Amsterdam
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La réédition de L'État, le pouvoir, le socialisme, « classique » de la théorie politique dont la première édition remonte à 1978, s'inscrit dans les débats concernant les crises simultanées de l'Union européenne, du néolibéralisme et du capitalisme en général. Lire cet ouvrage aujourd'hui permet de comprendre que ces crises plongent leurs racines dans la structure des sociétés occidentales de l'après-guerre. Plus la crise économique s'approfondit, et plus le système devient autoritaire au plan politique. C'est ce que Poulantzas appelle l'« étatisme autoritaire », que l'on constate à présent au niveau européen, où des décisions affectant des millions de personnes sont prises hors de tout contrôle populaire. La seule alternative possible à ce système est le « socialisme démocratique », à savoir un socialisme qui dépasse le capitalisme sans pour autant sacrifier les libertés publiques. Avec Michel Foucault, Gilles Deleuze, et Louis Althusser, auteurs dont il discute les thèses dans cet ouvrage, Nicos Poulantzas compte parmi les penseurs des années 1960-1970 dont le rayonnement international est aujourd'hui le plus important. Alors que l'édition de théories critiques françaises et étrangères a connu une grande vitalité depuis les années 2000, il était plus que temps de faire redécouvrir cet auteur majeur.
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Le Corps d'exception : Les artifices du pouvoir colonial et la destruction de la vie
Sidi Mohammed Barkat
- Amsterdam
- Poche
- 16 Août 2024
- 9782354802929
À l'époque coloniale, le corps indigène est soumis à un état d'exception permanent. Ce procédé est au coeur de l'institution de l'indigénat. Sur le plan juridique et politique, le sénatus-consulte rend le droit musulman et les coutumes des colonisés incompatibles avec la moralité républicaine, tandis que sur le plan culturel, le colonisé est représenté comme indigne de la qualité de citoyen - bien qu'il soit membre de la nation française. Inclus en tant qu'exclu, il se trouve assujetti à un régime légal qui établit au coeur de l'État de droit une suspension du principe d'égalité.
Cette exception juridique et politique n'a toutefois pas disparu avec la décolonisation, comme le montre la fréquence des crimes policiers dans les quartiers populaires ou le caractère xénophobe et répressif des lois successives sur l'immigration. Les représentations discriminantes demeurent vivaces dans la société française d'aujourd'hui, et la violence institutionnalisée s'abat depuis des décennies sur les populations issues des anciennes colonies. Le Corps d'exception fait la démonstration implacable de cette continuité. -
Pierre Clastres : Les sociétés contre l'État
Claire Pagès
- Amsterdam
- L'emancipation En Question
- 5 Novembre 2024
- 9782354803063
« L'histoire des peuples qui ont une histoire est, dit-on, l'histoire de la lutte des classes. L'histoire des peuples sans histoire, c'est, dira-t-on avec autant de vérité au moins, l'histoire de leur lutte contre l'État. » (Pierre Clastres)
Penser les sociétés dites « primitives » non pas comme des sociétés sans État mais comme des sociétés contre l'État, telle est la révolution copernicienne opérée par Clastres dans le champ de l'anthropologie politique.
Au côté de James C. Scott et de David Graeber, Clastres est une des figures éminentes de ce qu'il est convenu d'appeler « l'anthropologie anarchiste ». Pour cette dernière, il s'agit avant tout de s'intéresser aux sociétés qui ont constitué des mécanismes de résistance à la verticalisation du pouvoir et qui se sont employées à limiter le risque de voir apparaître des institutions autoritaires et des rapports de domination.
Dans nos sociétés à État, à l'heure où les formes du contrôle étatique et de la dépossession politique se renouvellent et s'intensifient, la pensée de Clastres constitue une ressource inestimable pour qui s'interroge sur notre consentement à la domination et sur les moyens de nous rendre ingouvernables. -
« Dans la mesure où le désir est impliqué dans les normes sociales, il est lié à la question du pouvoir et à celle de savoir qui peut être reconnu comme humain. » « Faire » son genre implique parfois de défaire les normes dominantes de l'existence sociale. La politique de la subversion qu'esquisse Judith Butler ouvre moins la perspective d'une abolition du genre que celle d'un monde dans lequel le genre serait « défait », dans lequel les normes du genre joueraient tout autrement.
