"Dans le premier volume de notre Grammaire Japonaise Systématique, nous avons abordé essentiellement l'organisation de la phrase simple et complexe, avec autant que possible des précisions sur le choix des particules et sur les différences de sens existant entre des phrases semblables. Nous nous sommes efforcée de montrer à nos lecteurs non seulement les règles grammaticales, mais aussi la manière dont les Japonais conçoivent le monde extérieur, laquelle se reflète nécessairement dans la construction des phrases.
C'est à dessein que nous avions laissé de côté tous les éléments concernant le système verbal, tels la voix, le temps, l'aspect, et les différentes expressions modales, y compris les expressions de la politesse qui occupent une place si importante dans la grammaire japonaise. Maintenant que nos lecteurs sont familiarisés avec la structure de la phrase japonaise, nous pouvons pénétrer dans le système verbal qui précise et enrichit la phrase en y ajoutant le point de vue du locuteur sur la réalité extérieure.
Nous allons traiter dans ce volume des différentes expressions verbales du japonais contemporain. Qu'appelle-t-on alors " expressions verbales "? Nous avons vu dans le premier volume (cf. p.3) que le japonais fait partie des langues agglutinantes et qu'un mot autonome (nom, verbe, etc.) peut être suivi de plusieurs mots fonctionnels qui le complètent et lui confèrent différents sens grammaticaux. L'ensemble ainsi constitué forme un seul syntagme, verbal ou nominal en fonction de la catégorie du mot qui est le noyau de cet ensemble.
L'objet de notre étude ici sera le syntagme verbal, constitué autour d'un verbe. Ce que nous appelons " syntagme verbal " ne correspond pas exactement à ce qu'on dénomme bunsetsu dans la grammaire scolaire actuellement en vigueur au Japon. Nous incluons dans le présent travail non seulement les syntagmes formés par un verbe et un ou plusieurs suffixes fonctionnels (jodôshi), mais aussi les syntagmes composés d'un verbe et d'autres verbes auxiliaires (ex. V-te iru, V-te shimau, ...), ou d'un verbe suivi de différentes expressions ayant un seul sens grammatical (ex. ka mo shirenai [conjectural], koto ga dekiru [potentiel], ...).
Comme dans le premier volume, nous avons mis en parallèle différents outils grammaticaux de fonction semblable. Par leur comparaison, les similitudes et différences seront mises en lumière. Les étudiants pourront alors choisir un outil approprié à chaque contexte afin de construire une phrase correcte et la plus naturelle possible.
Nous avons adopté dans ce volume une approche théorique de la grammaire japonaise avec une terminologie spécifique, ce qui pourrait gêner certains lecteurs. Notre objectif est de donner à nos lecteurs non seulement les moyens de comprendre et de construire les phrases japonaises, mais aussi une connaissance approfondie de la langue elle-même. Les lecteurs pourront sauter les passages théoriques pour ne lire que les passages pratiques. Les débutants de la langue japonaise pourront sélectionner les parties qui les intéressent et qui sont de leur niveau; ils pourront revenir sur les détails au fur et à mesure de l'avancement de leurs études. Le texte est unique, son approche est multiple.
Cette étude est certes fondée sur nos réflexions théoriques sur des faits linguistiques, elle ne se veut néanmoins pas un travail purement linguistique. Les théories linguistiques nous ont permis de voir la langue d'une manière objective, mais nous n'avons pas perdu de vue la motivation initiale de ce travail : d'aider tous ceux qui désirent comprendre la langue japonaise en profondeur en leur donnant des outils et des connaissances nécessaires.
Cette étude montrera comment le locuteur perçoit l'objet de description, et donne sa propre appréciation. C'est le côté plutôt subjectif de la langue où se reflète la vision du monde du peuple japonais, qui est sensiblement différente de celle des Occidentaux. L'étude d'une langue étrangère ne se limite pas à l'apprentissage des règles grammaticales et du vocabulaire pour construire des phrases grammaticalement correctes; il faut aller au-delà de la justesse des phrases produites pour atteindre le niveau de la composition des phrases " naturelles ". Pour cela, il importe de comprendre la conception du monde, le raisonnement et le sentiment du locuteur natif. Nous essayons de montrer à nos lecteurs cette partie cachée derrière les règles grammaticales, qui constitue l'essence même de la langue japonaise..."
Reïko SHIMAMORI, linguiste spécialisée en grammaire japonaise, est Maître de conférences HDR et chef du département de Japonais à Lyon III. Après avoir enseigné à L'université de Genève et à l'École Normale Supérieure de Lyon, elle exerce encore à l'École Centrale de Lyon et à l'Université de Lyon III.
Face à l'absence de grammaire japonaise essentielle en français, à l'origine pour ses propres étudiants, Mme Shimamori a publié ses deux volumes de Grammaire Japonaise systématique en 1994 et 2001. Ces deux grammaires, reconnues par la Fondation du Japon et la Fondation de France, expliquaient avec clarté les règles grammaticales.