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Sciences politiques & Politique
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« Les pages qui suivent n'aspirent pas, naturellement, à constituer un livre sur l'Europe, mais il ne s'agit pas non plus, à proprement parler, d'un ensemble d'essais.
Tronçons, fragments de ce qui aurait dû ou pu être un livre, ils ont ce caractère commun à tous les fragments, qui tient, plus qu'au développement inégal des pensées, au ton et à la voix, et qui provient d'une situation particulière qui dévoile la personne qui les a écrits. Car le fragment, comme l'a dit Kierkegaard, est une « oeuvre posthume », c'est ce qu'on dit quand on est mort.
Pareille chose se produit avec ce qu'on écrit, et même plus, avec ce qu'on dit, dans certaines situations comme celle de l'été 1940, saison où ces pages furent écrites.
Car on rencontre des situations qui se rapprochent autant qu'il est possible de la mort. On s'exprime alors avec plus de courage et de détermination parce qu'on n'espère rien dans l'immédiat, parce que l'immédiateté a disparu. Le monde a disparu, mais non notre capacité à ressentir qui nous enracine en lui. Et c'est ainsi que nous imaginons, nous les êtres mortels, les premiers instants de la mort : être irrémédiablement, absolument séparé d'avec ce qui constitue encore notre vie. D'où le fait de parler plutôt en criant et en implorant, d'où cette sincérité proche de l'impudeur qui confère à la parole la valeur du témoignage. »
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" Dans la première conférence, j'examinerai ce qui m'apparaît comme un trait essentiel de notre vie associative : dans bien des domaines, elle n'est pas le fait d'un héros libéral, d'un individu autonome qui serait en mesure de choisir ses propres allégeances.
Au contraire, un grand nombre d'entre nous se situent d'ores et déjà dans des groupes qui pourraient bien s'avérer déterminants. Dans ma deuxième conférence, je démontrerai par extension que les délibérations d'individus autonomes ne constituent qu'un moindre aspect du scénario politique en démocratie, avant de suggérer que le conflit social, négligé ces dernières années par les théoriciens du libéralisme, joue en réalité un rôle majeur : je m'efforcerai d'avancer un compte-rendu (ou du moins un inventaire) des activités qu'il requiert.
Dans ma troisième conférence, j'étudierai le rôle joué par la passion dans la vie politique qui est la nôtre, non sans m'inquiéter de ce que le libéralisme " raisonnable " (lequel conserve tout mon soutien) ne nous aide pas à saisir l'importance de ce rôle, ni à canaliser et contraindre ses diverses manifestations. "
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Notre planète part à la dérive et les confl its la déchirent, plus que jamais elle a besoin des qualités développées par l'Europe, et par l'Europe seule : le regard critique qu'elle porte sur ellemême, sa soif de transcendance, d'exploration et d'expérimentation, sa conviction qu'une alternative et une meilleure forme du vivre ensemble peuvent être atteintes, tout comme son engagement à les rechercher et à les défendre. Mais aujourd'hui, l'Europe doute d'elle-même, et de sa place dans un monde en permanente évolution ; elle manque d'idées, de ressources et de volonté pour poursuivre sa vocation. Elle se débat également avec les conséquences d'un processus de mondialisation à sens unique qui dissocie le pouvoir du politique.
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" Quand une catastrophe relève-t-elle de l'infortune, et quand est-elle une injustice ? Intuitivement, la réponse nous paraît tout à fait évidente.
Si l'événement funeste a été causé par les forces extérieures de la nature, il s'agit d'infortune, et nous ne pouvons alors que nous résigner à nos souffrances. En revanche, pour peu que quelque agent malintentionné - humain ou surnaturel - ait provoqué cet événement, alors nous avons affaire à une injustice, et nous pouvons légitimement exprimer notre indignation ainsi que notre colère. Or, il se trouve que dans l'expérience réelle, cette distinction, à laquelle nous sommes si passionnément attachés, n'a pas grand sens.
Les raisons s'en manifestent clairement dès l'instant où nous rappelons que ce qui est tenu pour inévitable et naturel d'une part, et ce qui est considéré comme contrôlable et social d'autre part, est souvent étroitement lié à la technologie, ainsi qu'à l'idéologie et à l'interprétation. La perception des victimes et la perception de ceux qui, fut-ce de façon très indirecte, pourraient se trouver à la source de leur détresse, tendent à être entièrement différentes.
Les personnes frappées par le malheur ne vivront ni les faits, ni leur signification de la même manière que les simples observateurs ou que ceux qui seront parvenus à éviter ou du moins à atténuer la souffrance... "
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Le courage de penser, dans le droit fil de la philosophie de Lumières, a toujours animé Aurel Kolnai (1900-1973). La plupart de ses écrits philosophiques attestent du caractère réactif de sa pensée. Le Dégoût (1929), L'Orgueil (1931), La Haine (1935) :
L'étude phénoménologique de ces sentiments semble s'être imposée à lui pour des motifs historiques évidents ; ne lui suffisait-il pas de lire la presse, d'écouter les conversations dans les cafés de Vienne et de se remémorer le déchaînement meurtrier de la Grande Guerre qui a conduit à l'éclatement de l'Empire austro-hongrois pour observer la montée de l'orgueil nationaliste et de la haine antisémite, et éprouver alors un profond dégoût ?