Ce livre s'inscrit dans une démarche indissociablement théorique et pratique : il s'agit, en s'appuyant sur les théories féministe et queer, de faire la genèse de la production du genre et de travailler à défaire l'emprise des formes de normalisation qui rendent certaines vies invivables, ou difficilement vivables, en les excluant du domaine du possible et du pensable. Par cette critique des normes qui gouvernent le genre avec plus ou moins de succès, il s'agit de dégager les conditions de la perpétuation ou de la production de formes de vie plus vivables, plus désirables et moins soumises à la violence.
Judith Butler s'attache notamment à mettre en évidence les contradictions auxquelles sont confrontés ceux et celles qui s'efforcent de penser et transformer le genre. Sans prétendre toujours dépasser ces contradictions, elle suggère la possibilité de les traiter politiquement : « La critique des normes de genre doit se situer dans le contexte des vies telles qu'elles sont vécues et doit être guidée par la question de savoir ce qui permet de maximiser les chances d'une vie vivable et de minimiser la possibilité d'une vie insupportable ou même d'une mort sociale ou littérale. » -
Du libéralisme aux algorithmes, en passant par le burnout, les transclasses et la trottinette, François Bégaudeau livre, à travers les maîtres mots de l'époque, une analyse implacable de l'idéologie bourgeoise. « Plus c'est plus gros, plus ça passe, dit-on, et cela ne vaut pas pour mes bonimenteurs. Comme l'ordre syllabique l'indique, le bonimenteur n'est qu'à moitié menteur. Un boniment, pour prendre, doit être un peu vrai. Il est un peu vrai que cet écran plat est plat, et plus léger - le portant je le vérifie -, et plus confortable pour les yeux - rivé à lui je suis confort. La langue du capitalisme intégré est toujours un peu vraie. Il est un peu vrai que nous autres sujets des régimes capitalistes paradigmatiques sommes libres de nos mouvements. Il est un peu vrai qu'un télétravailleur peut disposer de ses horaires. Il n'est pas archi-faux que nos élections sont démocratiques. Les marchands ne mentent pas complètement en disant qu'ils créent de la valeur ou créent de la richesse. Ils devraient juste préciser que cette richesse leur revient. La langue du capitalisme ne doit pas être démasquée, elle doit être passée au crible implacable de la précision. »
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Racismes d'état, états racistes : un brève histoire
Olivier Le Cour Grandmaison
- Amsterdam
- 2 Février 2024
- 9782354802820
« Racismes d'État, xénophobie institutionnelle ou de même nature, discriminations systémiques engendrées par des politiques publiques ou favorisées par l'absence de prise en compte de leur gravité, ce sont là nos objets. » Depuis un certain nombre d'années, les procès en séparatisme et en communautarisme se sont multipliés. Procès intentés non plus seulement par l'extrême droite, dont on connaît les outrances, mais aussi par des intellectuels respectables et des responsables politiques soi-disant modérés. Le but d'une telle offensive ?
Discréditer comme un pur et simple délire la tentative de nommer les discriminations systémiques. Ainsi, le racisme ne pourrait exister dans notre république puisqu'il y est interdit au nom du principe d'égalité qui la fonde ; prétendre le contraire reviendrait à tout confondre, à se vautrer dans l'outrance, à se ranger du côté de ceux qui menacent les institutions.
L'offensive a pris une telle ampleur qu'il fallait y apporter une réponse précise. Contre les amalgames et les caricatures, cet ouvrage propose l'étude de deux concepts - ceux de racisme d'État et d'État raciste - dont il retrace la genèse et définit les strictes conditions d'application. Non, dire qu'une xénophobie d'État s'exerce à l'encontre de certaines populations ne revient pas à comparer la France d'aujourd'hui à l'Afrique du Sud de l'apartheid.
