Une base américaine de la province de Kandahar en Afghanistan. Au loin, on distingue la silhouette d'une femme enveloppée dans sa burqa. Elle est descendue de la montagne en fauteuil roulant, puisque ses jambes ont été arrachées. Elle vient réclamer le corps de son frère, un chef tribal pachtoun abattu lors d'une offensive lancée contre les Américains.
L'état-major reste méfiant : s'agit-il d'une soeur endeuillée, d'une kamikaze, d'une envoyée des talibans, d'un terroriste travesti en femme ou d'une tentative de diversion?
Sans jamais prendre parti, l'auteur donne la parole aux différents protagonistes - la jeune femme, l'interprète, le médecin, et plusieurs officiers ou soldats. Il nous permet ainsi de faire l'expérience d'un conflit cruel et absurde, en en révélant toute la complexité. Chaque personnage, quel que soit son camp, est non seulement doté d'une voix, mais également d'un visage, d'une personnalité qui lui est propre.
Une Antigone à Kandahar revisite certains grands thèmes de la tragédie grecque tout en s'interrogeant sur les dommages collatéraux de la guerre, l'idéalisme, les valeurs occidentales. Magnifique et magistral.
Le sourire de Jean s'ouvrait grand comme les bras d'un ami chaleureux, c'était une belle maison à la porte ouverte qui vous invitait à entrer et vous enjoignait de rester longtemps. C'était le printemps après un long hiver...À la naissance, en voyant ses grandes mains, Papa avait dit:« Peut-être qu'il sera gardien de but, plus tard.» À quoi Mami avait répliqué:«Ou peut-être simplement qu'il saura s'accrocher. Il en aura besoin.» Et effectivement, le petit Jean va en avoir besoin.Réfugié du Congo avec ses parents, il va devoir affronter très tôt une vie difficile à Londres. Alors qu'à Kinshasa son père allait devenir médecin et sa mère institutrice, ils sont désormais l'un vigile le jour et homme de ménage le soir, assistante de cantine scolaire pour l'autre.Dans le très petit appartement, on héberge aussi à l'occasion d'autres réfugiés congolais - solidarité oblige - même si l'argent manque toujours.Et Jean s'accroche:il faut à tout prix réussir à l'école. Heureusement, il y a aussi les copains et les parties de foot... Mais au-dessus de cette turbulente et si attachante tribu, où personne n'a de papiers en règle, plane la menace de l'expulsion - décrétée comme le dit amèrement «Papa», «par des gens que nous ne connaissons pas et qui ne nous connaissent pas...»
Le jour baisse déjà lorsqu'ils franchissent un mur de pierres sèches pour se frayer un chemin en direction d'une petite baie. «Ferme les yeux, Martha, et attends que je te dise de les rouvrir.» Puis au détour d'un rivage, il dit : «Maintenant.» Devant eux, le ciel est en feu, rouge sang et or. Peu à peu il s'assombrit, devenant violet, puis noir, avant que la grande boule de feu ne tombe dans la mer.
C'est sur la côte ouest de l'Irlande, au sein d'une nature sauvage, âpre et magnifique à la fois, que Martha, qui vit et enseigne à Londres, est venue faire le point sur sa vie. Son mari, irlandais, brutalement décédé, possédait là-bas un cottage, dans son village natal, face à l'océan et aux inquiétantes îles Skellig. Il y allait souvent - seul? - et elle plus rarement.
Il y a la pluie, les embruns, les feux de tourbe, d'incroyables couchers de soleil, les pubs enfumés où tout le monde chante de vieilles balades. Et des rencontres, souvent inattendues...
Alors que le mouvement des droits civiques commence à embraser l'Amérique des années 1950, les hôpitaux psychiatriques attestent d'une étrange évolution du diagnostic de la schizophrénie : jusque-là réservée aux intellectuels et aux femmes au foyer blanches, la maladie devient soudain l'apanage d' une nouvelle catégorie d'individus - majoritairement des hommes noirs et en colère.
