aventure du peintre qui dans ces pages porte le nom de Goya. Ce peut être aussi un homme qui a cru assouvir par la maîtrise des arts la toute-puissance du désir, à ce divertissement noir a voué son oeuvre, jusqu'à ce que son oeuvre, ou sa propre conscience, lui dise que l'art est là justement où n'est pas la toute-puissance : j'ai appelé cet homme par commodité Watteau. C'est encore quelqu'un qui tôt ou tard doit faire son deuil des maîtres, de l'art et de son histoire, et apprendre que tout artiste pour sa part est de nouveau seul, face à un commanditaire écrasant et peu définissable, dans ces régions arides où l'art confine à la métaphysique, sa pratique à la prière : et j'ai voulu qu'un obscur disciple de Piero della Francesca soit confronté à cela.
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Ni témoignage ni biographie, ce livre est le portrait de ma mère, Marie-Élisa Nordmann puis Cohen, déportée à Auschwitz le 24 janvier 1943 dans un convoi de femmes à majorité résistantes, parmi lesquelles Charlotte Delbo. Ayant ensuite été, pendant quarante ans, présidente de l'Amicale des déportés d'Auschwitz et des camps de Haute-Silésie, elle a su quoi en dire et quoi en faire. Mon corps-esprit a été sa chambre d'échos.
C'est un portrait subjectif, malgré ses fondements documentaires, passé par le prisme de ma propre vie et de mes connaissances, un portrait actif, ancré dans le présent aussi bien que dans le passé - visant l'avenir. C'est un poème choral rendant leurs mots aux mortes et aux vivantes revenues et revenantes entre ses pages. Un essai de raconter de A à Z, de passer le témoin fait de douleurs mais aussi de joies. En inventer les mots, les couper en quatre, les associer, les dissocier : écrire cela qui est en moi depuis l'enfance. Je suis allée lentement. Cet alphabet devait faire science, alchimie pour la chimiste qu'était ma mère. Il devait être lumineux pour honorer mon amour pour elle.
Je suis fille d'Auschwitz. Je fais de la résistance, c'est ainsi. Transmettre est ma vie, c'est la vie, c'est l'amour. C'est mettre en transe les traces et l'indicible.
I. C. -
Une histoire du vertige
Camille de Toledo
- Verdier
- Litterature Francaise
- 12 Janvier 2023
- 9782378561574
« Écoute, le sol se dérobe, les mots dérapent ; partout, nos appuis s'érodent. Nous vivons «au-dessus» du monde, dans des bulles d'histoires ; ce que nous voyons, au loin, depuis cette hauteur, c'est une Terre abîmée, épuisée. Nous entrons dans un temps vertigineux. Et moi, figure-toi, avec les livres qui m'ont accompagné, j'ai voulu saisir les formes de ce vertige. Comprendre cette guerre, ce combat, et cette blessure, entre les langages humains et les autres formes de la vie. ».
Une histoire du vertige, à sa façon unique, est un livre d'aventures. Il s'ouvre sur la cavale de Don Quichotte : cet être envoûté par la fiction, et qui nous ressemble tant. Et à partir de là, il tourne inlassablement autour d'une espèce : la nôtre, en se demandant comment nous détruisons nos appuis terrestres ? Fresque du temps présent, de nos vertiges face à la crise écologique et aux épreuves de la guerre, le livre s'adresse à un lecteur imaginaire : un ami, un frère ou une soeur, un compagnon. Il parle de nous, de notre perte d'équilibre, de notre sentiment que plus rien ne tient, que tout s'effondre ; mais en nous apprenant, petit à petit, à tenir dans le vertige. En nous reliant à un monde infini, beaucoup plus vaste, où les petits « Je » des modernes s'effacent. -
Deux alpinistes autrichiens tentent l'ascension du mont Blanc. Rattrapée par la tempête, gagnée d'incertitudes, la cordée se sépare. L'un d'eux entreprend alors une longue et pitoyable descente par les glaciers de la face nord. Durant ce temps dans la vallée, aisément installés à l'hôtel, des touristes ont braqué la grande lunette télescopique sur le spectacle de cet homme éperdu?; ils vont suivre son lamentable cheminement le long des pentes piégeuses, certains allant jusqu'à parier sur son sort... vu d'un cercle.