Mais, si l'on doit se garder des comparaisons hâtives, on doit aussi examiner, dans leur glaciale variété, les pratiques réelles, passées et présentes, des régimes dits démocratiques, sur le plan intérieur comme à l'étranger. Il en va de l'efficacité du combat contre le racisme et la xénophobie. -
Pourquoi la classe compte : Capitalisme, genre et conscience de classe
Erik Olin Wright
- Amsterdam
- 19 Janvier 2024
- 9782354802813
Dans cet ouvrage, Erik Olin Wright propose une évaluation minutieuse de la pertinence et des limites de la catégorie de classe pour expliquer le fonctionnement des sociétés. Cette défense de la portée heuristique de l'analyse de classe centrée sur l'exploitation est fondée sur l'étude empirique de la structure sociale de plusieurs pays occidentaux, en particulier les États-Unis, le Canada, la France, la Norvège et la Suède. Elle passe par l'exploration de trois problèmes interconnectés : les caractéristiques et les variations de la structure de classe elle-même ; la relation entre classe et genre en tant qu'aspects de la structure sociale ; le lien entre structure de classe et conscience de classe, c'est-à-dire la compréhension que les individus ont de leurs intérêts de classe.
Loin des affirmations grandioses du matérialisme historique orthodoxe (par exemple de l'idée selon laquelle la dynamique du capitalisme pointerait dans la direction d'un avenir socialiste), Wright s'attache à mettre au jour la manière dont la classe influe sur de nombreux aspects de la vie sociale, des réseaux de sociabilité à la mobilité sociale en passant par le travail domestique.
Soulignant les dimensions spécifiques des différentes sociétés capitalistes étudiées, il montre que si la classe n'est pas partout et toujours le facteur explicatif le plus important, elle constitue néanmoins, par-delà sa dimension normative, un facteur structurant de la vie sociale. -
Les frontieres de l'"identité nationale" : L'injonction à l'assimilation en France métropolitaine et coloniale
Abdellali Hajjat
- Amsterdam
- 19 Avril 2024
- 9782354802868
Les frontières des État-nations se traduisent notamment par le processus de naturalisation imposée aux individus souhaitant appartenir à la « communauté nationale ». En France cela passe par la démonstration de leur assimilabilité. Moins employée depuis quelques années, la notion d'assimilation y constitue néanmoins toujours la matrice du droit des étrangers. En effet le « défaut d'assimilation » est le principal motif des refus de naturalisation des candidats à la nationalité française. Promue sous l'Empire colonial, cette notion polysémique permet à la communauté nationale de maintenir la distinction entre les Français de métropole et les Autres.
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Les subalternes peuvent-elles parler ?
Gayatri chakravorty Spivak
- Amsterdam
- 20 Août 2020
- 9782354802097
Les Subalternes peuvent-elles parler? est l'un des textes de la critique contemporaine et des études postcoloniales les plus discutés dans le monde depuis vingt-cinq ans. Problématique et polémique, à l'écriture vigoureuse, il a démontré depuis sa première publication, par le nombre de commentaires, de critiques et de recherches qu'il n'a pas cessé de susciter, une productivité peu commune, qui n'a d'égale peut-être dans son domaine que celle des écrits d'Edward Said et de Homi Bhabha.
« En suivant un parcours nécessairement sinueux, cet essai partira d'une critique des efforts déployés actuellement en Occident [notamment par Gilles Deleuze et Michel Foucault] visant à problématiser le sujet, pour aboutir à la question de la représentation du sujet du Tiers-Monde dans le discours occidental. Chemin faisant, l'occasion me sera donnée de suggérer qu'il y a en fait implicitement chez Marx et Derrida un décentrement du sujet plus radical encore.
J'aurai de plus recours à l'argument, qui surprendra peut-être, selon lequel la production intellectuelle occidentale est, de maintes façons, complice des intérêts économiques internationaux de l'Occident.