C'est en se plongeant dans les archives de l'hôpital d'État d'Ionia (Michigan) que le psychiatre Jonathan Metzl a fait cette découverte stupéfiante. D'inhibés qu'ils étaient, les « nouveaux» schizophrènes se voient qualifiés de belliqueux ou de paranoïaques et, parallèlement, sous la plume des grands psychiatres de l'époque, la schizophrénie devient une « psychose de révolte ». Plus encore, l'abus diagnostique s'immisce dans le langage courant au point que même Martin Luther King ou Stokely Carmichael le reprendront à leur compte, faisant de la schizophrénie une image de l'identité afro-américaine scindée en deux par l'hégémonisme blanc.
Dans cet ouvrage passionnant, J. Metzl met au jour un racisme institutionnel d'un genre nouveau : l'instrumentalisation de la psychiatrie à des fins de domination des populations. Un ouvrage plus que jamais nécessaire, à l'heure où l'urgence de déconstruire toute forme de racialisation apparaît de façon toujours plus éclatante.
Voici un roman indien très différent de ceux publiés jusqu'ici par le Mercure, qui traitaient tous de sérieux problèmes de société - le mariage arrangé, l'adoption, les mères porteuses...
Or voici une désopilante comédie de moeurs, déjà vendue à plus de douze éditeurs étrangers et bientôt adaptée en feuilleton télé par la Paramount aux États-Unis.
Nous sommes à Delhi, chez Anil Kumar Jha, qui a vécu plutôt modestement jusqu'ici - il a une petite cinquantaine - mais se retrouve fabuleusement riche du jour au lendemain, après avoir vendu un site internet pour un prix qu'il n'imaginait même pas. Il est content, bien sûr...
Enfin, à moitié content. Et sa femme, pas du tout. Parce que, que fait- on quand on devient très riche ? Les Jha n'avaient jamais prévu ça. Il va falloir quitter leur vieil immeuble, les voisins qui au fil du temps sont devenus des amis, déménager dans un quartier chic, avoir une voiture avec chauffeur (pour aller où ?), s'habiller bien (ce n'est pas toujours confortable), recevoir d'autres gens riches (aussi mal à l'aise que les Jha et qui ne savent pas non plus quoi faire de leur argent ; l'un d'eux a fait copier au plafond de sa salle à manger les fresques de la chapelle Sixtine, mais en faisant ajouter des caleçons aux hommes). Bref, être des nouveaux riches, ce n'est pas forcément idéal. C'est du travail à plein temps.
Assis dans notre vieille Ford, j'ai regardé mon père traverser la rue jusqu'à la porte de la bijouterie où il a sonné et attendu qu'on lui ouvre. Au même moment, un homme coiffé d'une vieille visière de tennis rabattue sur les yeux s'est glissé derrière lui dans le magasin. J'ai tout de suite senti que quelque chose clochait...
Il y a eu le boum, boum de coups de pistolet, la grande vitrine a explosé en mille morceaux et le type à visière est ressorti, un sac dans une main, un pistolet dans l'autre. Puis il a disparu dans la foule.
Mais le bijoutier a été tué et le père d'Aaron, venu vendre des montres, s'est trouvé au mauvais endroit au mauvais moment et va être accusé de ce crime. Que faire quand on a douze ans, pas un dollar en poche, une maman à l'hôpital, et qu'on décide de sauver son papa?
D'abord, chercher des secours auprès d'une bande de copains et copines hauts en couleur : un marchand de journaux qui voit tout ce qui se passe dans la rue, un boxeur à la retraite, Ella, fauchée elle aussi, mais à l'imagination fertile, et un célèbre avocat choisi au hasard dans l'annuaire.
On est à Saint-Louis, Missouri, en 1929, en pleine Dépression. Comment vont alors se dérouler Les étonnantes aventures d'Aaron Broom?
"Tout ce que l'on fait dans la vie, même si l'on donne d'autres raisons, on le fait pour les femmes." - Hermann Hesse Thomas Rain Crowe, poète américain post-beatnik, retrace les histoires d'amour qui ont marqué son existence, dans ce roman d'apprentissage en forme d'autobiographie amoureuse.