Pour cruel qu'il soit, ce récit joue de tendresse et d'humour, comme les douze autres qui composent ce recueil, pudiques, d'une délicate âpreté. L'affection singulière de Michel Jullien pour chaque personnage, chaque vie, sa généreuse observation des gestes qui disent au plus près les caractères, son comique de velours, nous révèlent des destins aussi modestes qu'émouvants. -
« Le roi, on le sait, a deux corps : un corps éternel, dynastique, que le texte intronise et sacre, et qu'on appelle arbitrairement Shakespeare, Joyce, Beckett, ou Bruno, Dante, Vico, Joyce, Beckett, mais qui est le même corps immortel vêtu de défroques provisoires ; et il a un autre corps mortel, fonctionnel, relatif, la défroque, qui va à la charogne, qui s'appelle et s'appelle seulement Dante et porte un petit bonnet sur un nez camus, seulement Joyce et alors il a des bagues et l'oeil myope, ahuri, seulement Shakespeare et c'est un bon gros rentier à fraise élisabéthaine. »
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Nous sommes ici, nous rêvons d'ailleurs
Patrick Boucheron, Mathieu Riboulet
- Verdier
- Litterature Francaise
- 5 Mai 2022
- 9782378561451
Les cinq textes de Mathieu Riboulet rassemblés dans Nous campons sur les rives (Verdier, 2018) furent écrits en amorce de ce que Patrick Boucheron allait dire sous la halle du village de Lagrasse cet été 2017 dans le cadre de ses « conversations sur l'histoire » qu'il anime depuis des années au Banquet du Livre.
En réunissant les préludes de l'écrivain et les interventions de l'historien, il s'agit ici de livrer, telles quelles, ces paroles autour de l'histoire, mondiale ou plus locale, de la littérature, des arts, des sciences, et de tout ce qui a nourri leur dialogue, leur imagination cet été-là. Ce livre est l'archive de la parole d'un nous.
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Deux histoires se croisent dans ce bref roman :
Celle d'un huis clos dramatique entre trois hommes et une femme, dans un palais délabré d'une Veracruz imaginaire, à l'approche d'un cyclone ; et celle d'une éphémère rencontre amoureuse dans la même ville.
Entre ces deux histoires, l'une sombre, nocturne, l'autre lumineuse, y a-t-il un rapport, et lequel ?
Toutes les hypothèses sont permises.
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« Toutes choses sont muables et proches de l'incertain. » L'ultime vers d'une chronique rapportée revient comme une antienne dans ces trois récits ardents, cruels, excessifs, qui évoquent autour de l'an mil les premières générations de bénédictins venus établir leurs monastères dans les îles et les marais de Vendée sous la haute vigilance de Cluny, dans un temps où christianisme et paganisme sont étroitement imbriqués.
Dans ce paysage où les éléments sont encore mêlés comme au premier jour de la Création, les oeuvres, les signes, les passions et la grâce sont réversibles. La fraternité peut y nourrir le crime qu'est en mesure d'effacer l'apparition éblouissante d'une petite fille.
L'écriture de Michon se fait là plus dépouillée mais combien puissante à faire monter en gloire le plaisir absolu de la chair ou à précipiter dans une fureur désastreuse l'être qui tombe sous l'emprise du rien.
Et dans les dernières pages du livre, lorsque la relique du Baptiste s'avère n'être qu'un faux, entre deux jurons ou quelques bégaiements, on croit entendre les abbés dire les versets de l'Ecclésiaste où il est question de paroles et de vent.