Pour finir, je proposerai une analyse alternative des rapports entre les discours de l'Occident et la possibilité pour la femme subalterne de parler (ou la possibilité de parler en son nom). Je tirerai mes exemples spécifiques du cas indien, à travers la discussion approfondie du statut extraordinairement paradoxal de l'abolition par les Britanniques du sacrifice des veuves. » (Gayatri Chakravorty Spivak)
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L'hégémonie et la révolution : Gramsci penseur politique
Yohann Douet
- Amsterdam
- 17 Novembre 2023
- 9782354802776
Toutes les réflexions d'Antonio Gramsci convergent vers un seul horizon : l'émancipation des subalternes, leur sortie des marges de l'histoire. Ce livre, introduction pédagogique et engagée à son oeuvre, en fait éloquemment la démonstration. Emprisonné par le fascisme, vivant à une époque de crise historique aigüe, il n'abandonne jamais l'objectif d'une société communiste et démocratique. Mais pour que la révolution triomphe, il faut la repenser : c'est le coeur de ses Cahiers de prison, dans lesquels il entreprend de renouveler en profondeur le marxisme et, plus généralement, la théorie politique.
Ainsi, il développe l'idée d'hégémonie, qui lui permet d'analyser le pouvoir dans toute sa complexité et d'appréhender la lutte des classes d'une manière élargie, au-delà de sa dimension économique ;
Il redéfinit la société civile et l'État, désormais compris en un sens « intégral » qui combine maintien de la domination et production du consentement ; il voit le parti révolutionnaire sous les traits d'un « Prince moderne » ; enfin, il s'attache à concevoir la dialectique entre « guerre de mouvement » et « guerre de position ».
De telles innovations conceptuelles et stratégiques sont toujours à même de servir et d'éclairer les luttes des subalternes. Mais on ne saurait les reprendre à la lettre et les appliquer d'une manière dogmatique. Yohann Douet souligne donc aussi les limites de la pensée de Gramsci, les différences entre son époque et la nôtre, dans le but de redonner leur tranchant aux armes intellectuelles qu'il a forgées. -
Judith Butler, race, genre et mélancolie
Hourya Bentouhami
- Amsterdam
- L'emancipation En Question
- 8 Avril 2022
- 9782354802486
Dans cette introduction claire et engagée, Hourya Bentouhami propose une relecture vivifiante de l'oeuvre de Judith Butler. Jusqu'à présent, les lecteurs français ont eu tendance à séparer ses écrits théoriques fondateurs sur le genre, les identités et le langage de ses interventions jugées plus directement politiques sur le 11 septembre, Israël-Palestine, Guantanamo, le Printemps arabe ou Occupy Wall Street... Butler se serait détournée de la réflexion sur le queer pour s'attacher à des objets plus classiques, mettant en jeu les formes de constitution du peuple. Mais, surtout, on tend à ignorer le dialogue qu'elle entretient avec les principales figures des théories postcoloniales et critiques de la race. Or, selon Hourya Bentouhami, ces séparations ne tiennent pas. Les élaborations théoriques de Butler attestent du nouage complexe entre sexe, genre, race et nation. Les discours de la différence sexuelle et de la différence raciale sont articulées et ont une généalogie étroitement entrelacée : impossible dès lors de déconstruire l'un sans déconstruire l'autre.
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Technocratisme : les grands corps à la dérive
Alexandre Moatti
- Amsterdam
- 8 Septembre 2023
- 9782354802738
La technocratie joue un rôle déterminant en France : elle constitue le vivier de ses élites dirigeantes, tant économiques que politiques. Cet ouvrage propose une plongée dans ce monde fascinant, dont il retrace l'histoire et dénonce les dérives. La France a la spécificité de former par la haute fonction publique ses « élites » dirigeantes, issues de Polytechnique ou de l'ÉNA, pour les transmuer en patrons ou cadres exécutifs de grands groupes, ou en hommes ou femmes politiques de haut rang. La moitié des dirigeants du CAC 40, trois présidents de la République sur quatre depuis 30 ans sont issus des « grands corps » (Inspection des finances, Conseil d'État, Corps des mines ou des ponts). Lieux de production de la technocratie française et de son idéologie, ces institutions bicentenaires demeurent peu connues du public. C'est une analyse engagée qu'en propose ici Alexandre Moatti, observateur interne à l'un d'eux. Une analyse à la fois historique (depuis la Révolution française) et systémique : relisant les 30 dernières années au prisme de leur action, il montre leur intrication ontologique avec le néo-libéralisme.