Six chapitres, six femmes qu'il a passionnément aimées, six périodes de sa vie dont il fait le portrait. Tour à tour jardinier dans un couvent près de Grenoble, ouvrier agricole dans les vignes californiennes, poète beatnik à San Francisco, chauffeur de bus dans le Sud des États-Unis, Thomas Rain Crowe nous fait découvrir des personnages tous plus variés, intrigants et romanesques les uns que les autres.
Il nous propose ainsi le récit tendre, simple et drôle, du long chemin que, depuis son enfance jusqu'à ses soixante ans, il a dû parcourir pour trouver la femme de sa vie.
Mexico, fin des années 80. Luisa, 17 ans, va au lycée, et s'ennuie.
Pour susciter l'intérêt de Tomas, elle lui montre un article trouvé dans un journal local à propos d'un cirque ukrainien ambulant qui circule à travers le Mexique, d'où se sont évadés douze nains... disparus sans laisser de traces ! Luisa décide de partir à leur recherche et convainc Tomas de l'accompagner. Les voilà partis en car, à travers le Mexique, pour se rendre à Oaxaca, sur la côte pacifique et plus particulièrement la plage de Zipolite, fréquentée par les hippies du monde entier. Luisa a juste omis de prévenir ses parents...
Une fois à destination, les deux adolescents se mêleront à la faune très colorée qui vit sur le sable : drogue, alcool, un peu de sexe, beaucoup de musique... mais pas l'ombre d'un nain ukrainien ! Chloé Aridjis décrit admirablement l'atmosphère irréelle de cette plage où vivent hors du temps ces jeunes venus d'un peu partout, qui ne cherchent rien et n'attendent rien, sinon passer quelques jours, quelques semaines dans une sorte de bulle.
Un drôle de petit livre, très court, moins de 200 pages, portée par une langue poétique. Un texte attachant et largement autobiographique.
Ce roman - car c'est bien un roman - évoque à la fin de la période stalinienne ce terrible moment nommé « le complot des blouses blanches », quand le dictateur, aveuglé par la folie et la haine, a fait assassiner des médecins parce qu'ils étaient juifs et parce qu'il se persuadait qu'ils cherchaient tous à le tuer.
On est à Léningrad, en 1952. Andreï, un jeune médecin, et sa femme, Anna, enseignante, tentent de se construire une vie, après les lourdes séquelles du terrible siège de la ville. Mais tout va basculer quand Andreï voit arriver un nouveau malade, un petit garçon, qui souffre d'un très grave cancer des os. Or c'est le fils unique de Volkov, un des chefs de la terrible Police Secrète, qui n'accepte pas le diagnostic, ni le verdict : amputation d'une jambe. L'étau va alors se refermer sur Andreï et sa famille.
Quoi qu'il arrive, il sera coupable et donc puni. Alors que faire ?
Demander son transfert dans une autre ville ? On le retrouvera. Se cacher ?
C'est impossible. Affronter la réalité ? Mais comment ? Lâché par ses collègues et ses amis, tous contaminés par la terreur ambiante, il devra payer le prix fort.
C'est un livre qu'on reçoit en plein coeur, l'histoire de Jesse, treize ans, et de Rachel, sept ans, à la vie fracassée. Leur mère, Gwen, alcoolique, strip-teaseuse et prostituée occasionnelle, incapable de se fixer et de donner un foyer à ses enfants, les entraîne dans ses errances à travers l'Australie, à bord de sa vieille voiture. De motels minables en chambres louées sordides, nourris de chips et de sandwiches, les deux gosses s'épaulent mutuellement. «Quand Rachel est née », nous dit Jesse, le narrateur, «j'avais juste cinq ans, mais à l' instant où je l'ai vue, enveloppée dans une couverture d'hôpital, j'ai su que ça allait être à moi de m'occuper d'elle. » Il va le faire avec ses forces et ses ressources à lui, surtout quand Gwen tombe amoureuse de types fort peu recommandables, au coup de poing facile. Mais le jour où elle se met en tête d'épouser l'abominable Ray - qui trouve Rachel bien jolie -, Jesse comprend que sa soeur et lui sont vraiment en danger.
Et c'est alors qu'il va commettre une terrible imprudence, aux conséquences tragiques.