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Quels sont les écueils auxquels les militants antiracistes se trouvent confrontés lorsqu'ils mobilisent la notion de « race » ? Et comment peuvent-ils s'en prémunir ? Asad Haider trace dans cet ouvrage une généalogie des politiques de l'identité, dont il met en relief le passage d'une inscription dans la tradition révolutionnaire à l'affirmation d'une position libérale. Revenant sur sa trajectoire personnelle au sein des luttes antiracistes menées aux États-Unis ces deux dernières décennies, il éclaire les multiples controverses suscitées en leur sein par l'héritage du Mouvement des droits civiques. Il montre ainsi que les luttes comme Black Lives Matter ont donné lieu à la confrontation de conceptions antagoniques de l'identité : tandis que l'une, abstraite et consolatrice, en fait le support d'une demande individuelle de reconnaissance qui naturalise les inégalités sociales, l'autre insiste au contraire sur la dimension construite des identités et la fonction de justification des structures sociales qu'elles remplissent.
Il résulte de cette démarche une série de mises au point à la fois historiques et théoriques sur certains des débats les plus vifs qui animent les espaces publics étatsunien et, désormais, français - qu'ils portent sur la perspective « séparatiste » théorisée par les penseurs afropessimistes, sur la rhétorique des identités offensées, ou encore sur les traits constitutifs de la blanchité -
La copossession du monde : vers la fin de l'ordre propriétaire
Pierre Crétois
- Amsterdam
- 17 Février 2023
- 9782354802622
Pierre Crétois s'intéresse ici à la tradition économique qui tient l'institution de la propriété pour souhaitable du fait des conséquences avantageuses qu'elle aurait pour la collectivité. En effet, elle serait capable de mettre fin au chaos qui régnerait là où tout est commun, et, par les limites qu'elle impose, elle serait également de nature à réunir spontanément les conditions d'un certain ordre social : l'ordre propriétaire. Cette tradition morale et politique - formalisée à la fin du xviiie siècle par Jeremy Bentham, développée ensuite par John Stuart Mill, Henry Sidgwick et bien d'autres - est d'une importance capitale pour la construction de la pensée moderne et a largement inspiré la science économique. Or, bien que le concept de propriété soit assez peu questionné en économie, il y joue un rôle cardinal d'ordonnancement des sociétés en général et des marchés en particulier. En présentant les défenses libérales et néolibérales de la propriété, il souligne leurs faiblesses et leurs conséquences délétères. Le souci de la justice - économique, sociale et environnementale - impose de cesser de considérer les choses comme absolument appropriables. Cela passe non seulement par la limitation du droit de propriété, mais surtout par la reconnaissance du fond commun de toute propriété.
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La vie psychique du pouvoir : l'assujettissement en théories
Judith Butler
- Amsterdam
- 15 Avril 2022
- 9782354802479
Dans cet ouvrage, l'initiatrice de la théorie queer montre que le corps est l'instance à partir de laquelle il est possible de penser la constitution d'identités sexuelles qui déjouent les normes de genre ordonnées à l'opposition entre masculin et féminin. Comment une sujet se forme-t-il ? Selon Judith Butler, ce processus de formation est toujours le produit paradoxal d'un assujettissement à la norme. Et ce paradoxe est constitutif de la vie psychique du pouvoir, au sens où, en tant qu'il est éprouvé psychiquement, il explique l'attachement viscéral à soi-même - autrement dit, à sa propre subordination. D'où la nécessité d'analyser avec minutie les mécanismes d'un tel assujettissement et ses résultats contrastés.
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Cet ouvrage, dont la première édition est parue en 1993, s'est rapidement imposé comme une référence incontournable des études postcoloniales. La notion d'Atlantique noir élaborée par Gilroy permet de renouveler en profondeur la manière de penser l'histoire culturelle de la diaspora africaine, résultat de la traite et de l'esclavage. En opposition aux approches nationalistes et portées à l'absolutisme ethnique, et dans un souci d'éviter toute opposition binaire réductrice (entre essentialisme et anti-essentialisme, entre tradition et modernité), Gilroy montre qu'il existe une culture qui n'est ni africaine, ni américaine, ni caribéenne, ni britannique, mais tout cela à la fois. L'espace atlantique transnational constitue donc un lieu de circulation, d'hybridation, de création et de résistance reliant les communautés noires américaines, européennes et caribéennes : une véritable « contreculture de la modernité ».
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Antonio Negri : une philosophie de la subversion
Roberto Nigro
- Amsterdam
- L'emancipation En Question
- 17 Mars 2023
- 9782354802677
Cet ouvrage est la première introduction en langue française à l'ensemble de l'oeuvre du philosophe et militant Antonio Negri : en effet, ses commentateurs se sont jusqu'à présent en général intéressés exclusivement ou bien à sa période italienne ou bien à ses développements ultérieurs. Son auteur, Roberto Nigro, s'attache à en montrer la cohérence et à la resituer dans ses contextes historiques changeants. Il en souligne le caractère fondamentalement politique, y compris dans ses moments les plus « philosophiques ». Il ne néglige pas les débats qu'elle a suscités, et il relance la discussion sur certaines des thèses de Negri qui ont le plus prêté à discussion. Il insiste sur le dialogue nourri par le philosophe italien avec certains auteurs, en particulier Spinoza, Marx, Althusser, Foucault et Deleuze, pour dégager l'originalité de son intervention dans les champs théorique et politique. Enfin, il insiste sur l'actualité des thèses et des outils conceptuels élaborés par Negri, notamment son affirmation d'un primat de la puissance de la multitude sur toutes les opérations de capture dont elle fait l'objet par les appareils du pouvoir
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La nature du capital : politique et ontologie chez le jeune Marx
Frédéric Monferrand
- Amsterdam
- 16 Février 2024
- 9782354802783
Comment le capitalisme compose-t-il un monde à son image ?
La crise socio-écologique du capitalisme produit de profonds effets sur la pensée contemporaine, qui semble prise d'un véritable vertige ontologique. Face aux catastrophes en cours, on voit se multiplier les travaux qui s'inquiètent de la réalité de la nature et de la manière dont s'y inscrivent les sociétés, tout se passant comme si la philosophie et les sciences sociales cherchaient à recomposer en pensée un monde que l'accumulation du capital tend à décomposer.
Cet ouvrage constitue une intervention marxiste dans ces controverses ontologiques. Il propose une interprétation nouvelle des Manuscrits de 1844, le texte dans lequel, pour la première fois, Marx analyse la nature du capital : son essence ou sa définition et le type de rapport qu'on y entretient à la terre et à ses habitants. Frédéric Monferrand montre que le jeune Marx articule trois perspectives complémentaires sur le capitalisme :
Une phénoménologie de l'expérience prolétarienne qui vise à le critiquer du point de vue de ses effets sur les conditions de travail et de vie des classes dominées ; une théorie de la propriété privée comme appareil de capture et de mise au travail des forces qui animent les corps et les milieux; enfin, une ontologie sociale naturaliste pour laquelle les sociétés se distinguent les unes des autres par la manière dont elles donnent forment la nature, humaine et non humaine. L'appropriation matérielle de la nature, parce qu'elle est constitutive de toute vie sociale, représente à la fois le lieu stratégique d'une transformation radicale du monde où nous vivons et l'enjeu historique d'une libération du monde dont nous vivons -
Le nouveau monde : tableau de la France néolibérale
Antony Burlaud, Allan Popelard, Gregory Rzepski
- Amsterdam
- L'ordinaire Du Capital
- 10 Septembre 2021
- 9782354802301
Fruit d'un travail collectif auquel ont participé près de 90 auteurs - chercheurs en sciences sociales, journalistes, écrivains - Le Nouveau monde brosse un ample tableau de la France néolibérale. De la sécession des élites aux formes instituées du mépris social, de l'ordre dominant aux multiples oppositions qu'il suscite, du quotidien des travailleurs aux mythologies qui structurent l'esprit du temps, ce livre-somme analyse et raconte la France d'aujourd'hui. Attentif aux traces et aux indices qui signaleraient l'éclosion de phénomènes inédits, Le Nouveau monde s'attache à éclairer l'état présent du pays à la lumière des dynamiques économiques, sociales et politiques qui, ces quarante dernières années, voire davantage encore, l'ont produit. Mêlant reportages, articles théoriques, témoignages et textes littéraires, ce livre hybride mène donc un travail d'élucidation sans équivalent. Près de trente ans après la publication de La Misère du monde, et alors que le pays chemine sur une crête, Le Nouveau monde se présente à la fois comme un livre d'intervention dans la campagne électorale qui commence et comme un livre de fond, qui tâche de cerner et de rendre intelligible le moment de bascule dans lequel nous nous trouvons.
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Le Triangle fatal est un ouvrage tiré d'un cycle de trois leçons données par Stuart Hall à l'université de Harvard en 1994. Hall y traite de l'identité culturelle, qu'il tient pour la question politique centrale de notre époque, en examinant la construction discursive de trois de ses formes principales : la race, l'ethnicité et la nation. À chaque fois, il reconstruit les opérations discursives effectuées par ces notions, les significations qu'elles induisent, les différences qu'elles produisent et qui leur permettent d'avoir des effets réels.
Par exemple, même si l'on sait que les races, entendues au sens biologique et génétique, n'existent pas, la dimension biologique de la notion de race est inéliminable : c'est la signification investie dans des caractéristiques physiques qui lui permet de fonctionner comme fabrique d'altérité, comme système de différenciations culturelles, sociales et politiques. C'est aussi sa fausse évidence ou naturalité qui lui confère sa permanence et son emprise.
L'ethnicité est une catégorisation qui se veut plus large, et moins stigmatisante, que celle de race - une définition de l'identité davantage axée sur une communauté culturelle, en particulier de langue, de traditions et de coutumes. Selon Hall, dans le contexte de la mondialisation et de l'accélération des migrations mondiales, la résurgence de la problématique ethnique s'explique par le déclin d'hégémonie de l'échelon fondateur de l'identité collective moderne : la nation. L'identité étant ainsi scindée de son lieu concret d'origine, au profit d'un espace mondial plus abstrait, les identités prolifèrent et se mêlent les unes aux autres, de façon désordonnée, voire anarchique.
C'est le paradigme de l'hybridité ou de l'identité diasporique, à propos de quoi Hall explique en conclusion : « La question n'est pas de savoir qui nous sommes, mais qui nous pouvons devenir. » Ce bref livre, qui présente de façon succincte la méthode et certaines des idées centrales de Stuart Hall, constitue le point d'entrée idéal dans une oeuvre dense et complexe, abordant des problématiques qui demeurent d'une brûlante actualité.
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La part commune ; critique de la propriété privée
Pierre Crétois
- Amsterdam
- 10 Septembre 2020
- 9782354802134
La critique de la propriété est à l'ordre du jour. On a vu, ces dernières années, se développer une réflexion sur le rôle de la rente dans le creusement des inégalités (Piketty) ou sur la nécessité de rendre certains biens à la propriété collective ( Dardot et Laval). Le livre de Pierre Crétois se situe dans ce champ, où il trace un sillon original. Il n'aborde pas le problème seulement par ses effets délétères, mais le reprend à la racine.
La propriété privée s'élabore à partir de la Renaissance, en tant que pendant de la souveraineté politique : l'individu règne en maître sur ses choses comme le souverain sur ses sujets. Elle devient un droit naturel, celui de la personne à jouir comme elle l'entend des fruits de son travail. La Révolution sanctuarisera cette idée dans la Déclaration des droits de l'homme. C'est là que les difficultés surgissent. Il n'a jamais existé dans la réalité de propriété absolument privée : les choses ne sont pas appropriables en tant que telles, mais sont des lieux où se rencontrent des existences et activités individuelles et collectives. Le propriétaire ne doit plus être conçu comme un despote sur son domaine, mais comme membre de communautés et d'écosystèmes.
Pierre Crétois fait donc d'une pierre deux coups : il démystifie la propriété privée, en la débarrassant des fadaises libérales et libertariennes, et la replace au centre de la politique.
Pas d'émancipation sans transformation de la propriété.
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Le fil de Gramsci : politique et philosophie de la praxis
André Tosel
- Amsterdam
- 18 Novembre 2022
- 9782354802608
Antonio Gramsci est l'un des plus grands philosophes du xxe siècle, pourtant sa pensée demeure méconnue : en France, l'évocation allusive de ses Cahiers de prison et la reprise sauvage du concept d'hégémonie constituent l'essentiel de sa réception. C'est là tout l'intérêt des travaux d'André Tosel - spécialiste incontesté du philosophe italien - que de rendre justice à l'oeuvre de « ce célèbre inconnu ».
La philosophie de la praxis élaborée par Gramsci constitue le fil rouge de cet ouvrage . Fondée sur le rejet de la séparation entre théorie et la pratique, elle structure la pensée politique gramscienne. Elle conduit le dirigeant italien à proposer une théorie de l'État radicalement nouvelle, où la société civile est envisagée comme l'espace de la lutte pour l'hégémonie. Formulée en opposition au marxisme soviétique, cette conception élargie de l'État ouvre la voie à la formulation d'une stratégie révolutionnaire nouvelle. La conquête de l'hégémonie supposant de coaliser des forces sociales hétérogènes, le parti, « Prince moderne », se voit conféré un rôle inédit : celui d'agréger un bloc historique à même de mener une guerre de position contre la classe dominante. Du rôle des intellectuels à la place du jacobinisme dans les processus révolutionnaires, des pans entiers de la pensée marxiste s'en trouvent actualisés.
Cet ouvrage d'André Tosel est incontournable pour qui souhaite s'approprier les armes théoriques que nous a léguées Antonio Gramsci. -
Le capital deteste tout le monde ; fascisme ou révolution
Maurizio Lazzarato
- Amsterdam
- 19 Avril 2019
- 9782354801908
Ce petit livre veut faire un bilan théorique et politique de la période post-68. Il représente une étape intermédiaire du travail entamé avec Guerres et Capital (écrit avec Éric Alliez) et qui se poursuivra bientôt dans Révolution et Capital. Guerres et Capital montrait que la guerre était, dès le départ, inscrite dans la nature du capitalisme, que ce soit sous la forme de la conquête extérieure (rivalités entre puissances, colonisation et impérialisme) ou sous celle d'une guerre contre les populations (femmes, colonisés, prolétariat).
Maurizio Lazzarato insiste ici sur deux points de la séquence récente : il existe un lien consubstantiel entre les politiques néolibérales et les néofascismes qui prospèrent aujourd'hui dans le monde occidental et ailleurs, notamment en Amérique latine.
La résurgence d'idéologies politiques de type fasciste (nationalisme, racisme, sexisme...) s'explique par la guerre de classes menée par des États subordonnés à la logique du capital. Aussi faut-il congédier comme un fantasme ces « populismes » que les médias se plaisent tant à conspuer. Deuxièmement, la gauche occidentale dans son ensemble (théorique comme politique), aveuglée par le relatif compromis entre travail et capital qui avait marqué la période de l'après-guerre, n'a pas compris, ou n'a saisi que bien trop tard, les nouveaux projets du capital. C'est pourquoi elle doit aujourd'hui réintégrer la guerre dans sa réflexion politique, renouer avec la notion d'affrontements stratégiques et se repenser elle-même dans l'horizon de la révolution.